N’ayant pu nous rendre à l’inauguration, nous nous faisions un devoir de visiter l’une des expositions majeures de la scène parisienne actuelle : "Dessins du studio Ghibli" au Musée d’Art Ludique. Ghibli est le studio mythique qui a produit Mon Voisin Totoro, Le Tombeau des lucioles, Le Château dans le ciel, Pompoko, Princesse Mononoké, Mes Voisins les Yamada, Le Voyage de Chihiro, Ponyo sur la falaise, Le Vent se lève ou Le Conte de la Princesse Kaguya, quelques-uns des films qui ont marqué l’histoire du dessin animé japonais et même mondial.
Annonçant l’exposition de quelque 1300 layouts, c’est à dire ces dessins qui servent de base aux animateurs et aux intervallistes de ces dessins animés, reprenant les plans du film, déterminant l’ambiance des scènes, du décor, la position, l’attitude et l’expression des personnages, les organisateurs nous promettaient de nous faire découvrir "Les secrets du Layout pour comprendre l’animation".
Deux questions nous venaient à l’esprit : Une exposition de dessins de layouts n’est-elle pas horriblement technique, susceptible de n’intéresser que des "professionnels de la profession", des spécialistes de l’animation, écartant impitoyablement le curieux ou le néophyte ? Par ailleurs, 1300 dessins, quasiment au même format, dans le style normalisé de l’animation, ne promet-il pas une overdose au visiteur ?
Notre arrivée à l’entrée de l’exposition mercredi dernier, soit vingt jours après son ouverture, a immédiatement répondu à la première question : il était 14 heures, devant les caisses, une file de plus de 120 personnes attendait d’entrer... Dans le public, des jeunes gens surtout, parfois accompagnés de leurs parents, des passionnés d’animation japonaise, connaissant par cœur la plupart des films montrés. Ils sont donc si nombreux en France ? Apparemment.
Le parcours est un long dédale à la scénographie sobre, seulement ponctuée par des agrandissements de grand format, rarement par des objets, mais aussi par quelques écrans. Si les cartels semblent peu diserts, l’audioguide en deux langues (français et anglais), exerce avec talent un travail d’explication et de contextualisation pour chacune des près de 40 étapes proposées.
Et ceci répond à la deuxième question : le public visé, en particulier les adolescents et les jeunes adultes, pas connus pour être très patients, est-il conquis ? Là aussi, nous avons pu constater le feed-back positif : il ressort passionné par ce qu’il a vécu, par la découverte des secrets et des techniques d’une réalisation dont ils n’avaient goûté jusqu’ici que la magie finale. Mieux : l’envie leur prend de voir au plus tôt des films qu’ils avaient jusqu’ici ignorés, par exemple ceux d’Isao Takahata ou de Gorō Miyazaki, quand ils ne connaissaient que ceux d’Hayao Miyazaki...
Ce succès consacre la vision de Diane & Jean-Jacques Launier, les fondateurs du Musée d’Art ludique. Ces créateurs de la galerie Arludik à Paris ont misé sur une nouvelle façon d’appréhender les arts graphiques en s’intéressant aux dessins issus de l’Entertainment : la bande dessinée, le jeu vidéo, les mangas, le film d’animation et le cinéma.
Une approche que Jean-Jacques Launier a même théorisée dans un ouvrage de référence : Art ludique (Sonatine éditions). "Nous appelons Art Ludique le courant artistique pictural qui traverse les disciplines de la bande dessinée, de l’animation, du jeu vidéo et de l’illustration. La bande dessinée y contribue donc tout à fait, les pionniers de la BD peuvent même en être considérés comme les pères fondateurs de l’Art ludique !" nous témoignait même Jean-Samuel Kriegk, coauteur de ce livre.[...] pour les grands artistes d’aujourd’hui, l’univers graphique est plus important que le support par lequel le dessin s’exprime, et le passage d’un média à un autre est complètement naturel. Les grandes créations contemporaines, de Matrix au Chat du Rabbin sont d’ailleurs racontées simultanément sur l’ensemble de ces supports.
Une vision novatrice qui lui a permis de monter au Musée d’Art ludique des expositions majeures comme « Pixar, 25 ans d’animation » et « L’Art des Super-Héros Marvel » et qui trouve aujourd’hui une nouvelle fois une forme de consécration.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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"Dessins du studio Ghibli"
Jusqu’au 1er mars 2015.
ART LUDIQUE-Le Musée
34, quai d’Austerlitz 75013 Paris
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