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La Druzina : 1914-1918 - Par J. Mazeau et Brada - Glénat

Par Tristan MARTINE le 11 juin 2015                      Lien  
Les aventures de deux frères dans une Tchécoslovaquie aspirant à son indépendance pendant la Première Guerre mondiale : l’adaptation sans relief d’un roman à succès.

Disons-le d’emblée, cet album, distrayant par moments, ne nous a pas vraiment convaincus. Le problème ne réside pas dans le travail du dessinateur, Brada. La couverture est certes peu attrayante, avec un personnage figé et des couleurs pâles, mais elle ne reflète ni les couleurs de l’album (au contraire, souvent trop sombres), ni le dessin : une ligne claire assez dynamique, même si l’on a par moment du mal à distinguer les personnages qui se ressemblent beaucoup entre eux. On est habitués à voir de magnifiques couvertures orner des albums très mal dessinés (c’est parfois le cas par exemple dans la série Jour J), ici, c’est plutôt l’inverse, et c’est tant mieux !

La Druzina : 1914-1918 - Par J. Mazeau et Brada - Glénat

Le problème réside en fait dans le scénario. Druzina présente deux frères, Ian et Ratislav, le second pansant le premier mort et souhaitant le venger en assassinant des chefs du mouvement nationaliste tchécoslovaque. Par une lettre pseudo-posthume, Ian a en effet fait croire à Ratislav que ces indépendantistes étaient des traîtres et l’avaient assassiné, alors qu’en réalité, c’est lui qui travaille pour les services secrets impériaux et qui se sert de son frère que pour mieux affaiblir ledit mouvement indépendantiste.

Le périple de Ratislav le conduira jusqu’en Russie, où il côtoie ce que l’on appelle la « légion tchèque », c’est-à-dire 70 000 déserteurs de l’armée impériale austro-hongroise qui ont affronté autant les Russes blancs que les rouges, allant jusqu’à Vladivostok par le Transsibérien, avant de rejoindre leur patrie d’origine fin 1919/début 1920, avec pour seul but de créer une république tchécoslovaque, ce qui finit par arriver, en partie grâce à eux.

Il s’agit ici de l’adaptation de son roman La Druzina par le romancier J. Mazeau, qui est un habitué de la chose, puisqu’il s’est déjà adapté lui-même à plusieurs reprises chez Glénat, notamment avec la série Disparitions.

Certaines adaptations de romans peuvent être très réussies, on pense par exemple au Charlie IX, de Richard Guérineau, publié en 2013 d’après un roman de Jean Teulé. Mais dans ce cas, ce n’est pas le romancier qui procéda lui-même à son adaptation. Malheureusement, les cas de romanciers scénarisant une BD d’après leur propre roman sont rarement des réussites, et il suffit de lire Druzina pour s’en rendre compte.

J. Mazeau nous livre une série de chapitres, intéressants séparément, mais aux transitions forcées. Dès que l’on évoque la représentation de l’épopée de la légion tchèque dans le 9e Art, on ne peut s’empêcher de penser à Svoboda !, série en cours chez Futuropolis, dessinée de Jean-Denis Pendanx (Futuropolis), dont on attend avec impatience la sortie du troisième volume. Mais La Druzina souffre de la comparaison, et l’on est bien loin de la maestria scénaristique de Kris. On a ici une impression de condensé, de résumé de roman en somme, là où Kris et Pendanx créent un récit à part entière, exploitant pleinement les possibilités de ce riche medium qu’est la bande dessinée.

Enfin, l’aspect le plus intéressant : la traversée de toute la Russie en Transsibérien, est quasi absent de l’album, alors que ce périple de plusieurs années est au cœur de Svoboda ! Cet épisode mérite que l’on s’y attarde, que l’on prenne le temps de faire sentir au lecteur cette durée incroyable, ces années de vie tchèque au cœur de la Russie, et ce n’est pas un hasard si Churchill déclara que «  peu de pages d’histoire comptaient des épisodes aussi romantiques et à une échelle aussi vaste ». Il est ici sabré au profit d’un récit d’espionnage très classique et un peu caricatural, agrémenté de scènes de sexe totalement inutiles, mais qui, là encore, sont probablement censées appâter le chaland. L’histoire développée ici est simple, voire simpliste, et ne rend pas justice à la folie de l’Histoire, la vraie, qui dépassa de beaucoup cette fiction.

(par Tristan MARTINE)

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