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La BD québécoise en 2015 : l’Europe délaissée au profit du marché nord-américain

Par Marianne St-Jacques le 8 mai 2016                      Lien  
Pour une deuxième année consécutive, le Rapport Viau, petit frère du Rapport Ratier désormais labellisé par l’ACBD, dresse un portrait détaillé de l’activité éditoriale en matière de bande dessinée québécoise. Intitulé « {Go West, young man!} », ce {Rapport sur la production de bande dessinée} québécoise rédigé par {{Michel Viau}} recense l’ensemble des albums publiés sur le territoire québécois pour l’année 2015[[Incluant les albums publiés en français ou en anglais (en version originale), les albums autoédités, les traductions et les rééditions.]], et permet de souligner certaines tendances.

217 albums de bande dessinée ont été publiés au Québec en 2015. Un chiffre qui peut paraître modeste – surtout lorsqu’on le compare aux 5255 titres répertoriés par le Rapport Ratier pour cette même période – mais qui dénote tout de même une croissance ininterrompue pour la bande dessinée québécoise (BDQ) depuis le début des années 2000. Il s’agit également d’une augmentation de 29% par rapport à l’année précédente.

Si 56 éditeurs différents ont participé à la publication de 194 albums professionnels au cours de la dernière année, le marché demeure toutefois une chasse gardée. En effet, cinq éditeurs – Drawn and Quarterly, Presses Aventures, Michel Quintin, La Pastèque et Scholastic Canada – se partagent près de 40% de la production québécoise.

Avec 24 albums à son actif, l’éditeur anglo-montréalais Drawn and Quarterly est le plus imposant : il représente à lui seul 11% de la production québécoise globale, et 49% de la production de langue anglaise. Une présence qui explique également la forte croissance de la BD publiée dans la langue de Shakespeare sur ce territoire majoritairement francophone : en effet, 49 titres ont été publiés en anglais en 2015 – soit près de 22% de la production québécoise.

La BD québécoise en 2015 : l'Europe délaissée au profit du marché nord-américain
Drawn and Quarterly a célébré son 25e anniversaire en 2015. Ici, l’éditrice Peggy Burns (alors responsable des opérations marketing) reçoit le prix Albert-Chartier lors du Festival de la BD francophone de Québec 2015.
Photo : Marianne St-Jacques

Par ailleurs, alors que les traductions vers le français sont à la baisse, nombre d’éditeurs francophones ont choisi d’assumer eux-mêmes la traduction de leurs œuvres vers l’anglais, histoire de percer le lucratif marché américain et canadien-anglais. C’est ainsi que les éditions Pow Pow ont lancé la structure Pow Pow Press, tandis que les éditions Lounak ont publié simultanément les versions françaises et anglaises de Far Out T.2 (Gautier Langevin et Olivier Carpentier). Il est également intéressant de noter que la série à succès L’Agent Jean (Alex A., Presses Aventures) est désormais disponible en anglais sous le titre Super Agent Jon Le Bon (Modus Vivendi Publishing).

Cet intérêt marqué pour le marché anglo-saxon nord-américain se traduit également par ce que ce Michel Viau qualifie de « désengagement » des éditeurs québécois vis-à-vis de l’Europe. En effet, plusieurs éditeurs semblent avoir délaissé l’exportation vers le marché franco-belge. Une situation qui, comme le constante Viau,s’explique en partie par l’échec relatif de ceux qui ont tenté l’entreprise au cours des 15 dernières années. Car si La Pastèque a réussi à se tailler une certaine place outre-Atlantique, nombre d’éditeurs s’y sont cassé les dents.

Les éditions Pow Pow ont lancé la structure Pow Pow Press grâce à une campagne de financement participatif. Le recours à ce type de campagne figure parmi les tendances observées en 2015.
Photo : Marianne St-Jacques

Cette prudence vis-à-vis de l’Europe semble d’ailleurs encourager de nouvelles approches, telles que les coéditions (c’est notamment le cas de l’album Capharnaüm de Lewis Trondheim, publié par Pow Pow et l’Association), ainsi que la vente de droits à des éditeurs étrangers. On remarquera d’ailleurs les bons coups des éditions Kennes, qui ont repris la publication de séries québécoises Guiby (Sampar, Éditions Michel Quintin), Capitaine Static (Alain M. Bergeron et Sampar, Québec Amérique), en plus de publier des adaptations de romans jeunesse tels que La vie compliquée de Léa Olivier (Didier Alcante et Ludo Borecki, d’après Catherine Girard-Audet) et L’Incroyable histoire de Benoit-Olivier (Daniel Brouillette, Didier Alcante et Steven Dupré, publié au Québec par Les Malins sous le titre Bine).

Olivier Carpentier dédicace un album de Far Out (Studio Lounak) au Festival de la BD francophone de Québec 2015. Le deuxième tome de Far Out est paru simultanément en anglais et en français.
Photo : Marianne St-Jacques

Enfin, si les éditeurs québécois demeurent timides quand vient le temps de s’exporter en Europe, il en est tout autrement pour les auteurs eux-mêmes. En 2015, les illustrateurs et les scénaristes québécois ont collaboré à 52 titres publiés à l’étranger, dont 14 aux États-Unis, et 38 en Europe. Il s’agit d’ailleurs d’une augmentation de plus de 79 % par rapport à 2014. Des auteurs tels que Delaf et Dubuc, dont le septième tome de Nombrils a été tiré à 170 000 exemplaires par les éditions Dupuis [1] , mais également Julie Rocheleau (La Colère de Fantômas, Dargaud) ou Djief (Broadway, une rue en Amérique, Quadrants) nous montrent que le talent québécois peut s’exporter dans l’espace franco-belge.

Le Rapport Viau en bref :

- 194 albums de BD ont été publiés au Québec par 56 éditeurs différents
- 23 albums ont été autoédités
- 166 albums ont été publiés en français
- 40 albums ont été publiés en anglais
- 5 éditeurs se partagent près 40% de la production
- 60 albums sont des traductions (vers le français ou l’anglais)
- 20 albums sont des rééditions (patrimoine, coffrets et intégrales)
- 75 albums appartiennent au genre humoristique
- 93 albums s’adressent à un lectorat « tous publics »
- 124 albums s’adressent à un lectorat ado-adulte

Consulter le rapport complet
Michel Viau, Rapport sur la production de bande dessinée québécoise 2015, ACBD. D.R.

(par Marianne St-Jacques)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

[1Voir Gilles Ratier, Rapport sur la production d’une année dans l’espace européen, ACBD, 2015, p18.

 
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