Fin des années 1920, le cinéma est encore muet mais son développement est en plein essor. Célestin Noirt, jeune provincial, décide de quitter sa province et l’étude notariale de son père pour réaliser son rêve : faire carrière dans le cinéma ! Tout juste arrivé à Paris, il décroche un travail de décorateur pour un grand studio, mais le jeune homme a d’autres ambitions : devenir réalisateur !
Célestin découvre les dessous d’une industrie qui en est encore à ses balbutiements tout en multipliant les rencontres. Accueilli par Anatole Fortevoix, propriétaire d’une petite salle qui projette non seulement des classiques mais aussi des films plus dénudés, il fait alors la rencontre de Constance. Cette jeune actrice sourde et muette se produit dans ces films, réservés à un public averti. Aidé de quelques amis, il ne tarde à se lancer dans la réalisation en utilisant clandestinement le plateau de son employeur. Une pratique, qui on s’en doute, ne sera pas sans risque ! Il faudra attendre la deuxième partie de cette histoire sensible, captivante et très documentée pour connaître la suite de l’épopée de notre jeune provincial lancé à la conquête du cinématographe !
Délaissant pour un temps les causes humanistes et historiques, Laurent Galandon nous entraîne cette fois dans une aventure originale sur une période et un thème pas si fréquemment abordés en BD. Rien d’étonnant que de retrouver cet ancien gérant de salles art et essai et ex-photographe s’intéresser à un univers qu’il connaît bien. En suivant cet anti-héros sympathique, dont la bonhommie n’est pas sans rappeler aussi bien le Pierre Tchernia de Monsieur Cinéma de la télé des années 1970, Galandon nous dévoile l’envers du décor au moment où cet art neuf s’apprête à connaître un profond bouleversement avec l’arrivée du cinéma parlant .Il nous fait pénétrer dans les coulisses d’une industrie dont les codes et les règles restent encore à cette époque, à inventer. L’intention des auteurs n’est pas de faire œuvre de documentation historique, mais on se laisse facilement capter par l’épopée du personnage imaginé par l’auteur de L’Envolée sauvage.
Le graphisme de Frédéric Blier en rend la lecture d’autant plus agréable qu’il associe finesse et efficacité. Le dessinateur d’Amère Patrie (Dupuis) apporte une touche profondément crédible non seulement grâce à la précision de son trait mais aussi par la qualité de traitement des ambiances lumineuses.
À partir d’une intrigue minimaliste au départ, cet album nous amène à découvrir un monde qui s’apprête à basculer dans une modernité dont les conséquences ne seront pas sans effet sur le destin des personnages. Le clap de fin de cette histoire sera donné dans la parution d’un second volume.
(par Patrice Gentilhomme)
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