En dépit de ses considérations politiques, l’ancien résistant se voit obligé de collaborer avec les autorités militaires locales. Plongé au cœur d’un conflit nourri d’embuscades et d’attentats aveugles, face à un adversaire insaisissable, le jeune homme découvre aussi un autre monde. Partagé entre sa sympathie « idéologique » pour l’action des Vietminhs luttant pour leur indépendance et le courage des Légionnaires dont il partage le quotidien, il est fasciné par la personnalité de ce pays autant que par l’audace de ses compagnons d’infortune. Il traverse les différents aspects d’un conflit ambigu et compliqué.
My-Linh, la compagne de son ami Italien Paco, ne tarde pas à choisir son camp, en se rangeant aux côtés de ses compatriotes. Au fur et à mesure que le conflit s’enlise chacun des protagonistes de cette chronique des derniers jours de l’Indochine sous l’autorité française voit ses repères et ses certitudes s’effacer.
Avec ce deuxième tome, les auteurs s’avancent un peu plus profondément au cœur d’un conflit encore entaché de zones d’ombre. En s’appuyant sur une documentation historique solide (par ailleurs validée par la Division communication et information de la Légion Étrangère), Cothias & Ordas nous dépeignent non seulement un épisode peu connu des événements, mais nous présentent leurs personnages au sein d’un contexte beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît à première vue.
À l’image du héros, le lecteur est progressivement amené à s’éloigner des idées reçues et des clichés trop convenus. Tout comme pour l’Algérie, la guerre d’Indochine a souvent suscité des interprétations stéréotypées, attachées à une vision plus bipolaire qu’authentique de conflits restés longtemps sans nom ! Entre la complaisance vis à vis d’un colonialisme maladroit condamné à disparaitre et celle presque naïve, à priori bienveillante, envers des libérateurs qui s’avèreront les bourreaux zélés d’idéologues sanguinaires, l’action des militaires a bien souvent pâti de interprétations faciles.
Situant leur récit au niveau de destins individuels chamboulés dans leurs certitudes « d’après guerre »., les auteurs nous livrent une histoire attrayante, un mélange subtil entre saga historique et chronique d’itinéraire individuel.
Une fois de plus, la collaboration Patrick Cothias et Patrice Ordas sert habilement un propos solidement documenté et totalement crédible tandis que le graphisme de Winoc (peut-être trop « propre et soigné » pour coller aux ambiances moites et oppressantes des jungles indochinoises) parvient à rendre fluide et limpide ce récit. La mise en couleurs assurée par Nadine Voillat vient encore renforcer cette impression.
Notons qu’un bonus de huit pages sur la Légion Étrangère complète conclut cet album avec un apport documentaire inédit et digne d’intérêt.
(par Patrice Gentilhomme)
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