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L’éditeur de Saint-Tin, la parodie de Tintin, condamné pour « parasitisme »

Par Nicolas Anspach le 13 juillet 2009               Tintin, condamné pour « parasitisme »" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Le Tribunal de Grande Instance d’Evry vient de remettre son jugement quant à {Saint-Tin}, une parodie romanesque de l’œuvre d’Hergé. À travers un jugement en demi-teinte, il estime que ces romans ne sont pas des contrefaçons, mais condamne toutefois l’éditeur pour « parasitisme ».

Nous avons déjà évoqué dans nos pages le litige qui opposait les ayant-droits d’Hergé à l’éditeur Arconsil qui publie les romans des « Aventures de Saint-Tin et son ami Lou », une œuvre parodiant les exploits du reporter à la houppe. Chaque roman, écrit par Gordon Zola ou Bob Garcia, porte un titre amusant qui se réfère à l’univers de Tintin. Plusieurs livres étaient disponibles à la vente jusqu’à ce que le stock de la société Arconsil soit saisi en février dernier. Il était devenu, depuis lors, quasiment impossible de dénicher « Le Crado Pince Fort », « La Lotus Bleue », « L’oreille Qui sait » et « Le Vol des 714 Porcineys » dans le commerce.

L'éditeur de Saint-Tin, la parodie de <i>Tintin</i>, condamné pour « parasitisme »
Gordon Zola vient d’être condamné pour "parasitisme" par le Trinunal d’Evry.
(c) Nicolas Anspach

Moulinsart, défendant les intérêts de l’ayant-droit d’Hergé, Mme Fanny Rodwell, avait porté l’affaire devant les tribunaux, estimaint que les aventures de Saint-Tin étaient une contrefaçon de celles de Tintin.

Le Tribunal de Grande Instance d’Evry qui a rendu son jugement le 9 juillet dernier n’est pas de cet avis. Certes, la société Arconsil a été condamnée à verser 40.000 € (et le remboursement de frais annexes) à Moulinsart en « réparation du préjudice économique pour parasitisme », mais le même jugement déboute le plaignant des poursuites pour « contrefaçon ».

Le trinunal a également levé l’interdiction de commercialisation des titres existants et ordonné que la saisie sur les stocks soit annulée. Le tribunal exige également que le jugement soit publié dans un quotidien national et dans le magazine Livres Hebdo.

Gordon Zola et Bob Garcia ne sont donc pas des « contrefacteurs », mais plutôt des « parasiteurs » de l’oeuvre d’Hergé.

Le jugement du Tribunal de Grande Instance d’Evry est peut-être paradoxal mais juste. S’il reconnaît que le côté parodique de Saint-Tin est licite et en autorise la diffusion, protégeant ainsi le droit de parodie, il admet néanmoins qu’un « parasitage » de l’œuvre d’Hergé est susceptible de porter préjudice aux affaires du réel détenteur des droits d’exploitation de l’œuvre d’Hergé, Moulinsart.

En clair, le jugement autorise la parodie mais condamne l’usage systématique de l’univers de Tintin à des fins commerciales.

La société Arconsil, qui édite les livres de Saint-Tin sous le label du Léopard Démasqué attend de recevoir une copie du jugement et de prendre connaissance de ses motivations avant de se décider de pourvoir éventuellement en appel.

L’éditeur comptait publier 23 romans mettant en scène le Capitaine Aiglefin, éclusier à la retraite, le professeur Margarine, éminent crypto-zoologue ou encore les agents secrets Ying et Yang, et bien entendu le grand reporter Saint-Tin et son ami Lou (un perroquet).

Le Léopard Masqué est interloqué par cette décision de justice, mettant en avant ses "incohérences". Il constate que chaque nouvelle parodie qu’il publierait serait licite mais qu’il lui faudrait s’acquitter de 40.000 euros de dédommagement à Moulinsart pour pouvoir le publier.

Il pose en outre assez directement cette question : « ... nous avons été saisis pour contrefaçon et, depuis février, nous ne faisons plus de chiffre d’affaire… Ayant gagné sur cette partie du procès, quid de notre préjudice financier ? »

Bob Garcia, l’un des auteurs de Saint-Tin, est aussi l’auteur de plusieurs livres d’étude sur l’oeuvre d’Hergé également attaqués par Moulinsart.
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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17 Messages :
  • On m’a offert "l’oreille qui sait" et je viens de le lire... si les autres titres devaient être du même tonneau, je comprends tout à fait l’utilisation du terme "parasite" !
    Ce genre de publication est de toute évidence (à mon sens) un moyen facile de faire de l’argent grâce à la notoriété d’un personnage mondialement connu.... et parler de pastiche, d’hommage et autre hypocrisie me semble relever de la plus parfaite mauvaise foi !
    Les rayons des librairies spécialisées, déjà fortement encombrés d’ouvrages superflus, n’ont pas besoin qu’on en rajoute avec ces publications dont l’intérêt m’échappe totalement..

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    • Répondu le 13 juillet 2009 à  22:02 :

      dont l’intérêt m’échappe totalement..

      Mais "faire de l’argent facile", voilà l’intérêt.

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    • Répondu le 13 juillet 2009 à  23:10 :

      Pour ma part, j’ai lu le premier, Le crado pince fort. J’ai passé un agréable moment. Pile poile ce que je croyais avoir pour cette lecture.
      Faut savoir rire un peu, je pense...

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      • Répondu par Pierre le 14 juillet 2009 à  09:16 :

        "faut savoir rire un peu"... j’ai ouvert "l’oreille qui sait" sans a priori, j’ai commencé à peiner à la troisième page... l’humour léger tendance almanach Vermot, ou les allusions "fines" pour initiés bédéphiles ou littéraires, architéléphonées, ne m’ont pas arraché un sourire... je préfère Goossens, Hugot, Larcenet (1ère période) Veys et quelques autres.... mais bon, chacun son truc ! (pour en revenir à "l"oreille qui sait", l’histoire en elle même fait 131 pages, très aérées, et je ne compte pas les pages blanches... à 10 euros le livre, et sans prétention de ma part, je peux en pondre 2 par semaine....tiens, j’ai une idée de série, ce serait un spahi qui serait roux, donc les aventures du spahi roux, avec comme premier titre : "la mauve esthète"... on va bien rigoler ! !)

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        • Répondu le 14 juillet 2009 à  22:39 :

          De toute façon, les jugements de valeur n’ont pas à entrer en compte. S’il fallait interdire tous les mauvais bouquins les librairies seraient bien vides. C’est la démarche qui était mise en cause dans cette affaire, pas la qualité du truc.

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    • Répondu par Goelands77 le 15 juillet 2009 à  09:20 :

      Pour ce qui est de l’intérêt des livres, à chaque lecteur de se faire son opinion... Personnellement, j’ai apprécié La Lotus bleue : j’ai trouvé cet ouvrage bien écrit et très drôle.

      Mais c’est pour autre chose que je réponds à votre message... Croyez-vous vraiment que le rôle des tribunaux soit de veiller à "désherber" les rayonnages des librairies et des bibliothèques en interdisant la publication des ouvrages inutiles (à vos yeux) ?

      Moulinsart a attaqué l’éditeur pour "contrefaçon". Le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas "contrefaçon", ce qui paraît évident... En revanche, cette condamnation pour "parasitisme" me laissa perplexe ! La loi reconnaît le droit à la parodie, mais comment peut-on parodier sans se référer à une base ? S’il n’y a pas dans le roman des clins d’oeil à la BD, où serait la parodie ? Parler de "parasitisme" revient à nier le droit à la parodie. Imagine-t-on une condamnation de 40 000 euros (plus les frais de justice) à chaque fois qu’un humoriste parodie Sarkozy ou Raffarin ou Cabrel ? Cet humoriste "fait de l’argent" en utilisant la notoriété et les productions de ces personnes, donc le tribunal d’Evry pourrait les condamner pour "parasitisme"... Jusqu’à maintenant, tous les tribunaux ont respecté le "droit à la parodie" et admis qu’on pouvait faire rire en reprenant de manière décalée des éléments de discours, d’écrits, de chansons... ou de BD !

      Cette condamnation me semble donc une "première" très inquiétante, qui dépasse de loin le cas malheureux des Saint-Tin... Je dis "le cas malheureux", car condamner un petit éditeur à une peine pareille revient à prononcer sa faillite !

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      • Répondu le 15 juillet 2009 à  11:30 :

        car condamner un petit éditeur à une peine pareille revient à prononcer sa faillite !

        On ne va pas le plaindre votre " petit éditeur", puis que c’est exactement le but suivi avec cette entreprise de parasitage d’Hergé : faire vite de l’argent avec les collectionneurs de tintineries qui achètent n’importe quoi estampillé Hergé ou presque, se faire attaquer en justice, passer pour une victime et faire passer Moulinsart S.A pour les gros vilains.
        Le jeu joué par Gordon Zola est un jeu de dupes.

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        • Répondu par fred Boot le 15 juillet 2009 à  14:42 :

          Il ne sont pas responsables de la collectionite aigüë de certains. Si c’est nul ou malhonnête, on n’achète pas et c’est tout. Purée. Les collectionneurs sont assez grands pour piger ça, non ?

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      • Répondu par fred Boot le 15 juillet 2009 à  14:47 :

        De toute façon, c’est la grande schizophrénie de cette affaire : on placarde Tintin partout jusque sur les places publiques et les Hotels de Ville, mais interdit de se l’approprier.

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      • Répondu par Sergio Salma le 19 novembre 2009 à  21:11 :

        Je ne vais pas défendre Moulinsart mais juste revenir sur votre inquiétude, Goelands 77.
        En ces périodes de grands chamboulements du droit à l’image, des droits de citation, des emprunts, de la reproduction, du copyright, on est en droit de s’inquiéter comme vous de ces conclusions. Et pourtant...je me demande si Moulinsart pour le coup n’a pas raison. Vous insistez sur le droit à la parodie. Voilà bien sûr un droit incontestable, le pamphlet, la caricature quoi de plus normal et de plus indispensable ? On peut dire ce qu’on veut (hem !) et se moquer de qui on veut, on est dans des pays libres.

        Si Moulinsart met son veto c’est parce que dans ce cas-ci il y a effectivement risque de confusion. Si on sort un bouquin sur Sarkozy ou Alain Delon en se payant leur fiole, le livre ainsi exposé ne fera pas référence...à un livre. C’est là que le bât blesse je crois avec Saint-Tin. Quel que soit le niveau ou la pertinence de ces pastiches, il me semble que Moulinsart a le droit de penser que l’image est brouillée.

        Le droit à la parodie est une chose très subtile( qui varie d’ailleurs d’un pays à l’autre) .Le mot "parasitisme " est un peu fort mais il faut le comprendre dans son double sens ; Saint-Tin est un parasite parce que comme un champignon ou une boule de gui il va se nourrir de l’arbre sur lequel il est accroché, mais il est aussi un parasite dans le sens où il brouille les ondes, il y a des parasites sur la ligne , l’image est brouillée.

        il s’agit là d’une oeuvre immense et reconnue, qui donne envie à beaucoup de s’en emparer pour lui tordre le cou affectueusement. Faire rire avec le savoir des lecteurs, il y a la connivence parfaite. Mais puisque des lois existent, elles sont censées aussi protéger ceux que l’on pastiche ou parodie.
        L’univers de Tintin appartient à des personnes , et il faut aussi respecter ce droit.

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  • Pour ma part, j’apprécie le Bob Garcia, Holmésien, membre de la société SH de france et auteur de l’excellent "testament de Sherlock Holmes" et non moins réussi "Duel en Enfer".

    Et j’avais cru que le délire des éditeurs étaient de créer des pastiches comme il y en a d’Arsène Lupin ou de Sherlock Holmes puisqu’il n’y aura plus jamais d’autres opus.

    Après évidemment, il y a des questions de propriété intellectuelle et de qualité de l’ouvrage (je n’en ai lu aucun).

    Mais en tout état de cause, le terme de "parasitage" me semble trop fort.

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  • Bon, si vous n’en avez rien lu vous ne perdrez rien au change, c’est fastidieux ennuyeux et stupide à mourir.
    Il est heureux que ces parodies ne soient pas interdites ainsi tout le monde pourra constater leur platitude.

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  • Quid du devenir par contre de la série "Comment Hergé a créé...", que l’on aperçoit sur la photo située ci-dessus (sur le mur de gauche), et stoppée aux dernières nouvelles aux Cigares du pharaon dans le commerce ? L"éditeur semble vouloir poursuivre tant bien que mal :

    cf. le lien :

    Voir en ligne : http://jjprocureur.canalblog.com/ar...

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    • Répondu par CS (le pardisiaque) le 15 juillet 2009 à  17:13 :

      Si ces livres sont interdits, ils risquent de prendre de la valeur, ce qui n’augmentera pas leur interet intrinsèque (sauf pour les amateurs de jeux de mots style Vermot ou Devos, bien sur)

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  • PARASITISME ? C’est quoi ? Profiter de droits d’auteur alors qu’on a rien créé ? Spéculateur ? Banquier ??? Ben dites donc, on n’a pas fini de rire avec la justice française :-)

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  • La démarche de l’anonyme Gordon Zola est profondemment antipathique. Ce n’est pas un admirateur de Hergé, mais bien un profiteur.

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  • Hergé avait un talent qui ne convainquait pas tout le monde, ce qui est tout à fait naturel. Gordon Zola a le sien, qui ne peut pas plaire à chacun. Ce talent a été mis en valeur par un travail, de parodie. Comment aurait-il pu parodier l’inexistant ?
    C’est le tarissement de la source Hergé qui inquiète Moulinsart, et le fait se jeter sur une opportunité de faire du fric : raisonnement à court terme car si l’éditeur disparait, plus de nouvelles publications qui sont une locomotive pour les originaux de Tintin.
    Les ayant-droits de Dom Juan ont-ils poursuivi Molière, Mozart et tant d’autres ?
    Longue vie au Léopard Masqué, à Saint-Tin et à Gordon Zola !

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