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"La Vie souterraine" par Camille Lavaud Benito : coup de coeur pour ce récit historique

Par Hugues FRANCOIS Frédéric HOJLO le 28 janvier 2022                      Lien  
Elle-même originaire de Dordogne, Camille Lavaud Benito revisite un épisode récent de l’histoire de sa région. Si l’occupation allemande de la France pendant la Seconde Guerre mondiale a marqué les esprits, l’attaque de Neuvic du train Périgueux-Bordeaux par la Résistance périgourdine et ses zones d’ombre ont finalement laissé peu de traces, si ce n’est localement. Il s’agit pourtant du "casse" le plus important du XXe siècle !
"La Vie souterraine" par Camille Lavaud Benito : coup de coeur pour ce récit historique
Été 1940 - planche originale de "La Vie souterraine" © Camille Lavaud Benito / Les Requins Marteaux 2021

Sous le régime de Vichy, la Dordogne est dans un premier temps en zone non occupée. C’est donc assez tardivement que le maquis s’organise à la suite de la généralisation de l’occupation allemande à tout le territoire en novembre 1942. Après plusieurs années d’occupation et de rationnement, ce n’est pas une chose aisée, et le maquis périgourdin accumule les dettes.

Alors que le conflit touche à sa fin, après le Débarquement de Normandie en juin 1944, certains responsables sentent le vent tourner et donnent à la Résistance les moyens de régler ses comptes en réalisant le braquage le plus important du XXe siècle. Il s’agit d’attaquer le train opérant un transfert de fonds pour la Banque de France. Acte de brigandage ou fait de guerre ? La répartition d’un butin aussi important n’est pas sans susciter des interrogations, d’autant qu’après la Libération des doutes subsistent sur la manière dont une partie de l’argent a été utilisée.

Le premier volume de la trilogie La Vie souterraine, livre présent dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2022, s’ouvre sur une séance de cinéma. Fait-elle le lien avec le projet initial de Camille Lavaud Benito, qu’elle aborde dans une interview au magazine Junkpage d’octobre 2021 et dont on trouve la bande-annonce en ligne ?

La projection de « La Vie souterraine » commence : après le générique, l’histoire s’ouvre sur le premier plan du film. Installez-vous confortablement, la séance débute et l’aventure s’annonce rocambolesque. Nous sommes tout de suite dans l’ambiance et c’est une des grandes forces de cet album. L’ensemble des éléments graphiques, notamment les décors, contribue à nous immerger dans l’histoire, dans le moment capturé par l’autrice.

Les différents protagonistes, entretenant des relations plus ou moins directes, suivent leur propre trajectoire, aux prises avec le grand film de l’histoire © Camille Lavaud Benito / Les Requins Marteaux 2021
H. François

Tout commence à Paris, au début du conflit mondial, en pleine réunion de travail dans l’agence Mad Polydor dirigée par Gabor Varga, par ailleurs collectionneur d’art, escrimeur de haut vol et juif. Ce personnage fait office de fil rouge pour suivre les pérégrinations d’une multitude d’acteurs, à l’origine dans le milieu de l’art parisien, mais qui se diversifie rapidement au gré de leurs rencontres. Leur histoire personnelle percute celle de la France, entre Paris et la Dordogne, en fonction de leurs liens, plus ou moins directs, avec la province périgourdine.

La composition des planches traduit la complexité de ces parcours, de leur enchevêtrement au gré des pérégrinations des protagonistes, des lieux et des moments. Leurs cheminements tortueux sont portés par une structure graphique parfois touffue, où les cases se croisent, se rencontrent et invitent à quitter la surface.

Claudette rencontre Jacques Tourneur - planche originale de "La Vie souterraine" © Camille Lavaud Benito / Les Requins Marteaux 2021

Ces choix graphiques alliés à une diversité de techniques utilisant le noir et blanc contribuent à nous remettre dans l’ambiance de l’époque, sentiment d’immersion renforcé par les ambiances musicales explicitement mises en avant par l’autrice. Pour ne pas perdre le fil, différentes indications chronologiques donnent des repères et permettent de faire le lien entre le récit et les événements historiques. Ce récit foisonnant articule un travail important de recherche dans les archives du département, dont témoigne notamment une série de portraits de résistants « réels », avec une approche plus fictionnelle qui permet de dérouler le fil de l’histoire.

Principal écueil de nature à perdre un peu le lecteur, après une chronologie relativement fine : la césure de l’opération Anton, marquant la fin de la zone non occupée en 1942, n’est pas datée. Puis, en quelques pages confuses quant à l’enchaînement des événements, nous nous retrouvons projetés en 1944, en pleine préparation de l’attaque de Neuvic, sans même que la fragilisation de l’occupant à la suite du Débarquement ne permette de comprendre le retournement de certains responsables administratifs de premier plan.

Malgré cette maladresse dans la construction du récit, ce premier épisode convainc. Il s’arrête sur l’attaque elle-même, rebondissement ponctuel qui marque une étape dans le parcours des personnages au cœur de l’histoire. La suite, annoncée dès la fin de cet opus, promet d’être palpitante. Notons enfin un ensemble d’affiches de cinéma présentant les œuvres de « Radio Furax » et du « Consortium des prairies » qui n’est pas sans rappeler la récente exposition de Winshluss, d’ailleurs remercié par l’autrice en fin d’ouvrage.

Vienne, 1908 : Hitler recalé pour la 2e fois aux Beaux-Arts © Camille Lavaud Benito / Les Requins Marteaux 2021

(par Hugues FRANCOIS)

(par Frédéric HOJLO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782849613122

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