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"La Belgica" : expédition polaire et revendications sociétales

Par Charles-Louis Detournay le 11 novembre 2022                      Lien  
Avec ce second tome qui se lit comme un one-shot, on participe pleinement à l'ambiance de la fin du XIXe siècle. D'un côté, les bourgeois qui ont réussi et financent d'importantes expéditions pour mieux découvrir notre planète ; de l'autre, des travailleurs qui tentent de leur côté de bénéficier d'un minimum d'acquis sociaux. Une passionnante évocation, des plus réussies !

Nous avions déjà épinglé le premier tome de La Belgica, notamment pour le talent de son auteur Toni Bruno qui évoque avec brio l’atmosphère des docks d’Ostende grâce à un adéquat trait de pinceau. La seconde partie hausse encore le niveau, de manière aussi inattendue que réussie.

Rappelons tout d’abord le cadre : dans le premier tome, le docker Jean Jansen s’est retrouvé malgré lui embarqué à bord de "La Belgica", un navire-baleinier norvégien racheté par l’explorateur belge Adrien de Gerlache et réaménagé pour explorer le pôle. Jansen, qui n’a jamais navigué, se trouve enrôlé sur ce navire, à s’occuper des chiens de traîneau. Mais il a laissé à terre sa fiancée, Elke, tenancière d’une taverne, qui se morfond en attendant de ses nouvelles.

"La Belgica" : expédition polaire et revendications sociétales

La Mélodie des glaces, titre de ce second volume, se situe en 1898, alors que le bateau « La Belgica » atteint l’Antarctique. Mais son commandant Adrien de Gerlache, entouré d’une équipe de scientifiques internationaux, se laisse piéger par les glaces. L’équipage va devoir redoubler de courage pour affronter la nuit polaire, un hivernage que personne d’autre n’a réalisé auparavant.

Quant à notre passager clandestin, prisonnier comme les autres de l’enfer blanc, il ne cesse de penser à sa fiancée Elke, restée au pays. Pour tromper son ennui, cette dernière s’est engagée dans le combat civique pour les droits des femmes, mais elle doit affronter les méthodes brutales des patrons qui y sont farouchement opposés ! Un combat qui lui fait se rapprocher d’un fils de patron, également volontaire à faire progresser le droit social. Lassée d’attendre Jansen, piégé à l’autre bout du monde, Elke va-t-elle succomber à un autre amour ?

Malgré tout le bien que nous pensions du premier tome de La Belgica, notamment dans la parfaite restitution du port d’Ostende et de ses élégances, celui-ci souffrait de quelques confusions dans sa narration : des flashbacks pas toujours pertinents, trop d’enchevêtrements entre les séquences, surtout lorsque les personnages se distinguent peu... Bref, parfois on s’y perdait et il fallait attendre la moitié de ce premier tome pour y voir clair.

Des écueils parfaitement évités par Toni Bruno dans cette seconde partie. Le récit, clairement partagé entre, d’un côté, les faits se déroulant en Belgique, et de l’autre, ceux dans l’hémisphère sud, s’est clairement fluidifié. Les différents protagonistes historiques sont mieux identifiés : Gerlache bien entendu, mais aussi Roald Amundsen qui sera le premier à atteindre le Pôle Sud quelques années plus tard. Sans oublier d’autres célébrités comme Ernest Solvay, l’un des plus puissants industriels de son époque, et qui intervient à double titre, comme mécène d’un côté, et comme patron de l’autre.

Car la réussite de Toni Bruno se joue dans la mise en perspective avec le combat de Elke. Ce précédent personnage secondaire se hisse au premier plan, pour dépeindre le climat social de l’époque. La Belgique, grâce à sa production d’acier, est alors la deuxième puissance industrielle du monde après l’Angleterre, et le terrain d’un véritable bras de fer entre les patrons et les travailleurs. Un combat qui ne se concrétise pas ici dans l’affrontement à coups de barre de mine, mais bien par des discussions dans les bureaux de patron et les salons de la haute bourgeoisie qui évite les images d’Epinal.

Mais rein ne serait réussi sans Toni Bruno et son très beau travail graphique. Rien que la couverture vaut le détour, présentant habilement en une illustration, l’ensemble des deux réalités entremêlées. Le contenu est du même acabit : des personnages expressifs auxquels on s’attache, des réalités humaines et historiques très bien évoquées, des bâtiments et des atmosphères historiques qui permettent de s’immerger dans une époque qui n’est pourtant pas si éloignée de nous. Le dossier graphique ajouté en fin de volume ajoute une galerie de portraits des protagonistes, même si elle aurait pu arriver plus tôt !

Au final, nous conseillons cette passionnante double aventure, historique et sentimentale, vécue à hauteur d’homme, dont les conséquences font encore écho aujourd’hui.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782931105108

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