ActuaBD a accompagné cette année faste que fut 2022, du mieux de nos possibilités, car nos journalistes (une soixantaine) sont tous bénévoles. C’est cela aussi la passion. 6000 parutions, cela signifie qu’il faudrait, pour être exhaustif, chroniquer entre 15 et 20 ouvrages par jour. Évidemment que nous n’y parvenons pas. Nous sommes comme vous, lecteurs, un peu débordés quoique notre équipe soit composée d’hyper-spécialistes : historiens de la BD, érudits des mangas et des comics, grands connaisseurs des méandres de la BD alternative. Nous restons éveillés aux tendances.
Nous nous sommes assignés cette mission : vous aider à vous orienter dans cette jungle de nouveautés en vous faisant partager nos coups de cœurs, nos rencontres, nos connaissances pointues de certains sujets, sur l’histoire de la BD et ses perspectives avec des éclairages sur des œuvres, des personnalités qui nous ont semblé marquantes.
La ligne d’ActuaBD est de ne mépriser aucune production : BD, romans graphiques, mangas, comics, webtoons, BD jeunesse, bande dessinée de collection… « Il n’est point de pauvre image pour un esprit curieux » disait Champfleury.
Des tendances qui se confirment
2022, année des Présidentielles en France, a montré les deux facettes de notre société actuelle : un certain conservatisme (on a réélu le même président) et la conscience d’un monde fragile et en mutation qui nécessite de nouvelles pratiques et une nouvelle approche sociétale.
Ainsi, les réseaux sociaux qui permettent paradoxalement à des expressions agissantes pour le respect des minorités, pour l’égalité des hommes et des femmes, pour le respect de l’environnement de se voir contrebalancées par les discours les plus désinformateurs et les plus réactionnaires, ne sont-ils jamais, si l’on y réfléchit un peu, que le produit d’un consumérisme exacerbé où la parole politique est devenue un objet de consommation comme un autre ? Nos forums en témoignent.
Mais nos librairies aussi : une tendance de fond, ce sont les bandes dessinées de non-fiction : bande dessinée de reportage, journaux intimes, BD documentaires, BD historiques, BD à thématique pédagogique… Elles pullulent d’autant plus qu’elles sont souvent l’apanage d’éditeurs qui ne sont pas des Pure Players de la bande dessinée : Marabout, Le Seuil, Michel Lafon, Albin Michel… et bien d’autres. Comme s’il y avait un soudain besoin de comprendre le monde…
On retrouve en 2023, les « mots-clés » qui structurent cette production ces dernières années : le féminisme, l’écologie, le genre, la résistance…. Sont-ils le symptôme d’une éducation qui ne passe plus par l’école, menacée par les évolutions de l’Intelligence Artificielle (IA), ou le résultat d’une société du spectacle qui confond de plus en plus information (les fameuses datas…) et connaissance pour mieux assurer sa survie ? Posons la question.
Permanence des vieilles icônes
La part « conservative » de la bande dessinée prospère toujours avec le même allant. Certes, de grands classiques arrivent en fin de cycle, comme Les Passagers du vent et même L’Arabe du futur, tandis que d’autres, devenus des « marques propriétaires » de grands groupes continuent de prospérer dans une exploitation à 360°, quelquefois dans leur version remastérisée (« Spirou par… », « Lucky Luke par… », « Mickey par... »)
Astérix sera à coup sûr l’une des stars de l’année avec un film Live en début d’année, une série de dessins animés sur Netflix et un nouvel album en octobre ; la série Blake et Mortimer sera signée Floc’h cette année, 55 ans après Le Rendez-Vous de Sevenoaks qui s’employait à la déconstruire ; Gaston Lagaffe sera fixé sur la question de savoir s’il passera à la trappe ou dans les rotatives ; Corto Maltese, Mickey Mouse, XIII, Largo Winch, Thorgal, Boule & Bill… sont toujours là.
Les mangas continueront à prospérer sur leur créneau en raison de leurs vertus économiques : peu chers à produire (ce sont des achats de licence, il y a peu de frais de création ; l’impression est au format de poche, adapté à la grande distribution, en noir et blanc…), de leur abondance, de leur présence sur les plateformes d’anime les plus performantes (Crunchyroll, Disney+, Netflix,…) et… de leur créativité qui fait le miel de labels dynamiques comme Glénat, Kana, Ki-Oon ou Delcourt, mais aussi d’une cohorte de petits acteurs que le faible coût de la production permet de subsister sans trop de problèmes. C’est ce qui fait que l’offre de manga en France est la deuxième la plus diversifiée après le Japon.
Même s’ils donnent l’impression de s’être essoufflés en 2022, les superhéros n’ont pas perdu leur influence : quatre des dix meilleures performances au cinéma en France en 2022 ressortent de cet univers. Les séries et les films continueront à déferler sur les plateformes et en salles : Batman, Loki, Flash, Les Gardiens de la galaxie, Justice League, Harley Quinn, Ant-Man, The Marvels, Aquaman, Shazam,...
La BD jeunesse a repris du poil de la bête ces dernières années, grâce à un phénomène comme Mortelle Adèle, mais aussi Ariol, Les Légendaires, Pico Bogue, Elles, BD Kids, Le Loup en slip, Zombillénium, Les Enfants de la Résistance,… De vraies valeurs.
L’avenir de la BD sera-t-il numérique ?
Sans doute, même si de mémoire d’homme, le cinéma n’a pas tué le théâtre, la TV le cinéma, l’internet, la TV… il est clair que la BD, à cause de sa version digitale, est en pleine révolution depuis l’émergence des webtoons. De nouveaux acteurs s’installent durablement sur le marché, comme les Coréens Webtoon Naver et Piccoma, les Franco-belges Verytoon, Webtoon Factory, Ono ou Mangas.io, tandis que Izneo, repris par Media-Participations, va se refonder en 2023. En espérant que le gouvernement français soutienne ces initiatives francophones au lieu de regarder passer les trains coréens.
En résumé, il y a du pain sur la planche en 2023, avec comme hors-d’œuvre le Festival d’Angoulême à la fin du mois. Stay Tuned !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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