Anne Nivat, docteur en Sciences Politiques, a vécu dix ans basée à Moscou en tant que correspondante pour des titres de presse francophone tels que Libération, Ouest France, Le Soir, Le Point, la radio RMC… mais aussi pour des journaux anglo-saxons : le International Herald Tribune, le New York Times, ou encore le Washington Post.
Grand reporter, elle revendique la lenteur et la complexité. Depuis son premier travail de fond, au plus fort de la guerre en Tchétchénie pour Libération, elle s’immerge dans les conflits, souvent au péril de sa vie pour, simplement, témoigner. A ce titre, elle a également publié différents livres, dont le premier a reçu le prix Albert-Londres.
C’est en l’entendant à la radio que Daphné Collignon est frappée par sa capacité à ne pas juger, à se fondre dans les populations pour prendre le temps de comprendre et de digérer les réalités multiples sans chercher exclusivement à leur donner un sens.
La jeune dessinatrice de Pétra et Cœlacanthes, régulièrement en ballade entre la France et l’Afrique, nous livre un superbe portrait de ce grand reporter. Intégrant des photos de ses voyages, des croquis noir et blanc et des dessins couleurs, le style de Daphné Collignon pourra sans doute déstabiliser un lectorat ’classique’, mais l’auteure a réussi à percer à jour la femme derrière la journaliste, nous permettant de l’approcher via une série d’interviews passionnantes. Néanmoins, il règne un flou sur l’identité de la narratrice en début d’album, ainsi qu’un certain manque de rigueur dans la forme du message qu’elle souhaite adresser. Un album donc aussi intéressant que pertinent, même s’il n’est pas à la portée d’un large public.
Après ce portrait de cette femme hors-norme qu’est Anne Nivat, Ines traite d’une problématique malheureusement bien répandue : les femmes battues. Alors que tous voient cette jeune mère de famille comme une femme réservée au bras d’un mari considéré comme l’époux idéal, ce dernier fait régner, derrière la porte de leur appartement, une tyrannie physique et psychologique. Des bruits sourds, des bleus masqués, les regards du voisinage ou des amis niant la réalité par facilité… Les humiliations et les coups constituent le quotidien d’Ines.
Le scénario de Loïc Dauvillier nous plonge au cœur de la violence conjugale, un thème rarement exploité dans la bande dessinée. Le dessin sobre de Jérome D’Aviau permet de rapidement pénétrer au cœur de ce drame familial. Plus qu’une dénonciation, Ines permet d’évoquer une triste réalité de notre société, qui semble malheureusement avoir la vie dure.
Ces deux albums mettent en avant deux femmes d’exception : la première est une journaliste réputée dont l’écoute et la sensibilité pourront faire écho à celles du lecteur, tandis que le courage et la détresse de la seconde ne manqueront pas d’émouvoir.
(par Charles-Louis Detournay)
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Les illustrations sont © Nivat/Collignon/Soleil et © D’Aviau/Dauvillier/Drugstore.