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La Révolution des pinceaux - Josep Busquet et Pere Mejan - Diàbolo éditions

Par Damien Boone le 10 février 2014                      Lien  
Dans une ambiance révolutionnaire joliment restituée, un groupe de précaires, auteurs de bande dessinée, s'insurge contre les pratiques mercantiles et les velléités monopolistiques des « nobles » : les éditeurs. Une bande dessinée délicieusement subversive.

Philippe est l’auteur de la série de cape et d’épée Vengeur écarlate. Payé à la planche, son succès est avant tout celui de sa maison d’édition et il vit chichement. Il travaille parallèlement sur une histoire plus personnelle, au titre tout autant significatif et prémonitoire, Vengeance rouge, avec son ami Gaston, lui aussi peu satisfait de son travail au sein de la rédaction d’une maison d’édition.

La Révolution des pinceaux - Josep Busquet et Pere Mejan - Diàbolo éditions

Ce quotidien monotone et peu épanouissant est égayé par les dessins de Dominique, qui s’ingénient à ridiculiser personnellement les grands éditeurs. Alors qu’ils réfléchissent à l’offre lucrative mais ennuyeuse qu’ils ont reçue d’un aristocrate qui souhaite faire illustrer l’histoire de sa famille, Philippe et Gaston apprennent que l’une des satires de Dominique a offensé un noble : leur ami est provoqué en duel. Son décès va réveiller chez les dessinateurs la conscience de la domination qu’il subissent de la part des éditeurs, qui ont littéralement droit de vie et de mort sur eux : manque de reconnaissance, dénigrement, revenus dérisoires, censures, menaces. Ils vont alors utiliser l’arme qu’ils maîtrisent le mieux : le dessin.

Évoquer un conflit présent dans un cadre historique situé est peut-être une manière de se protéger, mais personne n’est dupe : si le contexte révolutionnaire donne une dimension intemporelle à la révolte, on a bien ici affaire à un pamphlet contre des pratiques contemporaines.

Le scénario semble inspiré d’une fine connaissance des pratiques d’un milieu professionnel où des titulaires établis et puissants emploient des petites mains corvéables à merci, qui se sentent même redevables d’être ainsi sollicitées, car uniquement guidées par l’attachement à leur art, sans préoccupation financière ou carriériste... et sans qui la profession ne saurait survivre. Aussi, ce ne sont pas seulement les professionnels du neuvième art qui se retrouveront dans cette nuit du 4 août des auteurs de bande dessinée, mais aussi de nombreux jeunes diplômés guidés par d’autres valeurs que celles liées à la rentabilité financière.

Les auteurs se placent résolument (et logiquement...) du côté des artistes, pour lesquels le grand soir, dans une atmosphère entre Révolution française et mai-68, semble arrivé : il est désormais temps que chacun sorte de son isolement pour s’organiser collectivement et s’opposer aux privilèges que s’octroient les éditeurs sur le dos des artisans de la bande dessinée. Sont décrits les motivations, buts et illusions contradictoires des professionnels de la bande dessinée, selon que l’on se place du côté des « nobles » éditeurs ou des dessinateurs, vus d’en haut comme des « classes dangereuses », avec leurs idéaux réflexifs et artistiques déconnectés de toute logique rentable. Le récit offre ainsi un regard plein de considération à l’égard des illustrateurs de bande dessinée.

Le trait noir et blanc de Pere Mejan lui a permis de recevoir en 2009, après la première édition espagnole de l’ouvrage, le Prix du meilleur dessin et le Prix révélation du Salon international de la bande dessinée de Barcelone, au cours duquel le scénariste Josep Busquet a aussi remporté le Prix du public du meilleur scénario.

(par Damien Boone)

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