217 albums de bande dessinée ont été publiés au Québec en 2015. Un chiffre qui peut paraître modeste – surtout lorsqu’on le compare aux 5255 titres répertoriés par le Rapport Ratier pour cette même période – mais qui dénote tout de même une croissance ininterrompue pour la bande dessinée québécoise (BDQ) depuis le début des années 2000. Il s’agit également d’une augmentation de 29% par rapport à l’année précédente.
Si 56 éditeurs différents ont participé à la publication de 194 albums professionnels au cours de la dernière année, le marché demeure toutefois une chasse gardée. En effet, cinq éditeurs – Drawn and Quarterly, Presses Aventures, Michel Quintin, La Pastèque et Scholastic Canada – se partagent près de 40% de la production québécoise.
Avec 24 albums à son actif, l’éditeur anglo-montréalais Drawn and Quarterly est le plus imposant : il représente à lui seul 11% de la production québécoise globale, et 49% de la production de langue anglaise. Une présence qui explique également la forte croissance de la BD publiée dans la langue de Shakespeare sur ce territoire majoritairement francophone : en effet, 49 titres ont été publiés en anglais en 2015 – soit près de 22% de la production québécoise.
Par ailleurs, alors que les traductions vers le français sont à la baisse, nombre d’éditeurs francophones ont choisi d’assumer eux-mêmes la traduction de leurs œuvres vers l’anglais, histoire de percer le lucratif marché américain et canadien-anglais. C’est ainsi que les éditions Pow Pow ont lancé la structure Pow Pow Press, tandis que les éditions Lounak ont publié simultanément les versions françaises et anglaises de Far Out T.2 (Gautier Langevin et Olivier Carpentier). Il est également intéressant de noter que la série à succès L’Agent Jean (Alex A., Presses Aventures) est désormais disponible en anglais sous le titre Super Agent Jon Le Bon (Modus Vivendi Publishing).
Cet intérêt marqué pour le marché anglo-saxon nord-américain se traduit également par ce que ce Michel Viau qualifie de « désengagement » des éditeurs québécois vis-à-vis de l’Europe. En effet, plusieurs éditeurs semblent avoir délaissé l’exportation vers le marché franco-belge. Une situation qui, comme le constante Viau,s’explique en partie par l’échec relatif de ceux qui ont tenté l’entreprise au cours des 15 dernières années. Car si La Pastèque a réussi à se tailler une certaine place outre-Atlantique, nombre d’éditeurs s’y sont cassé les dents.
Cette prudence vis-à-vis de l’Europe semble d’ailleurs encourager de nouvelles approches, telles que les coéditions (c’est notamment le cas de l’album Capharnaüm de Lewis Trondheim, publié par Pow Pow et l’Association), ainsi que la vente de droits à des éditeurs étrangers. On remarquera d’ailleurs les bons coups des éditions Kennes, qui ont repris la publication de séries québécoises Guiby (Sampar, Éditions Michel Quintin), Capitaine Static (Alain M. Bergeron et Sampar, Québec Amérique), en plus de publier des adaptations de romans jeunesse tels que La vie compliquée de Léa Olivier (Didier Alcante et Ludo Borecki, d’après Catherine Girard-Audet) et L’Incroyable histoire de Benoit-Olivier (Daniel Brouillette, Didier Alcante et Steven Dupré, publié au Québec par Les Malins sous le titre Bine).
Enfin, si les éditeurs québécois demeurent timides quand vient le temps de s’exporter en Europe, il en est tout autrement pour les auteurs eux-mêmes. En 2015, les illustrateurs et les scénaristes québécois ont collaboré à 52 titres publiés à l’étranger, dont 14 aux États-Unis, et 38 en Europe. Il s’agit d’ailleurs d’une augmentation de plus de 79 % par rapport à 2014. Des auteurs tels que Delaf et Dubuc, dont le septième tome de Nombrils a été tiré à 170 000 exemplaires par les éditions Dupuis [1] , mais également Julie Rocheleau (La Colère de Fantômas, Dargaud) ou Djief (Broadway, une rue en Amérique, Quadrants) nous montrent que le talent québécois peut s’exporter dans l’espace franco-belge.
Le Rapport Viau en bref :
194 albums de BD ont été publiés au Québec par 56 éditeurs différents
23 albums ont été autoédités
166 albums ont été publiés en français
40 albums ont été publiés en anglais
5 éditeurs se partagent près 40% de la production
60 albums sont des traductions (vers le français ou l’anglais)
20 albums sont des rééditions (patrimoine, coffrets et intégrales)
75 albums appartiennent au genre humoristique
93 albums s’adressent à un lectorat « tous publics »
124 albums s’adressent à un lectorat ado-adulte
(par Marianne St-Jacques)
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[1] Voir Gilles Ratier, Rapport sur la production d’une année dans l’espace européen, ACBD, 2015, p18.