Un auteur de bande dessinée, qui ressemble à s’y méprendre à Nicolas Moog lui-même, tourne sérieusement en rond. Il dessine certes régulièrement un strip humoristique qu’un autre écrit, mais l’ennui domine. La garde alternée de son jeune fils ne suffit pas pour lui rendre sa bonne humeur et la bière, la cigarette et le café lui servent de nourriture principale.
Invité à Hambourg pour un festival par son éditeur allemand, il fait la connaissance de Juan, fantasque poète espagnol au verbe haut et au coup de poing facile. Lors d’une mémorable soirée de beuverie, celui-ci confie un secret à son nouvel ami dessinateur : il sait où trouver la tête disparue de Pancho Villa, célèbre hors-la-loi et révolutionnaire mexicain. Mais Juan s’évapore dès le lendemain, laissant l’auteur seul face à ses questions. Retour à la noirceur quotidienne.
Qui est réellement Juan ? Que sait-il vraiment de la tête du Pancho Villa ? Pourquoi a-t-il confié son histoire au dessinateur ? Un mail vient réactiver le mystère. Et donner son point de départ à une véritable aventure, où la fuite en avant du dessinateur se confond avec une enquête presque contrainte.
Personnages inquiétants, rebondissements, violence : les principaux éléments du polar sont présents. Le dessinateur, anti-héros par excellence, est balloté de Mexico à Tucson en passant par Chihuahua. L’ambiance est pesante, proche de la littérature hard-boiled. Elle est renforcée par les choix graphiques - encrage marqué, monochromie ou bichromie selon les séquences, découpage contrasté. Il ne manque plus que le son, blues ou folk, pour compléter.
La recherche de la tête de Pancho Villa est-elle une métaphore pour l’auteur ? Possible. En pleine dépression, sans but apparent, il lui faut retrouver une raison de vivre et même, au sens littéral, la capacité cérébrale d’y voir clair. Elle est surtout un excellent moyen pour mettre en dessins les thèmes et les atmosphères qui lui sont chers. Et de se livrer, avec autant de sincérité que de modestie, à un dévoilement que la fiction ne camoufle qu’aux yeux les plus las.
(par Frédéric HOJLO)
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La Fuite. Le Chien à l’armé - Par Nicolas Moog - 6 Pieds sous terre - collection Monotrème - suivi éditorial par Jean-Philippe Garçon - couleurs par Nicolas Moog & Pierre Weird - 21 x 27,5 cm - 88 pages couleurs - couverture souple - parution le 17 février 2022 - 18 €.
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