Actualité

La Bande dessinée du réel s’expose à Strasbourg

Par Christophe CASSIAU-HAURIE le 28 avril 2023                      Lien  
Depuis les années 1980, la BD connaît une évolution passionnante dans ses formes et dans la multitude des sujets qu’elle aborde. La narration du réel - autobiographique, documentaire ou organisée autour d’une fiction - devient un genre en soi qui flirte avec le journalisme et s’engage dans des problématiques sociétales. Une exposition en retrace le parcours.

Le phénomène s’est accéléré au tournant du siècle, avec l’explosion du roman graphique. Parallèlement, de plus en plus de journalistes et mêmes de chercheurs choisissent la bande dessinée pour rendre compte de leur travail, que celui-ci prenne la forme de reportage, d’enquête, d’interview, etc. La BD leur ouvre un nouvel espace narratif dans lequel l’écriture et le dessin sont fréquemment complétés par des photos, des documents d’archive qui s’insèrent dans les planches. Ainsi, la bande dessinée ne devient-elle pas une nouvelle forme de journalisme, rejoignant les médias classiques de la presse écrite ou audiovisuelles dans leur méthodologie ?

Historiquement, le genre doit beaucoup à l’œuvre de deux auteurs  : le Japonais Keiji Nakazawa (Gen d’Hiroshimaqui, en 1973, traite de la propre expérience de l’auteur) et l’Américain Art Spiegelman (Maus, édité en 1980 dans Raw puis en volume, Prix Pulitzer en 1992, qui racontait la Shoah à travers le témoignage de son père, rescapé d’Auschwitz). En s’emparant du réel, en passant par le mode autobiographique et introspectif, leur travail a influencé toute une génération d’artistes.

La Bande dessinée du réel s'expose à Strasbourg

Dans les années 1970, Chantal Montellier peut être considérée comme une pionnière. Féministe, engagée, elle aborde des sujets de société sensibles, d’abord dans la presse puis dans des albums qui marquent et divisent (comme Shelter ou Odile et les crocodiles, par exemple).

Dans les années 1990, l’Américano-maltais Joe Sacco marque une étape supplémentaire en réalisant ses premiers reportages en Palestine et en ex-Yougoslavie où il recueille des témoignages qui sont à l’origine d’albums remarquables comme Palestine ou Goradzé. Il s’inscrit dans une démarche volontariste en faisant véritablement œuvre de journaliste, au-delà d’un récit personnel, même s’il se met en scène.

Dans le même temps, en France, le label L’Association contribue à l’émergence de toute une génération d’auteurs qui, s’affranchissant du format et des styles classiques, appuient leurs récits sur une expérience personnelle. Parmi eux, Marjane Satrapi, avec Persepolis, fait sortir le roman graphique de la confidentialité en exposant la situation sociale et politique d’un pays, l’Iran, à travers son parcours.

Au début des années 2000, Le Photographe d’Emmanuel Guibert, en mêlant dessin et photographie dans un récit adaptant le reportage en Afghanistan du photographe Didier Lefèvre, marque un nouveau pas dans la liberté des formes que ce type de production pourra prendre.

La démarche journalistique est donc de plus en plus présente en BD et se traduit sur le plan éditorial. Des revues comme La Revue dessinée ou XXI (qui insère un reportage dessiné dans chacun de ses numéros) en ont même fait leur cheval de bataille.

Les éditeurs ne s’y sont pas trompés et ont investi le domaine, attirant un nouveau lectorat, plus féminin, plus instruit, plus porté sur la littérature. 

Du fait d’une subjectivité assumée, les frontières restent parfois poreuses entre le travail d’enquête et le témoignage personnel, certains auteurs choisissant de se mettre en scène. Par le biais de l’anecdote, par un jeu subtil entre images, textes et blancs, par l’usage de la stylisation et de l’abstraction comme outils de médiation et d’échange avec l’autre, les journalistes-bédéistes arrivent à s’affranchir de certaines barrières.

Curieusement, aucune grande exposition n’avait pour l’instant rendu compte de cette évolution depuis près de dix ans, si ce n’est de façon parcellaire. L’intention de cette superbe exposition est de présenter ce genre protéiforme à travers un parcours composé de six chapitres, illustrés par des œuvres marquantes choisies pour leurs qualités graphiques et narratives, leur engagement mais aussi la variété des thématiques abordées.

Voir en ligne : Exposition à la BNU – 16 mars- 25 juin 2023

(par Christophe CASSIAU-HAURIE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782859230906

La Bande dessinée du réel : une nouvelle forme de journalisme ?
Du 16 mars au 25 juin.
Bibliothèque nationale et universitaire | 6 place de la République - Strasbourg
Salle d’exposition (1er étage)
Entrée libre du lundi au dimanche.
Un catalogue est également en vente.

Etude sur la BD France Marché de la BD : Faits & chiffres
 
Participez à la discussion
1 Message :
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Christophe CASSIAU-HAURIE  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Agenda BD  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD