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La bande dessinée francophone survivra-t-elle à la crise du Covid-19 ? (3/4) : les libraires au cœur du réacteur

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 août 2020                      Lien  
Les éditeurs ne cessent de le répéter : ce sont les libraires qui sont en première ligne dans cette crise sanitaire qui a affecté le marché de la bande dessinée d’une façon complètement inédite. Si l’activité a un peu repris cet été, l’inquiétude demeure, surtout si une « deuxième vague » vient à contrarier la déferlante des nouveautés de la fin de l’année. Mais l’optimisme demeure car la conviction est que la BD reste un secteur culturel incontournable et parce qu’en outre, les éditeurs réduisant les risques, ne sortiront à la rentrée que des titres solides et de premier choix.

« La très bonne reprise d’activité entre mi-mai et fin juillet a permis de compenser en bonne partie la très faible activité pendant le confinement, nous dit Moïse Kissous, PDG du groupe Steinkis et président du groupe BD du Syndicat National de l’Édition. Difficile de savoir si cette dynamique va se prolonger. On peut espérer que oui dans la mesure où l’accroissement des achats de livres s’est construit d’une part sur la compensation des achats non réalisés pendant le confinement et le souhait pour certains de soutenir les librairies, mais aussi d’autre part sur l’absence d’autres formes d’activités culturelles (concerts, théâtres, festivals) et l’offre réduite au cinéma, qui risquent de se prolonger sur la fin d’année, et laissent ainsi du temps et des capacités d’achat aux amateurs de BD qui ont d’habitude une pluriactivité culturelle. »

La bande dessinée francophone survivra-t-elle à la crise du Covid-19 ? (3/4) : les libraires au cœur du réacteur
L’incroyable destin du Dr James Barry par Isabelle Bauthian et Agnès Maupré (Ed. Steinkis) paraît cette rentrée.

« Deux mois sans activité en librairie a évidemment eu un impact important, très partiellement compensée par la bonne fréquentation des librairies au sortir du confinement, confirme Louis Delas, patron de Rue de Sèvres . Du côté des auteurs, le contexte est difficile, notamment pour les jeunes auteurs. Du côté des librairies, leur trésorerie est très tendue et nous avons cherché à les soulager en différant leurs échéances. Enfin, du côté des éditeurs, le contexte est rude, notre métier nécessite une trésorerie importante et un investissement sur le long terme, particulièrement en bande dessinée, et pour les petites structures, la situation devient alors très complexe.

"Le Château des Etoiles T. 5" d’Alex Alice, le best-seller des éditions Rue de Sèvres.

Ceci arrive au moment où nous sommes en pleine mutation du métier. Cela va probablement accélérer cette mutation pour l’ensemble des acteurs de la chaîne, avec un risque de concentration tant au niveau des éditeurs que des librairies, ce qui peut constituer un frein à la création.
Au sein du catalogue de Rue de Sèvres, nous sommes donc plus que jamais très attentifs à maintenir l’équilibre entre jeunes auteurs en devenir et auteurs phare confirmés. Du côté des espoirs, celui que le retour vers la librairie post-confinement très encourageant soit celui d’une réelle et large prise de conscience de l’importance et de la place du livre, notamment auprès des jeunes générations et par conséquent de l’amélioration de la fréquentation des librairies de tous types.
 »

Ce sont donc bien les libraires qui sont au cœur du réacteur.

L’enjeu : faire revenir le public en librairie.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Cinq bonnes raisons pour revenir acheter vos BD en librairie

Évidemment que tout le monde portera des masques, mettra en place les gestes-barrières et se lavera les mains avant et en rentrant de la librairie... Évidemment. La vie a changé, le monde a changé et, franchement, ces contraintes ne sont pas terribles.

Avant, nous nous moquions des touristes asiatiques et de leurs masques. Ils se protégeaient, certes, mais ils nous exprimaient leur politesse et leur respect en NOUS protégeant. À notre tour, maintenant.

Il faut recréer du lien et, tant qu’à faire ses courses au supermarché du coin ou chez le pharmacien, passons par la « case libraire ». Voici 5 bonnes raisons de le faire.

La librairie Krazy Kat à Bordeaux
Photo DR

1. LA BD EST UN PRODUIT CULTUREL INCONTOURNABLE

Moteur, avec la jeunesse, de l’édition, La BD est aussi l’un des produits-clés pour l’éveil culturel. «  Elle est ludique et passionnante, accessible à tous les profils et suffisamment variée pour tous les budgets » nous dit Mathieu à la librairie Krazy Kat de Bordeaux. « Selon les études, le livre est le cadeau préféré des Français, aussi bien à offrir qu’à recevoir, nous informe doctement Jérôme Briot de la librairie Planète Dessin à Paris. Retourner maintenant en librairie, c’est préparer les coups de cœur que vous aurez envie de partager avec vos proches, c’est aussi préparer de futures discussions passionnées ! »

La librairie Planète Dessin à Paris
Photo DR

2. LA BD VOUS FERA VOYAGER

« La BD présente, au même titre que la littérature, une variété incroyable d’horizons explorés, nous dit encore Mathieu à la librairie Krazy Kat, tant géographiques avec les multiples pays producteurs (États-Unis, Japon, Afrique, et bien sûr Europe) que dans les thématiques abordées : polar, historique, aventure, science-fiction, jeunesse, et maintenant, romans graphiques, quotidien, documentaires…  »

Le monde est à vos pieds, sous vos yeux. La BD permet d’y accéder de son fauteuil, au diable le confinement ! « Vos besoins d’évasion ont été contrariés cet été par le COVID-19 ? La bande dessinée a tout ce qu’il faut pour vous faire voyager dans le temps, l’espace voire les deux à la fois. Dépaysement garanti ! » confirme-t-on à Paris.

La Librairie The Skull à Bruxelles.
Photo : DR - Visit Brussels.

3. LE PROGRAMME DE LA RENTRÉE EST UN VÉRITABLE FEU D’ARTIFICE

« La rentrée littéraire, ça existe aussi en bande dessinée, dit encore Jérôme Briot. 40% des sorties de l’année, et la plupart des gros enjeux de l’année sortent à cette période. Cette année, en plus des blockbusters attendus, vous pourrez enfin lire le tome 2 du Château des animaux, un nouveau François Boucq, la suite de « Il faut flinguer Ramirez », « Carbone et Silicium » par Mathieu Bablet, une adaptation de « Vernon Subutex » par Luz et d’innombrables autres pépites... »

La nouveauté de Boucq et Charyn à la rentrée : New York Cannibals (Le Lombard)

« Le programme éditorial de la rentrée sera un véritable feu d’artifice de nouveautés, nous confirme-t-on à Bordeaux. Le remaniement des programmes par les éditeurs suite au confinement a permis de reporter un certain nombre de titres sur le 2e semestre, mais surtout de diminuer les titres les plus "faibles" au niveau capacité de vente. Conclusion : un nombre incroyable de titres-phares des catalogues des éditeurs (comme un Scorpion nouvellement dessiné par Luigi Critone pour prendre un exemple), et des pépites magnifiques à découvrir (comme le titre "Rhapsodie en bleu" d’Andréa Serio chez Futuropolis pour ne citer que lui). »

Le nouveau Scorpion, "Tamose, l’Egyptien" de Desberg dessiné par Luigi Critone (Ed. Dargaud)

Éric Coune de la librairie The Skull à Bruxelles pointe lui aussi ses best-sellers : « Peau d’Homme, mon préféré ! Ensuite : Charlotte 1 et 2, Le dernier Atlas, Les cahiers d’Esther - 14 ans ou encore La Bombe… » Mais bien d’autres nouveautés viendront s’allonger à cette liste…

4. AIDER A PRÉSERVER LE MAILLAGE DE LA CHAÎNE DU LIVRE

« 2020, a été désignée officiellement comme « l’année de la BD » s’est transformée en une annus horribilis pour tout le secteur de la culture, nous dit-on à Paris. En achetant des bandes dessinées non seulement vous vous faites plaisir, mais en plus vous aidez les auteurs, les éditeurs, les libraires et toute la chaîne du livre. »
« Acheter de la BD à la rentrée permettra de participer au maintien d’un maillage extraordinaire d’entreprises commerciales vitales et indépendantes (pour la plupart) que sont les librairies, nous confirme-t-on à Bordeaux. Le confinement a eu de graves répercussions sur l’activité économique de ces entreprises (entre autres bien évidemment). Acheter une BD leur permettra de continuer à diffuser la culture et le loisir de la lecture pour le plus grand plaisir du public. » On ne peut mieux dire.

"Peau d’Homme" de Hubert et Zanzim (Ed. Glénat), l’album préféré de la Librairie The Skull.

5. MESURE ANTI-CONFINEMENT

« Enfin, ajoute le facétieux libraire bordelais, acheter de la BD à la rentrée permettra de faire un peu de stock dans le cas (fort dommageable) d’un éventuel reconfinement. Pour ne pas être à court si jamais cette solution devait être envisagée, prendre un peu d’avance dans ses achats n’est peut-être pas une mauvaise idée 😉 »

« Winter is coming, nous dit le libraire parisien qui n’a raté aucun épisode de Games of Thrones. Retournez en librairie et faites le plein tant que c’est possible, sans attendre qu’une éventuelle deuxième vague de confinement vous fasse regretter de n’avoir pas rechargé votre PAL (pile à lire). »
Et comme le dit si bien Iznogoud, il n’est aucune situation bien assise qui ne résiste au pal !

Voilà donc les cinq bonnes raisons de retourner chez votre libraire acheter des BD. Mais en lisant régulièrement ActuaBD, vous en trouverez sans doute encore plein d’autres !

"Rhapsodie en bleu" est l’adaptation libre du roman de Silvia Cuttin "Ci sarebbe bastato" par Andrea Serio. Ed. Futuropolis.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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