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L’univers positif et poétique de Gulliver

Par Charles-Louis Detournay le 3 janvier 2010                      Lien  
Se basant initialement sur les fameux récits de Jonathan Swift, Kokor s'en détourne progressivement pour nous livrer un habile conte qui loue les valeurs familiales, l'écoute et la compréhension.

J’aime la période utopique du nouvel an.

Bien entendu, je sais qu’une part des bons vœux formulés le sont pas pure politesse. Bien sûr, je sais que cette date du ‘début d’année’ est purement arbitraire, qu’on n’aurait d’ailleurs pu choisir une toute autre, si ce n’est que les autorités voulaient supplanter les traditions païennes, célébrant le rallongement des jours. C’est d’ailleurs pour railler les partisans du calendrier précédent qu’on offrit de faux cadeaux le premier avril, et qu’on leur fit des tours pendables.

Quoiqu’il en soit, j’aime bien la période utopique du nouvel an, comme si cet élan de vœux et d’altruisme pouvait donner un sursis à notre humanité.

Vous devez sans doute vous demander ce qui me passe par la tête, si les relents des dernières fêtes n’auraient pas de conséquences fâcheuses sur mon état d’esprit, pour comparer ainsi les tentatives sincères de générosité, et les manœuvres politiques pour diriger le peuple bêlant. Encore un peu de patience : vous allez comprendre.

Les Voyages de Gulliver : un pamphlet encore d’actualité

L'univers positif et poétique de GulliverD’origine anglaise, l’écrivain satirique Jonathan Swift publia en 1726 un ensemble de quatre récits, qui sont encore considérés comme un ouvrage de référence : les Voyages de Gulliver. Un docteur en médecine entreprend quatre voyages fantastiques, qui l’entraînent dans de fabuleuses contrées, dont le réputé Lilliput, passé dans le langage courant.

Depuis trois ans, l’auteur Kokor s’en est librement inspiré pour nous livrer une série aussi belle qu’évocatrice, et qui prend graduellement toute sa valeur.

Le premier livre raconte le quotidien de Gulliver, un docteur qui prend son prochain en considération, se faisant payer en rêves, et n’aspirant qu’à prendre le large pour vivre des aventures. Celles-ci se présentent d’ailleurs à lui, et le voilà bientôt débarqué sur la terre des Lilliputiens. Tout en respectant globalement la thématique de Swift, Kokor en adoucit le propos. Bien entendu, il met en avant les grandes différences qui peuvent opposer les êtres, la fausse importance des préjugés, mais il développe surtout les qualités intrinsèques de l’attente, de l’observation et du respect pour comprendre les autres, qu’ils soient humains ou animaux.

En plus d’une grande portée poétique, c’est la simplicité du message tout autant que sa portée qui émeuvent le lecteur. L’attaque en règle de l’intolérance et de l’abus de pouvoir apporte un vis-à-vis suffisant pour donner une belle cohésion à ce premier tome. Même si les épisodes de la femme de Gulliver, restée au pays, semblent parfois hors de propos. Mais tout vient à point à qui sait attendre.

Un second livre plus sombre, et étonnamment inspiré par les Beatles

Après les Liliputiens, Gulliver entreprend son second voyage chez les géants Brobdingnag. Kokor se détache de plus en plus de l’œuvre de Swift en limitant l’interaction de Gulliver au sein de ce pays. En le plaçant volontairement en position d’infériorité, il renforce les valeurs de son héros : le rêve, l’accueil de tous en soignant les animaux blessés, l’amour qu’il rend à la petite fille qui l’a recueilli.

Pourtant, la critique est plus présente que dans le premier livre. Tout d’abord le fascisme de ce pays de géants, où l’on vous explique chaque jour ce qui est bon et mauvais, et gare à ceux qui voudraient en douter ! Derrière cette fable plus fantastique, Kokor continue de développer le personnage de Clémence, la femme de Gulliver. Devant garder les enfants, elle s’implique pourtant dans la politique de sa ville, prenant la défense des faibles, que les pouvoirs publics continuent d’écraser pour assouvir les rêves de grandeur, en dépit de l’avis et du bonheur de leurs administrés.

Prenant résolument les rênes de ceux qui sont devenus ses personnages, Kokor impose les Beatles comme un modèle de communion et de discussion. Cette incursion aurait pu faire chavirer le bel équilibre de cette adaptation, mais il n’est en rien : l’auteur semble jongler avec tous ses héros, expliquant même que le massacre du peuple gréviste est évité grâce à la présente fortuite de Gulliver, drapé dans les costume de John Lennon !

L’ode au rêve, à la paix, à l’action positive

Après ce second tome qui plongeait tout de même le lecteur dans une perplexité toute relative, il fallait bien une suite pour donner maintenant une cohérence à la série : les Voyages allaient-ils continuer ? Quel est le véritable lien avec l’œuvre de Jonathan Swift ? Comme interpréter l’arrivée des Beatles dans cet univers ?

Si Kokor aborde effectivement les biens pensants qui veulent faire le bien du peuple malgré lui, comme décrit dans le Troisième voyage, il a définitivement changé la direction du navire : la famille de Gulliver est réunie le temps d’un été, et alors que Clémence tente de gérer la révolution qui gronde, Gulliver n’est pas du tout en voyage, et a repris ses visites ‘humanitaires’

Difficile de faire le compte des références et messages cachés dans les cinquante-huit planches de ce troisième tome, mais il paraît évident que le personnage de John Lennon est incarné par Gulliver : les paroles d’Imagine sont reprises plusieurs fois, ainsi que ses pensées populaires et pacifistes. Derrière le jeu et la lutte contre les abus transparaissent une foule de bons sentiments : la nécessité de garder une famille unie malgré le besoin d’aventures, la force d’être ensemble, l’évasion des rêves, la lutte contre l’intolérance et l’ingérence arbitraire, etc.

Les Voyages du docteur Gulliver sont donc un fabuleux récit qui prend toute sa dimension dans la globalité de son message. S’il est bien entendu dans la mouvance des bons vœux qu’on se souhaite lors de cette nouvelle année, il peut se lire à n’importe quel moment, et je vous défie de ne pas trouver la grâce qui se cache en ses pages… comme dans le cœur de chaque homme. Meilleurs vœux …

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Les Voyages du Docteur Gulliver, par Kokor. Editions Vents d’Ouest - 3 volumes parus.

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Lire les premières pages des tomes 1, 2 et 3.

 
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