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La bande dessinée, Alpha et Omega de l’art de notre temps ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 22 mai 2015                      Lien  
Le travail de légitimation de la bande dessinée entamé depuis les années 1960 a atteint d'étonnantes proportions ces dernières années tant en terme de valeur pécuniaire dans les ventes publiques, qu'institutionnelle avec la création chaque année de nouveaux espaces muséaux. En ce printemps un peu frais, l'intérêt ne faiblit pas.

La bande dessinée, Alpha et Omega de l'art de notre temps ?L’exposition L’Âge d’or de la BD belge dont nous vous parlions en janvier dernier va venir prendre ses quartiers d’été à Paris au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris (exactement en face du Centre Georges Pompidou) du 17 juin au 14 octobre 2015.
L’extraordinaire collection du Musée des Beaux-Arts de Liège, riche d’une centaine des plus belles planches de l’âge d’or de la bande dessinée belge signées Hergé (On a marché sur la lune), Jacobs (La Marque jaune, Le Mystère de la grande pyramide), Peyo (Johan & Pirlouit et les Schtroumpfs), Franquin (Gaston Lagaffe), Morris (Lucky Luke), Tillieux (Gil Jourdan), Jacques Martin (Alix), Will (Isabelle, Tif & Tondu), Macherot (Clifton, Chlorophylle, Sibylline), Hermann (Comanche, Bernard Prince), Jean Graton (Michel Vaillant), ou encore Comès (Silence) sera mise en scène dans un processus scénographique original qui "invitera aussi à réfléchir sur la manière de montrer les originaux de bande dessinée et sur la façon d’extraire la planche du récit, en jouant sur des agrandissements spectaculaires" écrit son commissaire Thierry Bellefroid.

En complément, on pourra toujours se reporter à l’ouvrage éponyme édité par Les Impressions nouvelles.

Art et BD - de Christophe Quillien - Ed. Palette

Art & BD

L’art et la bande dessinée sont au cœur du livre de Christophe Quillien, Art et BD (Ed. Palette). L’auteur ne s’appesantit pas sur l’aspect théorique. Il se contente de baliser les différents paramètres qui définissent la bande dessinée comme un art : ses relations à la peinture, à l’architecture, au design, à la couleur, à la gravure, à l’art contemporain, au cinéma, aux avant-gardes ou encore... au musée. "Töpffer au XIXe siècle et ses successeurs ont introduit la discontinuité dans le ruban de la narration en images. Auparavant, personne n’avait raconté une histoire en sautant d’une case à l’autre, postule le regretté Pierre Sterckx dans la préface. La bande dessinée incarne un monde nouveau fondé sur la métamorphose et les ruptures. C’est une innovation aussi importante que le montage au cinéma."

Le parcours de cet ouvrage achève la démonstration : bande dessinée et beaux-arts dialoguent, s’influencent, s’interpellent... L’œil s’écarquille, l’esprit s’émerveille. Voici un ouvrage qui se veut tout sauf pédant et qui ouvre bien des perspectives au lecteur, qu’il soit averti ou néophyte.

Un parc à thème sur la BD en Flandre

Entre le Festival d’Angoulême qui défraie régulièrement la chronique, la multitude des expositions sur ce thème et la création de nouveaux musées aussi bien dans l’espace francophone qu’ailleurs, la célébration de la BD n’arrête jamais, nos lecteurs le savent.

Après le Centre Belge de la BD à Bruxelles, après le Musée Hergé à Louvain la neuve, après le Moof et la Maison de la BD à Bruxelles, le gouvernement flamand ne pouvait que réagir. D’où l’annonce d’un Parc à thème sur la BD dans l’enceinte de la gare centrale d’Anvers. Pas moins de 6000 m² et près de 50 attractions accompagnées d’expositions permanentes autour des personnages de Bob et Bobette, Lucky Luke, les Schtroumpfs, et de héros flamands comme Urbanus, Gil et Jo (Jommeke) et Fanny & Cie (De Kiekeboes) attendront chaque année un public de 200 000 personnes, espèrent les organisateurs qui vont investir près de 9 millions d’euros dans ce projet financé par l’éditeur WPG et le fonds d’investissement Vermec. Le lieu, concédé par les Chemins de Fer belges pour 18 ans, attend encore son permis de bâtir.

Projet de l’aménagement du lieu de la future Comic Station d’Anvers.
Photo : Comic Station. DR
Affiche de Pierre Alechinsky pour L’Ecriture dessinée.

L’Écriture dessinée

L’exposition court depuis quelques semaines mais il n’est pas trop tard puisqu’elle s’achève dans un mois, le 21 juin 2015.

Dans L’Écriture dessinée exposée à la Maison de Balzac l’historien d’art Dominique Radrizzani (nommé récemment directeur du Festival BD-FIL de Lausanne) s’interroge sur le dessin que constitue l’écriture et notamment sur l’interaction entre la pensée artistique et le geste, question sur laquelle Honoré de Balzac s’est longuement penchée.

Dans la maison de l’écrivain, rue Raynouard, sur les coteaux de Passy dans le 16e arrondissement de Paris, le commissaire suisse expose des travaux du groupe CoBrA : Christian Dotremont, Pierre Alechinsky, Asger Jorn... et les met en relation avec des œuvres de Théophile Bra, Bertall, Rodin, Picasso, Marcel Duchamp, Pol Bury ou Victor Hugo, mais aussi, étonnamment... Hergé !, pour montrer à quel point la réflexion de Balzac dans le domaine de l’écriture et du dessin rejoint celles des plasticiens et des dessinateurs qui l’ont suivi.

Dans un chapitre intitulé Balzac, Dotremont et la BD, Radrizzani montre que l’écrivain, né la même année que Töpffer a pris du plaisir à lire l’auteur suisse, selon certains le créateur de la bande dessinée moderne, au point qu’il le cita directement dans Un Début de la vie (1842). Le Genevois ne lui retourna pas forcément le compliment puisqu’il considérait que Hogarth, le grand caricaturiste anglais que Töpffer considérait comme son maître, serait un "antidote victorieux" contre les livres "moralement vicieux et délétères" de George Sand, d’Honoré de Balzac ou d’Eugène Sue. Hergé, en revanche, adulait l’auteur de la Comédie humaine, espérant en 1969 que, d’ici l’an 2000, la bande dessinée ait trouvé "son Balzac". "Un créateur qui, dit-il, doué à la fois sur le plan graphique et sur le plan littéraire, aura composé une vraie œuvre."

"Dans certaines toiles d’Alechinsky, ajoute-t-il, les dessins qu’il nomme lui-même "remarques marginales" et "prédelles" laissent entrevoir ce que pourrait être une bande dessinée dont l’auteur serait à la fois un artiste et un écrivain, et, bien sûr, un conteur..." Et de conclure : "Peut-être, en l’an 2000, n’y aura-t-il plus que de la bande dessinée..." [1]

Fichtre ! Quand on considère la place prise par la bande dessinée dans les différents registres, on peut se dire que, peut-être, Hergé va finir par avoir raison...

Dominique Radrizzani, commissaire de l’exposition L’Ecriture dessinée à la Maison de Balzac à Paris.,
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

" L’Âge d’or de la bande dessinée belge" au Centre Wallonie-Bruxelles, du 17 juin au 14 octobre 2015. Le site de l’événement : CWB

- Commander "L’Âge d’or de la bande dessinée belge" par Th. Bellefroid (Dir.) aux Impressions Nouvelles chez Amazon ou à la FNAC

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"L’Écriture dessinée", à la Maison de Balzac, jusqu’au 21 juin 2015. 47 rue Raynouard - 75016 Paris. Le site de la Maison de Balzac

- Commander "L’Écriture dessinée" de Dominique Radrizzani aux éditions Silvana Editoriale chez La Tribune de l’art

En médaillon : Dominique Radrizzani commentant Pierre Alechinsky. DR.

[1Texte transmis à Hergé à Alain Germoz à l’hebdomadaire belge Spécial en 1969, partiellement reproduit dans Philippe Goddin, Hergé : lignes de vie : Biographie , Éditions Moulinsart,‎ novembre 2007.

 
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16 Messages :
  • "et les met en relation avec des œuvres de Théophile Bra, Bertail, Rodin,"
    Dominique Bertail ? Ah, il est fortiche, le bougre ! Mais ne serait-ce pas plutôt Bertall...?

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 22 mai 2015 à  13:03 :

      Bien vu. Merci !

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    • Répondu par Zébra le 23 mai 2015 à  16:05 :

      La spéculation, au sens large du terme, est le principe de l’art moderne bourgeois. Il y a des montages financiers qui sont de véritables oeuvres d’art, bien plus subtiles que bien des bandes-dessinées, et qui méritent tout autant d’être qualifiés de "séquentiels".
      - Le "discours de légitimation" est lui-même un chef d’oeuvre spéculatif.

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  • Et de conclure : "Peut-être, en l’an 2000, n’y aura-t-il plus que de la bande dessinée..." [1]

    Mais non, vous exagérez. et hergé s’est mis le doigt dans l’oeil

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    • Répondu par Torrez le 24 mai 2015 à  12:41 :

      Pour apprécier la production d’Alechinsky, qui est quand même ce qu’on fait de plus nul dans l’art du 20e siècle, il faut vraiment avoir mauvais goût, ou plutôt ne pas en avoir et se faire mal conseiller (ce qui était le cas d’Hergé).

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      • Répondu par AntoineL le 24 mai 2015 à  13:32 :

        Peut-être auriez-vous l’amabilité de nous faire une liste plus ou moins exhaustive de ce qu’il faut apprécier dans l’art du XXème siècle ? Comme ça plus besoin de s’emmerder à visiter des musées et plus de risque de se faire abuser par ses sensations, comme cette andouille d’Hergé !

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        • Répondu par Torrez le 24 mai 2015 à  13:37 :

          Cette liste serait malheureusement bien trop longue, heureusement le temps fait son travail.

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          • Répondu le 24 mai 2015 à  21:01 :

            Allez, faites un effort. 20 noms -ça devrait tenir sur 2 lignes. C’est vraiment pas plus long que ça.

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            • Répondu par Torrez le 24 mai 2015 à  23:15 :

              Martial Raysse,Ben,Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Daniel Spoerri, Jacques Villeglé, Pierre Restany,Maryan S. Maryan, Marcel Pouget, Bengt Lindström, John Christoforou, Jacques Grinberg, Hugh Weiss, Agayo, Jean Pellotier, Joseph Erhardy, Roger-Edgar Gillet, François Jousselin, Robert Lapoujade, Charles Semser,Robert Combas, les Di Rosa, Rémi Blanchard, François Boisrond, il y en a plein d’autres.

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              • Répondu le 25 mai 2015 à  01:09 :

                Merci pour votre réponse, qui me laisse encore plus perplexe toutefois face à votre 1ère intervention. Beaucoup de noms à associer directement à Cobra. Je ne vous suis pas très bien. Libre à vous de répondre ou pas, mais je vous trouve incohérent.

                Répondre à ce message

                • Répondu par Gillesou le 25 mai 2015 à  11:02 :

                  Moi ça me semble clair, il fait une liste d’ "artistes" surrévalués mais au final bien nuls artistiquement.

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                  • Répondu le 25 mai 2015 à  23:10 :

                    La question posée était : "auriez-vous l’amabilité de nous faire une liste plus ou moins exhaustive de ce qu’il faut apprécier dans l’art du XXème siècle". J’acquièse donc, une liste assez pertinente d’artistes qui ont marqué leur époque.

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                    • Répondu par Torrez le 26 mai 2015 à  00:14 :

                      Il faudra que vous appreniez à lire un jour, ça pourra vous être utile. C’est une liste non-exhaustive de gens qui se prétendent artistes mais qui n’ont strictement aucun talent et qui ponctionnent ou ont ponctionné de l’argent public pendant des dizaines d’années sans vergogne.

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              • Répondu par Kika le 25 mai 2015 à  12:36 :

                Dans les baltringues vous avez oublié Christo et Burenne.

                Répondre à ce message

        • Répondu par Jean-Fred le 25 mai 2015 à  19:55 :

          Je trouve terrifiant que sur un site de BD des types (antoineL ???) osent qualifier Hergé d’andouille. Plus aucun respect !

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    • Répondu par Jean-Fred le 25 mai 2015 à  19:53 :

      Il s’est peut-être juste trompé de 20 ou 30 ans, car au train où vont les choses (hum hum) qui sait si la BD a toujours un avenir...

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