La Forêt du temps T. 1 : Les Enfants de la pierre - Tristan Roulot & Mateo Guerrero - Le Lombard

L’histoire prend place dans un monde rempli de magie : un village d’enfants particulièrement intelligents est captif d’une bulle temporelle où le temps s’est arrêté.

Ainsi protégée du dehors pour l’éternité, la vie s’écoule autour du Vénérable, seul adulte de la communauté. Ce quotidien immuable est contrarié lorsqu’une mystérieuse voleuse brise la pierre protectrice et en dérobe l’un des éclats.

Un groupe hétéroclite de quatre enfants quitte le village pour aller à sa recherche : le courageux Max, le "grand frère" du village, l’espiègle Théo, le plus intelligent malgré son jeune âge, l’ingénieux Léo, particulièrement doué pour la mécanique, l’ingénue Marie, "la petite sœur" aux visions prophétiques auxquels s’ajoutera le solitaire Nicolas. Chacun armé d’un éclat du cristal afin d’être protégé face au temps.

La petite bande fait diverses rencontres et réalise que les gemmes leur confèrent des pouvoirs particuliers. Dans cette inexorable course contre l’écoulement des saisons, ils vont certainement évoluer, grandir et ne plus vouloir revenir en arrière...

Cet album propose un concept ambitieux et spécialement pour le public jeunesse : celui du temps et du voyage temporel. Il est traité avec finesse par Tristan Roulot, décidément le scénariste qui monte aux éditions du Lombard, dont la volonté d’éviter les incohérences habituelles semble accomplie ici. Bien que le philosophe grec Aristote soit cité dès la cinquième planche, l’humour et les péripéties sont au centre de l’histoire, de quoi distraire avec succès nos petites têtes blondes.

Dans ce premier tome, on commence à entrevoir le caractère de chacun des personnages qui devraient se développer et s’affirmer au fur et à mesure des aventures. Six tomes sont prévus qui déploient l’univers enchanteur de La Forêt du temps tout en répondant aux interrogations qui se posent après la lecture. Un premier album jeunesse pour Tristan Roulot qui devrait persister dans cette voie.

On regrette tout de même que, parmi les cinq héros, seulement une fille soit présente, souffrant du syndrome de la Schtroumpfette, un concept développé par l’essayiste et critique américaine Katha Pollitt : un groupe de copains, accompagnés d’une seule femme, en général définie de manière stéréotypée… Ici, Marie est ingénue, douce, naïve... Sur la couverture, elle n’est pas présentée, comme ses homologues masculins, comme prête à en découdre avec les aventures qui s’annoncent... Pour un album de 2022, c’est léger.

Le dessin de Mateo Guerrero, entre le manga et le franco-belge, adopte le point de vue des enfants. On s’émerveille en même temps que les protagonistes à la découverte du monde extérieur et des créatures qui peuplent la forêt. La rencontre avec le Mange-temps ne va pas sans rappeler une influence du Labyrinthe de Pan, de Guillermo del Toro. Dans la lignée de La Quête de l’oiseau du temps de Loisel, les décors de Matéo Guerrero s’imposent sans écraser les personnages. Il n’y a pas de case inutile ou de mise en scène spectaculaire, néanmoins, le monde d’inspiration médiévale brossé par le dessinateur est enchanteur et appelle à l’imagination.

Un premier tome riche qui gagne à être lu et relu afin de saisir les détails de l’intrigue et des dessins. Nous espérons que les prochains tomes proposeront des personnages féminins plus affirmés.