L’enfance est par définition l’âge de l’indéterminé puisque c’est le moment où l’esprit, les sentiments, le corps se forment et se déterminent. C’est un âge d’une dureté extrême car tout est ressenti avec la plus grande des intensités ; c’est aussi celui de l’angoissante solitude car les adultes, en relativisant tout, ont oublié les peurs et les souffrances qui étaient les leurs. Ils pensent, à tort, les avoir dépassées par leur incessant travail de résilience et de refoulement.
Nadolny les restitue avec une étonnante acuité. Si Cocteau a fait, dans Les Enfants terribles, un saisissant portrait de l’adolescence, Nadolny dans La Chair des pommes fait celui de la préadolescence. Son récit est une succession de cases sans cadre ponctuée de longs silences -solitudes parfois vertigineuses- et dont le dessin flotte dans la page comme dans l’éther du souvenir. Son trait, un pinceau quasi blutchien sensuel que rehausse des touches de lavis au gris plus ou moins dense, réussit le miracle d’être relâché dans son traitement, tout en restant précis et expressivement touchant.
On voit chez Ego Comme X s’esquisser une ligne éditoriale qui distingue cette maison des autres parangons de l’autobiographie : elle consiste, comme ici, à explorer les territoires de l’intime.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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