On connaît depuis longtemps ce truc éditorial très commun aux Etats-Unis qui consiste à croiser deux séries populaires dans un épisode inédit : les Batman/Superman sont légion et il n’est pas de super-héros populaire qui n’ait un jour rencontré dans ses cases le super-bodybuildé d’en face. Ces suprêmes cross-overs sont parfois même l’occasion, comme cela a été le cas pour Crisis of Infinite Earth lorsque Marv Wolfman (au scénario) et Georges Pérez (au dessin) imaginent une aventure commune de tous les héros de DC Comics, de mieux restructurer des univers qui, avec le temps et l’intervention de dizaines de scénaristes, étaient devenus complètement incohérents.
C’est cette idée que reprend Alan Moore pour l’appliquer au gratin des héros de la littérature populaire du 19ème siècle. C’est simple, mais il fallait y penser : il réunit dans la même aventure Allan Quatermain, l’aventurier des Mines du Roi Salomon de H. Rider Haggard, le Capitaine Nemo de Jules Verne, l’Homme Invisible de H.G. Wells, un vampire de Bram Stoker, Docteur Jekyll et Mister Hyde de Robert-Louis Stevenson et enfin Dorian Gray d’Oscar Wilde, sans compter les allusions à Conan Doyle et au fait divers victorien par excellence : la légende de Jack l’éventreur. Tout ce beau monde est convoqué par un certain M (non pas M le Maudit, mais M comme Moriarty) pour élucider les agressions répétées dont font l’objet les capitales européennes dans le but de les déstabiliser et de provoquer une guerre mondiale.
L’adaptation filmée n’hésite pas à faire des entorses au script original. Ainsi, Hollywood oblige, il a fallu convertir le pudding au burger king : le héros américain Tom Sawyer du local de l’étape Mark Twain est ajouté à la liste. La greffe prend, avouons-le, grâce à un jeu paternel entre Quatermain/Sean Connery et Sawyer/Shane West. Le soufflé numérique, depuis Spider-Man, X-Men et Matrix n’est pas encore retombé : les effets spéciaux dégoulinent de l’écran. Hollywood n’a pas encore compris que les transformations monstrueuses en temps réel à la Hulk navrent le spectateur plus qu’ils ne l’impressionnent. On y a droit, hélas. Mais enfin, tout n’est pas perdu : l’aventure est trépidante et donne l’impression de se promener dans un roman de Jules Verne. Les effets sont grand-guignolesques mais, cela dépassé, on ne s’ennuie pas. Le film, finalement, se consomme avec plaisir, comme une friandise au moment du quatre heures.
Et Moore dans tout ça ? Il est absent du film, sans doute pour mieux nous inviter à le relire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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« La Ligue des Gentlemen extraordinaires » sort sur les écrans français le 1er octobre prochain.
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