L’album porte les traces de ce combat. Cela tombe bien, ce troisième volume au titre adapté, « Le survivant », raconte précisément le retour au devant de la scène de Raphaël Steiner que l’on croyait disparu dans les camps d’extermination. Le récit est haletant et on reconnaît toute l’habileté d’un avocat-scénariste, Richard Malka, pour raconter les retournements de prétoire, ponctués de révélations.
Avec son dessin classique, habilement mis en lumière par les couleurs de Hubert, Paul Gillon rend attractifs et fluides les débats d’audience qui, en raison du caractère figé des décors (nous sommes à huis-clos) rendent difficiles la dynamisation des scènes.
Mais ce combat, le premier à le porter, c’est le vieux dessinateur qui a du subir de nombreuses attaques de sa maladie : « Je ne veux pas qu’on me plaigne, que l’on fasse de moi un pauvre bonhomme estropié, mais en même temps pourquoi pas ?, cela fait partie du destin de chacun d’avoir des problèmes de santé. Il y a une période de cinq à six mois durant laquelle j’étais attaqué littéralement dès que je m’asseyais à ma table de travail. Je n’avais pas de solution. On a réfléchi à des aménagements de mon plan de travail, relativement aux accès. Mais j’ai toujours besoin de bouger pour un document à aller chercher, etc. Cela fait partie de mes routines : je travaille pendant 20 minutes à une heure, puis je me repose. J’ai toujours travaillé comme cela… Mais surtout, pendant quelques mois, cela a été d’une agressivité terrible. Au bout de dix minutes, j’étais foudroyé. On ne peut pas dans ces conditions travailler avec l’esprit libre, avoir la main libre. C’est l’arthrose, on ne sait pas vraiment ce que c’est en réalité. Aucun médecin au monde n’a été capable de m’expliquer comment lutter contre. J’ai essayé toutes les sortes de médecine, sauf lourde. »
N’empêche, il s’y met. Cela prend le temps qu’il faut mais il achève le troisième tome et, à peine fini, il est prêt à mettre en œuvre le quatrième et dernier volume de la saga : « Il fallait trouver un équilibre créatif entre ma santé et mon travail, ce qui est le cas maintenant : on a réussi à diminuer l’assaut des douleurs. J’attends avec impatience le scénario de Richard Malka pour la suite, il est au courant puisque je m’entretiens très régulièrement avec lui. » La pression est maintenant sur le scénariste, peu disponible en ce moment puisqu’il est l’avocat de la banque luxembourgeoise Clearstream dans le procès qui défraye aujourd’hui l’actualité. Mais ce n’est pas l’envie qui manque, surtout celle de voir son ami Paul Gillon produire de nouvelles planches.
Voilà qui relativise un peu les commentaires stupides qu’on peut lire sur Amazon.fr : « Foutage de gueule, écrit un lecteur. Cette série est en train de battre le record de la lenteur entre deux tomes et fait concurrence sur ce thème aux œuvres de Pellerin avec la série L’Épervier. Les lecteurs sont floués. C’est dommage car la série est vraiment bonne. » Un autre écrit : « Affligeant. 3ème report de sortie du T3. Quel manque de courtoisie vis à vis des lecteurs, c’est dommage car cette BD est vraiment intéressante… »
Figure majeure la bande dessinée du XXe Siècle, Paul Gillon a été de toutes les aventures de la BD : du Journal de Mickey à Vaillant, de France Soir à Métal Hurlant... Grand Prix d’Angoulême 1982, il traverse son siècle avec une incroyable longévité sans que jamais il ne se trouve démodé. Les éditions Glénat avaient publié récemment son chef-d’œuvre : Les Naufragés du Temps.
Quand on lit ces remarques, on se dit qu’il y a des baffes qui se perdent…
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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L’Ordre de Cicéron T.3 : Le Survivant, par Paul Gillon et Richard Malka. Éditions Glénat
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En médaillon : Paul Gillon. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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