Nous sommes ici quasiment dans un roman de la littérature russe avec un trio de personnages à la Dostoïevski : Nikita, un antagoniste profondément mauvais, Yuri, un héros malgré lui plutôt brave et Nadya, une noble orpheline candide. Les trois protagonistes vont être happés par le chaos de la Révolution russe, entre amitié et rivalité, amour et haine, guerre et paix… L’histoire est centrée sur le personnage de Yuri, un cosaque anarchiste dont la mission est d’assassiner Nadya, la dernière descendante des Tsars. Raconter la Révolution russe en y incorporant des éléments fantastiques comme... un golem d’acier invincible, n’est pas chose aisée. Mélody Cisinski livre cependant une relecture pertinente quoique parfois un peu confuse de cet épisode historique, axée sur l’amour entre deux personnages que tout oppose.
Melody Cisinski est storyboardeuse pour les studios Pixar. C’est la première française à occuper ce poste. C’est précisément cette énergie et cette spontanéité propres à l’animation que l’on retrouve dans cet album. Les cadrages employés par l’artiste sont extrêmement mouvants ce qui procure une réelle fluidité à cette histoire. Alternant entre des séquences riches en dialogues et d’autres complètement muettes, Cisinski donne un rythme agréable et constant à cet album doué d’un découpage tourbillonnant. La palette colorée du livre oscille essentiellement entre les noirs et les gris, ce qui accentue le côté froid et sombre du récit, ponctué par des éclats vifs et rouges, couleur du bolchévisme évidemment.
Ce premier tome permet de bien saisir les enjeux de cette histoire et la complexité apparente de personnages bien écrits. Rythmé par des incursions humoristiques et fantastiques, le récit déploie l’ensemble des arguments d’une tragédie grandiose dont le final est indubitablement fatal comme le suggèrent les premières pages de l’ouvrage.
(par François RISSEL)
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