Au milieu de sa journée de travail, penché sur sa planche à dessin, Samar reçoit une demande de contact. Son application de rencontre ne manque pas d’opportunités... Mais outre ce mystérieux prétendant, notre artiste exigeant doit aussi gérer ses sorties, toujours aussi risquées dans ce Liban hypocrite qui rejette "officiellement" l’homosexualité. Et puis, les amies, les amis, les manifs à venir contre le gouvernement corrompu, et aussi les discussions enflammées aux terrasses, les expos d’avant-garde... La vie de Samar a beau s’éclairer de multiples lumières, son inquiétude ne faiblit pas. Que lui réserve l’avenir ? Et que réserve-t-il à son pays ? Une menace semble grossir de la mer, approchant les rives de Beyrouth.
Ambitieux premier roman graphique pour ce jeune auteur libanais, qui parvient à mêler son quotidien et la réalité de sa ville. Reportage, récit intimiste, réflexion identitaire : L’Intranquille est tout cela à la fois, avec même des intermèdes fantastico-érotiques.
Le trait souvent simple de l’auteur parvient à une grande richesse, notamment dans la grâce des mouvements des corps (superbes scènes chorégraphiques). Ses couleurs décalées nous détachent du réel tout en renforçant les émotions et les pensées intérieures.
On apprend beaucoup sur les difficultés des gays à Beyrouth, et tout autant sur le milieu artistique moderne, survivant entre débrouille, lieux atypiques et menaces de censure.
Joseph Kai, avec ce récit à la croisée des genres, réussit à éviter tout nombrilisme alors qu’il parle essentiellement de lui-même. Et la surprise de la dernière planche, évoquant le drame du port de Beyrouth en 2020, clôt l’album sur une image marquante.
(par David TAUGIS)
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L’Intranquille. Par Joseph Kai (scénario et dessin). Casterman. Sortie le 29/09/2021. 18 x 26 cm. 168 pages couleur. 20 €.