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La BD dans la boule de cristal de 2023

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 3 janvier 2023                      Lien  
Pfou ! Voici un nouvel an qui s’annonce, après une année 2022 mouvementée qui a connu plus de 6000 parutions et des succès qui ont défrayé la chronique. Avec d’un côté une reconnaissance inédite des institutions : la BD qui entre à l’Académie française, à l’Académie des Beaux-Arts et au Collège de France et, d’autre part une BD pointée du doigt, contestée, voire traînée devant les tribunaux. En résumé, le 9e art déclenche des passions avec, pour l’année écoulée, un chiffre d’affaires qui ne semble pas fléchir. La crise de 1929 a vu naître quelques-unes des plus grandes BD du XXe siècle : Mickey la souris sympa, Tintin le reporter qui n’écrit pas, Popeye le superhéros, Flash Gordon héraut du futur, Mandrake le roi de l’illusion et plus tard Superman… Une certaine conception du monde vouée à l’Entertainment qui a bien réussi... Les années vingt du XXIe siècle, et l’année 2023 en particulier, nous annoncent-elles un monde différent ?

ActuaBD a accompagné cette année faste que fut 2022, du mieux de nos possibilités, car nos journalistes (une soixantaine) sont tous bénévoles. C’est cela aussi la passion. 6000 parutions, cela signifie qu’il faudrait, pour être exhaustif, chroniquer entre 15 et 20 ouvrages par jour. Évidemment que nous n’y parvenons pas. Nous sommes comme vous, lecteurs, un peu débordés quoique notre équipe soit composée d’hyper-spécialistes : historiens de la BD, érudits des mangas et des comics, grands connaisseurs des méandres de la BD alternative. Nous restons éveillés aux tendances.

Nous nous sommes assignés cette mission : vous aider à vous orienter dans cette jungle de nouveautés en vous faisant partager nos coups de cœurs, nos rencontres, nos connaissances pointues de certains sujets, sur l’histoire de la BD et ses perspectives avec des éclairages sur des œuvres, des personnalités qui nous ont semblé marquantes.

La ligne d’ActuaBD est de ne mépriser aucune production : BD, romans graphiques, mangas, comics, webtoons, BD jeunesse, bande dessinée de collection… « Il n’est point de pauvre image pour un esprit curieux » disait Champfleury.

Des tendances qui se confirment

2022, année des Présidentielles en France, a montré les deux facettes de notre société actuelle : un certain conservatisme (on a réélu le même président) et la conscience d’un monde fragile et en mutation qui nécessite de nouvelles pratiques et une nouvelle approche sociétale.

Ainsi, les réseaux sociaux qui permettent paradoxalement à des expressions agissantes pour le respect des minorités, pour l’égalité des hommes et des femmes, pour le respect de l’environnement de se voir contrebalancées par les discours les plus désinformateurs et les plus réactionnaires, ne sont-ils jamais, si l’on y réfléchit un peu, que le produit d’un consumérisme exacerbé où la parole politique est devenue un objet de consommation comme un autre ? Nos forums en témoignent.
Mais nos librairies aussi : une tendance de fond, ce sont les bandes dessinées de non-fiction : bande dessinée de reportage, journaux intimes, BD documentaires, BD historiques, BD à thématique pédagogique… Elles pullulent d’autant plus qu’elles sont souvent l’apanage d’éditeurs qui ne sont pas des Pure Players de la bande dessinée : Marabout, Le Seuil, Michel Lafon, Albin Michel… et bien d’autres. Comme s’il y avait un soudain besoin de comprendre le monde…

La BD dans la boule de cristal de 2023
BD de reportage, documentaires, enquêtes... La non-fiction supplante la fiction.

On retrouve en 2023, les « mots-clés » qui structurent cette production ces dernières années : le féminisme, l’écologie, le genre, la résistance…. Sont-ils le symptôme d’une éducation qui ne passe plus par l’école, menacée par les évolutions de l’Intelligence Artificielle (IA), ou le résultat d’une société du spectacle qui confond de plus en plus information (les fameuses datas…) et connaissance pour mieux assurer sa survie ? Posons la question.

Permanence des vieilles icônes

La part « conservative » de la bande dessinée prospère toujours avec le même allant. Certes, de grands classiques arrivent en fin de cycle, comme Les Passagers du vent et même L’Arabe du futur, tandis que d’autres, devenus des « marques propriétaires » de grands groupes continuent de prospérer dans une exploitation à 360°, quelquefois dans leur version remastérisée (« Spirou par… », « Lucky Luke par… », « Mickey par... »)

Dans la logique des personnages et marques propriétaires des Majors américaines, Spirou a désormais son "Spirou Verse"

Astérix sera à coup sûr l’une des stars de l’année avec un film Live en début d’année, une série de dessins animés sur Netflix et un nouvel album en octobre ; la série Blake et Mortimer sera signée Floc’h cette année, 55 ans après Le Rendez-Vous de Sevenoaks qui s’employait à la déconstruire ; Gaston Lagaffe sera fixé sur la question de savoir s’il passera à la trappe ou dans les rotatives ; Corto Maltese, Mickey Mouse, XIII, Largo Winch, Thorgal, Boule & Bill… sont toujours là.

Le film Live d’Astérix est prévu pour le 1er février 2023.

Les mangas continueront à prospérer sur leur créneau en raison de leurs vertus économiques : peu chers à produire (ce sont des achats de licence, il y a peu de frais de création ; l’impression est au format de poche, adapté à la grande distribution, en noir et blanc…), de leur abondance, de leur présence sur les plateformes d’anime les plus performantes (Crunchyroll, Disney+, Netflix,…) et… de leur créativité qui fait le miel de labels dynamiques comme Glénat, Kana, Ki-Oon ou Delcourt, mais aussi d’une cohorte de petits acteurs que le faible coût de la production permet de subsister sans trop de problèmes. C’est ce qui fait que l’offre de manga en France est la deuxième la plus diversifiée après le Japon.

Goldorak, Saint-Seiya, Astro Boy mais aussi Batman... des coopérations s’installent entre les grands pays producteurs de bande dessinée.
© Kana

Même s’ils donnent l’impression de s’être essoufflés en 2022, les superhéros n’ont pas perdu leur influence : quatre des dix meilleures performances au cinéma en France en 2022 ressortent de cet univers. Les séries et les films continueront à déferler sur les plateformes et en salles : Batman, Loki, Flash, Les Gardiens de la galaxie, Justice League, Harley Quinn, Ant-Man, The Marvels, Aquaman, Shazam,...

La BD jeunesse a repris du poil de la bête ces dernières années, grâce à un phénomène comme Mortelle Adèle, mais aussi Ariol, Les Légendaires, Pico Bogue, Elles, BD Kids, Le Loup en slip, Zombillénium, Les Enfants de la Résistance,… De vraies valeurs.

Mortelle Adèle, désormais immortelle.
Me Le Tan et Diane Le Feye. © Éditions Tourbillon

L’avenir de la BD sera-t-il numérique ?

Sans doute, même si de mémoire d’homme, le cinéma n’a pas tué le théâtre, la TV le cinéma, l’internet, la TV… il est clair que la BD, à cause de sa version digitale, est en pleine révolution depuis l’émergence des webtoons. De nouveaux acteurs s’installent durablement sur le marché, comme les Coréens Webtoon Naver et Piccoma, les Franco-belges Verytoon, Webtoon Factory, Ono ou Mangas.io, tandis que Izneo, repris par Media-Participations, va se refonder en 2023. En espérant que le gouvernement français soutienne ces initiatives francophones au lieu de regarder passer les trains coréens.

En résumé, il y a du pain sur la planche en 2023, avec comme hors-d’œuvre le Festival d’Angoulême à la fin du mois. Stay Tuned !

"Solo Levelling", passé en 2022 de VeryToon à Piccoma. La concurrence est rude.
© 2018 N-Goon / Jang Seong Rak, D&C Media

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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10 Messages :
  • La BD dans la boule de cristal de 2023
    3 janvier 2023 17:07, par Michel Dartay

    Merci Didier pour cette bonne synthèse, et bonne année à toi et à tous les rédacteurs de ce site qui nous tient au courant, presque en temps réel de l’évolution de ce média.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Philippe Wurm le 3 janvier 2023 à  18:36 :

      Je dirai même plus...
      Un combat bénévole et pourtant si salutaire est d’autant plus méritant.

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      • Répondu par Michel Ferrandi le 4 janvier 2023 à  00:31 :

        "un certain conservatisme (on a réélu le même président)". Ben, il faut se souvenir un peu de qui étaient ses adversaires… on peut appeler ça du conservatisme, c’est peut-être simplement le choix de la prudence et de la raison. Par ailleurs, encore un bon papier de synthèse après celui sur le FIBD. Et oui on aura encore besoin d’actua-BD en 2023.

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      • Répondu par Milles Sabords le 4 janvier 2023 à  06:58 :

        Bonne année à l’équipe d’Actua BD… Jamais la BD sous toutes ces formes n’a été aussi éclectique et abondante. Pléthore de choix et diversité des offres. Mais qu’en sera-t-il du pouvoir d’achat du public en 2023 ? Tout augmente, sauf les salaires. 2023, annus horribilis des ventes ?

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        • Répondu par PATYDOC le 4 janvier 2023 à  09:39 :

          Chaque année on prédit un effondrement des ventes ... Mais les boomers ont les poches profondes ... et leurs enfants aussi qui achètent des mangas à tour de bras

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  • La BD dans la boule de cristal de 2023
    6 janvier 2023 09:23, par FranckG

    Et les alternatifs, on en parle des alternatifs ? :-(

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    • Répondu par Milles Sabords le 6 janvier 2023 à  13:13 :

      Justement, déjà qu’ils tiraient le diable par la queue, ça risque d’être encore plus dur pour les alternatifs en matière d’investissement et de visibilité…

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      • Répondu le 6 janvier 2023 à  17:40 :

        La sélection d’Angoulême est remplie de livres issus de l’édition dite "alternative".

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        • Répondu par Milles Sabords le 7 janvier 2023 à  06:09 :

          La grande majorité des éditeurs alternatifs le sont toujours. La visibilité au FIBD n’est pas un gage d’accélération des ventes.

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          • Répondu le 7 janvier 2023 à  16:22 :

            En effet les ventes restent forcément très faibles mais on ne plus dire qu’on ne parle pas de la BD alternative.

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