"La Sorcière aux champignons" : un shojo envoutant et magique pour tout les âges et genres

Luna est une sorcière noire : une mage honnie par la société car elle exhale un souffle toxique, et fait pousser des champignons partout où elle passe. Mais en dépit de son aura funeste, elle est en fait une douce et gentille sorcière, n’aspirant qu’à vivre tranquillement dans sa forêt, au milieu de ses livres et des remèdes qu’elle fabrique pour les vendre au village.

Un jour, durant un de ses passages en ville, elle découvre par hasard quelque chose dont elle avait jusqu’alors seulement entendu parler dans ses ouvrages : l’amour. Mais comment une sorcière noire, dont le moindre contact peut être mortel, pourrait-elle bien aimer et être aimée ?

Abracadabra

Depuis quelque temps, les sorcières ont la cote dans la littérature graphique nippone, et après la mode des mangas de superhéros, l’imaginaire de la sorcellerie et de la magie s’impose en ce moment comme LA source d’inspiration pour toute une nouvelle vague d’auteur. La Sorcière aux champignons de Tachibana Higuchi s’inscrit dans cette tendance sur le modèle du Shojo : romance et tendresse à la sauce magie, good vibes sont donc au programme.

Bien que cela semble être une évidence pour les amateurs du genre, il est de bon ton de rappeler que "Shojo" n’a, en 2022, plus un sens aussi restrictif qu’auparavant. Longtemps, les ouvrages rassemblés sous cette étiquette arbitraire avaient la réputation d’être des livres à l’eau de rose pour petite fille, considérations assez réductrices pour un genre fourre-tout dans lequel on a longtemps mis tout ce qui n’était pas explicitement du Shonen ou du Seinen. Que les lecteurs soient ainsi rassurés : tout le monde peut (et va) aimer La Sorcière aux champignons, peu importe l’âge ou le genre.

Le trait de l’autrice est caractéristique du registre, bien plus vaporeux et "transparent" que le style shonen, et également bien plus expressif. Ici, Higuchi (qu’on connaissait déjà pour son très beau L’Académie d’Alice, Glénat) dépeint un univers classique de soft heroic fantasy fait de librairies, d’apothicaires et de cabanes dans la forêt. Pas de donjon sinistre, d’armées aux armures rutilantes et de sortilèges explosifs : on se pose, on prend le temps, et on se balade dans un monde tout ce qu’il y a de plus wholesome [1].

Le personnage principal est très attachante, et on s’identifie assez vite à elle du fait de son caractère d’ermite (confinée ?). On a affaire à une lectrice dévoreuse d’imaginaire qui chérit le confort de son fauteuil et les soirées au coin du feu, entourée de ses "chats" et autres animaux de compagnie mystiques. On s’attendrit donc en la voyant découvrir les tumultes de l’amour, et si ce premier tome est avant tout là pour poser les bases de l’univers et introduire les personnages, ce qu’on entrevoit de la romance naissante a tout pour nous convaincre. L’artifice choisi par l’autrice pour permettre à la relation d’exister (Luna ne peut toucher qui que ce soit sans l’empoisonner, elle doit donc trouver une autre manière de s’épanouir avec l’élu de son cœur) est très astucieux et propose des séquences magnifiques et très émouvantes.

La Sorcière aux champignons est une lecture envoûtante, qui fait du bien et réchauffe le cœur en cette période sinistre. Il ne s’agit sans doute pas de LA sortie de Glénat de 2022, ni d’une série qui va révolutionner son genre, mais elle s’empare du trope de la sorcière sous un prisme original et sait convaincre par son ambiance délicate et son dessin maîtrisé. En outre, la couverture est très belle : vernis sélectif et paillettes en relief pour un effet encore plus magique. On peut se plonger dans La Sorcière aux champignons sans hésitation.