Au XVIIe siècle, le Japon est touché par une mystérieuse épidémie décimant uniquement la population masculine. Près de 80 ans après l’apparition de ce que le peuple a appelé la variole du Tengu, le nombre d’hommes se réduisit au quart de la population féminine et les rôles furent inversés. Les hommes, jugés de nature délicate, étaient élevés dans le plus grand soin tandis que les femmes s’occupaient des travaux des champs, de l’artisanat, de l’administration et de la guerre. Les maris devinrent une denrée rare qu’on s’arrachait à prix d’or et les femmes les plus pauvres ne pouvaient même pas prétendre à porter un enfant.
Le rôle de shogun est aussi tenu par une représentante du beau sexe et le pavillon des femmes, harem des plus beaux spécimens destinés aux plaisirs de l’empereur, est devenu le pavillon des hommes. Huit cents mâles y sont regroupés afin de satisfaire les désirs de celle qui dirige le pays ; le secret est le maître-mot des lieux.
Fumi Yoshinaga n’est pas une novice dans le milieu du manga puisqu’elle débute sa carrière en 1994. Toutefois, ses thèmes de prédilection sont la cuisine et l’histoire sur fond de romance entre hommes, des genres qui commence seulement à percer en France. Le Pavillon des hommes est donc son premier manga publié dans nos chères contrées mais pas des moindres puisque cette série, en cours avec seulement cinq tomes sortis au Japon, a déjà reçu plusieurs prix dans son pays d’origine :
le prix spécial du festival annuel de l’association japonaise de science-fiction et de fantastique féministe en 2005 ;
le prix d’excellence du Japan Media Arts Festival en 2006, qui récompense les productions en art digital, jeux vidéo & sites web, animation et enfin manga.
le grand prix culturel Osamu Tezuka en 2009, après avoir été nominé pendant quatre ans de suite.
Il ne faut pas lire plus de quelques pages pour se rendre compte de son incroyable talent.
Bien que l’histoire se déroule dans un Japon alternatif dirigé par les femmes, le contexte historique de la période Edo est respecté et maitrisé, sans abrutir le lecteur de détails indigestes. L’auteure a su développer une idée originale et l’exploiter, tout en y apportant une touche de sensualité qui s’apparente à la cerise sur le gâteau. Et pour parachever cette œuvre de talent, la mangaka fait preuve d’une maitrise du dessin et d’un réalisme tout à fait adapté au récit.
Le Pavillon des hommes est indéniablement l’une des meilleures surprises de l’année 2009-2010, à suivre avec beaucoup d’intérêt.
(par Stéphanie Francqueville)
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