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La bande dessinée en Centrafrique, depuis l’indépendance [2/3] : Les premiers albums

Par Christophe CASSIAU-HAURIE le 18 avril 2023                      Lien  
Après le succès de Balao, les auteurs centrafricains commencent à se faire connaître en sortant quelques albums de BD et en participant à des revues, malgré des conditions économiques et politiques épouvantables.

Le succès de Balao explique le lancement d’autres journaux comme Dounia, le journal des jeunes, réalisé par des jeunes de Notre Dame d’Afrique et publiés avec le concours de l’Archevêché de Bangui mais également de Mbayo qui ressemblait à s’y méprendre à Balao : même dessinateur, même scénariste, même présentation, même mise en page et même souci de didactisme. Le numéro 0, par exemple, sensibilisait les citoyens à la nécessité de voter aux élections en suivant les aventures de Gbasso, Tutu et Aïda.
Mais ces revues n’eurent pas le même succès que Balao et Tatara.
Le succès de Balao atteint des sommets lors de l’édition du Guide Balao pour la Centrafrique en 1991 et, surtout lors du grand concours organisé en 1988 par ce journal en partenariat avec l’atelier BD du CCF et portant sur le thème « Comment aimeriez-vous vivre en l’an 2000 ? ». Ce concours donna lieu à l’un des premiers albums locaux, dans lequel on retrouve les premiers pas d’auteurs qui se manifesteront par la suite.

Quelques années plus tard, en 1990, paraissent deux BD dont L’homme du parc auto-édité par Ernest Wéangai.

À compter du milieu de la décennie 2000, Ernest Wéangai s’éloignera progressivement du milieu de la bande dessinée et deviendra sculpteur (avec des pièces de récupération de mobylettes ou des fibres de cocotier), peintre et caricaturiste. Il passe pour le créateur de « l’art broussard » en 1997, un courant à la fois écologique et artistique qui met en valeur les matériaux récoltés dans la brousse.
Certaines de ces œuvres étaient d’ailleurs exposées à Dijon.

La chaîne et l’anneau, édité par Le Centre Culturel Français de Bangui en 1990 fut le premier album mixte composé par un scénariste européen, Philippe Garbal et Bernardin Nambana. Ces albums, édités en moyenne à 1000 exemplaires, n’ont cependant jamais atteint les tirages de Balao et Tatara.

Le N°4 du bulletin de La joie par les livres rendait compte de La chaîne et l’anneau, comme suivant : « L’intrigue de cette bande dessinée repose sur la rivalité d’un féticheur et d’un forgeron dans un village centrafricain. Houroukouzou, le meilleur chasseur de la communauté s’est gravement blessé et le féticheur en tient pour responsable le forgeron, lui-même se révélant pourtant incapable de guérir la blessure. Le forgeron disparaît, la lance du chasseur est mystérieusement dérobée, enfin le féticheur trouve la mort dans la forêt en s’empalant sur cette lance. Tout le village s’émeut et s’interroge. Le cadre traditionnel est bien planté : scènes de la vie quotidienne banda, influence du féticheur et du forgeron, autorité du chef du village, croyances... Dans le développement de l’intrigue, les "coups de théâtre" se succèdent sans être vraiment reliés, amenés. Le dessin en noir en blanc s’inscrit dans une esthétique classique de bande dessinée réaliste et donne beaucoup à voir de la vie rurale ».
Bernardin Nambana décèdera du Sida en 1992.

Des auteurs émergent

Le début des années 90 verra l’émergence de Guy Eli Maye qui participera au projet BBKB en 1990, (Bangui – Bordeaux – Kinshasa – Brazzaville), bateau itinérant avec à son bord des ateliers de théâtre, de peinture et de BD. L’atelier BD était également composé du malgache Jano et des Congolais Baruti et Kisito (Philippe Robert y participera également). Eli Maye sera, trois ans plus tard, à l’origine de Wan-to, une aventure de Bafio, BD née d’un des ateliers de la semaine culturelle, organisée à Bossangoa, dont il fut l’animateur.

Editée par le Centre Culturel français de Bangui, cette BD, en noir et blanc, racontait sous une forme réaliste et détaillée, l’histoire d’un jeune garçon, Bafio, qui assistait aux différentes étapes des préparatifs de la semaine culturelle de Bossangoa.
Puis ce fut un peu le vide jusqu’en 1998, où la BD centrafricaine connut un second souffle avec la participation au 1er salon africain de la Bd de Libreville du scénariste de Balao et Bayho, Clotaire M’Bao Ben Seba (décédé en 2021) et de Didier Kassaï, à l’époque caricaturiste au journal Le perroquet  [1].

À partir de l’année 2000, sortiront de nouvelles BD en couleurs ou en noir et blanc, toujours à vocation éducative sur des thèmes variés destinés à sensibiliser les populations à la protection de l’environnement avec l’album Eco – pionniers de Mbomou [2], au virus du Sida, avec la revue trimestrielle Wandara [3] (qui démarre en 2003 pour quelques numéros) ou l’album SIDA, un danger imminent  [4], à la protection du parc national de N’délé avec Kossi et Mbala au PDRN  [5], au désarmement des ex-combattants avec Une Nouvelle vie [6] tirée à 10 000 exemplaires, ou à la vulgarisation de la science dans Les scientifiques au service de la population, dessinée par Jean-Noël Ndiba.

Par la suite, le projet bilatéral de coopération éducative franco – centrafricain EDUCA 2000 a piloté en 2005 la réalisation d’une bande dessinée Aventures en Centrafrique de Didier Kassaï, Guy Eli Mayé et Olivier Bombasaro (responsable de la partie Ecoles primaires du dit projet), qui servit de support pédagogique à l’apprentissage de la langue française dans les écoles centrafricaines.

La bande dessinée en Centrafrique, depuis l'indépendance [2/3] : Les premiers albums
Aventures en Centrafrique - Couverture de Didier Kassaï

En parallèle, le projet finance la réalisation par les mêmes auteurs de dix albums pour enfants relatant les aventures de Gipépé le Pygmée.

Gipépé au pays des gorilles - Couverture de Didier Kassaï

Sortie d’un nouveau titre

Puis, en 2003, un collectif de bédéistes de Bangui lançait le magazine bimestriel de bande dessinée Sanza BD, qui tirait à 500 exemplaires et sortit 7 numéros de 2003 à 2005 avant de disparaître faute de mobilisation des auteurs.

Les membres de ce collectif étaient Guy Eli Maye, Jean-Noël Mokope, Ernest Wéangai, Régis Noé, Mardoché Mbassa, Wilfried Sanze, Didier Kassaï, Joel Assana, Gabin Picassa Vobodé, Josias Bondravodé, Socrate Bangala et Béatrice Mossongo.

Quelques séries apparurent comme Yaps, le chasseur mystérieux de Jean-Noël Mokope, Cheta le gourmand de Bondravodé ou Tibéré Zofan le bossu de Wéangai ou L’inspecteur Samy de Sanzinga Nde-Kpeni.

Didier Kassaï y a également publié quelques histoires courtes (Le chasseur d’âmes, Lenga…) et Wéangai dessina intégralement un N° hors-série, avec une histoire en 23 planches, Koya.

En parallèle, certains d’entre eux officiaient au sein du journal satirique, Agbangban.

Des contacts avec des bédéistes européens se sont créés, en particulier à l’occasion de stages financés par la coopération française. Dans les années 1980, un atelier BD fut organisé au CCF de Bangui avec Philippe Robert qui rééditera l’expérience en 2003 avec un atelier intitulé Les grands quelqu’uns. Les planches ont été exposées à l’Alliance française mais la publication initialement prévue n’a pas suivi. Certaines histoires seront reprises dans des numéros de Sanza bédé. En 2001, furent organisés un atelier avec Beb-Deum et une exposition « Ils rêvent l’Afrique, ils rêvent le monde ». Cet atelier déboucha sur une réalisation concrète : un superbe ouvrage individuel de Beb-Deum : PK-12 voyages en Centrafrique (Ed. du Rouergue, 2003) !

En 2004, un stage fut organisé avec Christian Peultier (Mirabelle chez Glénat) afin de soutenir la sortie de Sanza BD mais il se transforma, faute de délais suffisant, en atelier de dessin de presse.

A l’étranger, René Pakondji, installé en France, écrit en 2008 le scénario de Corne et Ivoire, album dessiné par le Français Ström aux éditions Afro bulles (qui éditeront également Didier Kassaï, deux ans après dans le collectif Vies volées).

Corne et ivoire - couverture de Ström

(par Christophe CASSIAU-HAURIE)

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Code EAN :

[1À l’époque, Didier Kassaï avait déjà dessiné avec son frère Frédéric, L’histoire de William Haas, album qui devait être publié aux Etats-Unis par la mission baptiste et qui restera inédit

[2Scénario et dessins de Jean-Noël Ndiba.

[3Scénario et dessins de Jean-Noël Ndiba, Jean-Noël Mokope et Didier Kassaï.

[4Scénario et dessins de Régis Noé.

[5Scénario et dessins de Guy Eli Maye.

[6Scénario et dessins de Olivier Bombasaro et Didier Kassaï

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