Il est de certains auteurs comme des bons vins : ils bonifient avec le temps. C’est le cas d’Yslaire qui a acquis une maturité suffisante pour nous imposer un double cycle d’aventures mettant en scène la malédiction des Sambre, laquelle nous tient en haleine depuis près de 25 ans.
À côté de la série titulaire qui couvre le 19e siècle sur deux générations de quatre titres (dont six sont parus à ce jour) que l’auteur réalise seul, Yslaire a construit une préquelle éblouissante de neuf volumes (dont cinq sont parus à ce jour) qui couvrent les générations précédentes et pour laquelle le dessinateur bruxellois a eu l’intelligence de déléguer le dessin à de nouvelles plumes.
Ce deuxième tome du cycle de Werner & Charlotte, dont l’attraction, on le sait, sera fatale, est construit comme une fine mécanique d’automate. La machine progresse selon un modus operandi prévisible mais dégage assez d’étrangeté pour laisser passer toute la puissance romanesque d’une histoire d’amour contrariée, tissée de sous-entendus menaçants, avec comme toile de fond une cour d’Autriche décrite sous un jour inédit.
Les dialogues d’Yslaire -qui n’ont pas peur d’être bavards- sont parfaitement ciselés, ajoutant l’esprit des Lumières à une intrigue digne des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos : il y a pareillement le pari, la politique mêlée de vice, et la catharsis finale.
Le magnifique dessin de Boidin n’est pas pour rien dans cette réussite : il allie finesse et justesse, élégance et lisibilité. Yslaire, en le choisissant, a eu la main heureuse.
Et nous aussi... Sambre reste une des bandes dessinées marquantes de notre temps.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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