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L’incroyable saga de Dofus, un « manga-like » français

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 avril 2006                      Lien  
Dofus est un phénomène qui ne vous échappera pas longtemps. Né sur Internet dans un jeu vidéo, un jeu de rôle massivement multijoueurs (MMORPG), cette sympathique saga {manga-like} a été créée par une jeune société de Tourcoing, Ankama-Games. Plus de 700.000 joueurs se sont inscrits à ce jeu et 55.000 d'entre eux sont désormais abonnés. Depuis octobre 2005, le jeu a son manga, publié en autoédition sous le label de Ankama-éditions.
L'incroyable saga de Dofus, un « manga-like » français
Un personnage de Dofus
(c) Ankama Games

Tout commence en mai 2001, avec Ankama, une société de prestation de service spécialisée dans l’Internet. Après avoir créé un premier concept de jeu et fait le tour des éditeurs, l’équipe d’Ankama décide de s’éditer toute seule. En octobre 2003, une version bêta du jeu Dofus, jeu de rôle massivement multijoueurs sur Internet (MMORPG) utilisant un gameplay tactique, entièrement réalisé en Flash, voit le jour Les versions se succèdent et, en mai 2004, Dofus remporte les Prix du Meilleur Jeu et le Prix du Public toute catégorie lors du Flash Festival de Paris. Malgré le fait que le jeu soit encore en test, des centaines de joueurs se connectent chaque jour. En septembre 2004, la version officielle française apparaît et le 1er octobre 2005, la version anglaise est disponible. Une dernière version du jeu fait un carton. Humour et graphismes colorés et originaux, univers offrant aux joueurs un monde en perpétuelle évolution sont ses marques de fabrique. Fin décembre 2005, il a 25.000 abonnés qui paient 5€ tous les mois. Ils sont 55.000 fin mars 2006, tandis qu’entre-temps, 700.000 joueurs se sont inscrits. Dofus remporte les Prix du Meilleur Jeu et le Prix du Public toute catégorie lors du FlashForward 2006 de Seattle (États-unis) et le Prix du Public lors de l’Independent Games Festival de San José (États-unis).

Screenshot du jeu Dofus
(c) Ankama Games

Ancien champion de Warcraft III

Un personnage de Dofus
(c) Ankama éditions

D’où sort-il, ce phénomène ? De Tourcoing, dans le Nord. Anthony Roux, Camille Chafer et Emmanuel Darras, trois fondus de jeux vidéo, en particulier de jeux de rôle, décident de lancer leur label. Ils ne débarquent pas : Anthony, en particulier, directeur artistique de la société, a fait partie des meilleurs joueurs européens de Warcraft III, Camille et Emmanuel sont des développeurs qui sortent de l’ENIC, la fameuse école d’ingénieurs de la région lilloise. Ils réunissent suffisamment de capital pour démarrer (80% sur fonds propres, avec le soutien d’investisseurs comme la Financière du Nord Pas de Calais et d’organismes locaux comme Lille Métropole Initiative) et se lancent dans l’aventure. Leur botte secrète, c’est grâce à cette connaissance intime de l’univers du jeu, c’est la création d’un système de combat rapide et tactique avec gameplay efficace dans lequel tout nouveau joueur est en mesure d’affronter les joueurs plus anciens avec des chances égales de l’emporter.

L’Art Book Dofus
(c) Ankama éditions

Alors quoi ? C’est si simple de créer son propre jeu ? Pas trop, non. Disons que nos amis ont fait un pari risqué mais gagnant : « Le marché des jeux en ligne est très vaste, nous expliquent-ils. Il y a différents types de jeu. Mais on peut les résumer en deux branches, les MMO (jeux massivement multijoueurs) qui s’adressent habituellement aux gros consommateurs de jeu vidéo, le plus souvent payant et qui nécessitent un "investissement" personnel du joueur en terme de temps. Ce sont le plus souvent des jeux en 3D dont les plus connus sont WoW, DAoC ou Lienage II. D’un autre côté, il y a les "petits" jeux qui s’adressent à tout le monde, qui se jouent en 5 minutes, le plus souvent gratuit. C’est le genre de jeux qu’un ami peut vous envoyer par mail et qui va vous occuper pendant la pause déjeuner, mais que vous oublierez bien vite. » Les premiers sont très chers, les seconds sont très courants et peu rentables. Ils sont souvent utilisés pour faire de la pub. « Avec Dofus, nous avons voulu prendre les outils des "petits" jeux pour faire un MMO ». C’est simple, mais il fallait y penser. Ils appliquent la même tactique que les Japonais pour conquérir le marché du dessin animé : ils choisissent la semi-animation, certes plus sommaire que du Disney, mais qui permet d’assurer de la présence à la télé. On sait ce qu’il en est advenu. Ce qui compte pour nos créateurs, c’est d’assurer leur indépendance : « Pour nous, en fait, il n’y avait d’intérêt à faire des jeux que si nous arrivions à faire ce que nous avions envie sans que nous ne soyons obligés de trouver un éditeur, vendre un rein sur ebay ou de faire un jeu 3D qui ne pourrait pas rivaliser avec les jeux les plus connus. »

Dans la foulée, Ankama crée une ligne de Manga

Dofus, le manga vol. 2
Ankama éditions

Dans l’équipe qui développe le jeu, on trouve quelques graphistes sortis de la section BD de l’Académie de Tournai (Belgique). Tous, sont fans de BD et bien évidemment de mangas, la culture de la Génération Dorothée. Mais le tour des maisons d’édition ne produit rien : «  Nous avons senti que d’une part nous n’aurions pas la liberté éditoriale que nous recherchions, nous explique l’équipe d’Ankama, et que d’autre part, en tant que "novices" sur le marché de l’édition, nous aurions des conditions loin d’être satisfaisantes. Nous étions prêts à prendre des risques, les éditeurs, même les plus gros, non. » Résultat, ils s’y « collent » eux-mêmes. Comme leur catalogue n’est pas encore assez étoffé, ils se diffusent également par leurs propres moyens. « Nous avons donc retroussé nos manches et commencé le travail seul, racontent-ils non sans fierté. Heureusement, des magasins comme le Furet du Nord, la Fnac ou les librairies Album nous ont fait confiance, suivis par d’autres comme Virgin Megastore, Bazar du Bizarre, BD Fugue, Folle Image, Majuscule et d’autres. Nous avons pu également bénéficier des services des réseaux Prisme ou Dilicom. Bien sûr, aujourd’hui, nous aurions rien contre le fait de trouver un distributeur qui serait prêt à joueur le jeu d’un partenariat ambitieux et qui nous permettrait par exemple d’entrer dans la grande distribution ou d’optimiser notre plate-forme d’expédition. »

Dafus, le manga vol.1
(c) Ankama éditions

Deux titres sont sortis de presse en octobre 2005 et en mars 2006. Un "Art Book" du jeu est également disponible. Il devrait paraître une nouveauté tous les deux mois, tandis que d’autres lignes éditoriales sont en cours d’élaboration. Les auteurs sont Tot, pseudo du créateur du jeu Anthony Roux (scénario) et Ancestral Z et Crounchan (dessins), deux jeunes dessinateurs sortis de la section BD de l’Académie des Beaux-Arts de Tournai. La BD, c’est évidemment un tout autre genre que le jeu vidéo. Là, ce n’est pas le joueur qui fabrique son récit. Il faut en proposer un au lecteur. Aussi, le scénariste ne se casse-t-il pas la tête : ce sera une quête, une quête pour le Dofus, "un objet mystique" que l’on recherche à tout prix. Mais le ton est résolument au second degré, dans une tradition qui n’est pas sans rappeler Trondheim. On est dans le genre manga, mais on n’hésite pas à le moquer. Ainsi, à un moment, on tombe sur une espèce de personnage à la Dragon Ball, obèse comme un sumo. Quant à la fin de l’album, il comporte un avertissement au lecteur, comme dans les « vrais » mangas, pour mieux l’avertir qu’il n’est pas dans une BD asiatique et que, contre toute attente, son sens de lecture est lui aussi « original ». Se moquer des mangas pour mieux leur faire la concurrence, c’est pas mal, comme idée. Décidément, Dofus apparaît vraiment comme un phénomène.

Une double page de Dofus
(c) Ankama éditions

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

Ankama Editions - 31 rue de la fonderie - 59203 Tourcoing cedex - FRANCE
Tél : +33 (0)3.20.36.04.26 - Fax : +33 (0)3.20.76.82.30 -
Le site des éditions Ankama
Plus d’informations sur le site de Dofus

 
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