Voici un livre comme on les aime : à l’iconographie abondante, habilement choisie, qui ne profite pas de la "belle ouvrage" pour nous tenir le discours empesé d’un savant qui considère son sujet aussi précieux que L’Iliade, mais qui, au contraire, par sa familiarité avec le sujet et par son ton, va chercher l’esprit des lecteurs en l’invitant à vagabonder dans le plaisir, sans inutile boursouflure démonstrative.
Les "méchants", que les Américains surnomment "villains" sont des personnages structurant dans l’univers de la bande dessinée. Comme dit Christophe Quillien, le méchant "fait frémir le lecteur avec délice" et permet, par ses travers, de s’identifier à ce qu’il y a de plus humain dans les personnages. Car "le héros est décidément trop fort", dit Quillien.
Mais au chapitre de l’inventaire, il n’est pas facile de les caractériser. Quillien y arrive pourtant distinguant les "faux méchants" et les "vrais fâcheux", les "franches crapules" et les "vilains messieurs", les "sales gosses", les "filous" et les "losers", les "génies du mal" et les "méchants flamboyants", les "fous de pouvoir" et les "savants fous" et puis l’autre moitié de l’humanité que sont les "petites pestes" et les "femmes fatales".
À l’invocation de leurs noms, les images surgissent et avec elles, des scènes mémorables, des profils redoutables : Zorglub, Barbe Rouge, Magneto, Kriss de Valnor, Joe Dalton, Carreidas, Chihuahua Pearl, Golgo 13, Les Pieds Nickelés, Abdallah, Lady X, Gargamel, les Rapetou, le Jeune Albert, Cancrelat, Rastapopoulos, Arbacès, Diabolik, Miss Tick, Tullius Detritus, Olrik, Axel Borg, M. Choc, Wampus, Thanos, Iznogoud, L’Ombre jaune, Septimus, Loki, le Bouffon vert ou encore L’Empereur Ming... Tous les genres sont abordés : BD franco-belge, comics, mangas, fumetti... et l’on retrouve parfois quelques méchants oubliés dans les pages de Pif ou dans les Petits Formats.
Pour chacun d’eux, Quillien dresse un portrait de médaille puis en ressort la mythologie. À chaque fois, c’est une puissante invitation à a lecture, à revisiter les chefs d’œuvre de notre bibliothèque. À l’heure où tant et tant d’ouvrages déferlent en librairie, Quillien revient sur nos fondamentaux, nos classiques.
On aurait aimé une bibliographie plus détaillée et une relecture plus soigneuse du texte (Tullius Detritus ne porte pas de barbe, il est tout au plus mal rasé, et Knerr reprend les Katzenjammer Kids dès 1912...) mais ne gâchons pas notre plaisir : cette ballade des méchants n’est pas destinée aux spécialistes et saura emmener le lecteur dans les méandres réjouissants de ses propres lectures.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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