Écrite en 1917, la très courte nouvelle de Kafka, Rapport pour une académie, raconte un peu le parcours inverse de celui de Gregor Samsa qui d’homme s’était réveillé scarabée dans l’autrement plus célèbre nouvelle du même Kafka, La Métamorphose (1915). Ici, c’est un singe qui se fait homme. Comme dans la nouvelle originelle, c’est lui qui raconte sa transformation devant un parterre de scientifiques.
Pourquoi cette mue ? Pas de quête de liberté ici. Non, juste le désir d’échapper à son sort de bête enfermée dans une cage, suite à sa prise par des chasseurs pour le compte du fameux Hagenbeck, le propriétaire d’un cirque, fondateur d’un parc zoologique, connu aussi pour ses expositions itinérantes d’animaux... et d’humains. (C’est un peu le fondateur des zoos humains). Pour fuir cet enfermement, une seule issue : singer les hommes, devenir l’un d’entre eux. Il lui faut alors apprendre à manger, boire, parler, se comporter comme un humain, même si cela n’est pas toujours une sinécure...
Pas de dénonciation particulière de l’humanité ici. Elle n’est ni bonne, ni mauvaise en soi, tout comme l’animalité d’ailleurs. Dans les deux cas, la liberté s’avère assez illusoire.
La mise en page rythmée et variée (rares sont les planches construites de la même manière, nombreuses sont les doubles pages), tout comme le dessin efficace servent bien le propos de la nouvelle, qui garde néanmoins sa part de mystère. [1]
(par Philippe LEBAS)
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[1] On aimerait qu’un jour aussi soit adapté en BD le roman de Vercors, Les Animaux dénaturés, dont il a lui-même fait une excellente pièce de théâtre, Zoo ou l’assassin philanthrope, sur ce même sujet de la zone floue séparant humains et animaux.