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La bande dessinée historique, premier cycle : L’antiquité - Par J. Gallego [Dir.] - Presses Universitaires de Pau

Par Tristan MARTINE le 25 janvier 2016                      Lien  
Publication d'un colloque consacré à la bande dessinée historique, représentant l'Antiquité romaine. Un ensemble richement illustré, à la fois précis et éclairant.

En novembre 2011 eut lieu à l’Université de Pau et des pays de l’Adour un colloque international ambitieux portant sur la bande dessinée historique, et plus précisément sur celle prenant pour cadre l’antiquité romaine. L’organisatrice, Julie Gallego, s’est chargé de diriger la publication de l’ensemble aux Presses de l’Université de Pau et des pays de l’Adour.

En marge du colloque eurent lieu différentes manifestations. Des journées d’études et des séminaires furent organisés pour les étudiants de Master de l’Université de Pau, afin de préparer la rencontre durant les mois précédents. Pendant les quatre journées du colloque, un Prix de bande dessinée étudiante fut remis, plusieurs expositions furent organisées (sur Jacques Martin et Gilles Chaillet notamment), des exposés des étudiants de l’Université furent mis à disposition librement sur des ordinateurs, des projections cinématographiques furent proposées, ainsi qu’un défilé de mode à la romaine organisé par les élèves d’un lycée professionnel de Saint-Jean-de-Luz.

Cette manifestation scientifique fut l’occasion de discussions interdisciplinaires très fécondes qui faisaient dialoguer non seulement des universitaires spécialistes de linguistique, de sciences exactes ou d’histoire, mais aussi des archéologues, des illustrateurs, des pédagogues, des enseignants, des libraires, et des auteurs de bande dessinée.

Les invités d’honneur de ce colloque étaient en effet Jean Dufaux et Philippe Delaby, les auteurs de Murena (Dargaud), et le volume est d’ailleurs dédié à la mémoire de ce dernier, malheureusement décédé depuis. Jean Dufaux rédige en introduction une page émouvante dans laquelle il rend hommage à son collaborateur et ami, tout en refusant de parler de lui au passé : « Comme tout créateur, Philippe a besoin de se sentir compris, aimé. C’est ce qu’il a ressenti à Pau. Le regard bienveillant des exégètes, l’amitié des passionnés. Il ne se sentait pas historien […] plutôt comme un passeur […], quelqu’un qui tente de partager sa passion, de traduire ses émotions, son savoir, pour les transmettre au plus grand nombre ».

La bande dessinée historique, premier cycle : L'antiquité - Par J. Gallego [Dir.] - Presses Universitaires de Pau

Les actes de ce colloque ne se demandent pas seulement comment la bande dessinée représente l’antiquité, mais étudient également l’évolution de la bande dessinée, qui a beaucoup changé, dans son fond comme dans sa forme, entre la sortie du premier Alix et celle du premier Murena, soixante ans plus tard.

Il ne s’agit pas de limiter la réflexion à lister les incohérences ou erreurs historiques de telle ou telle BD, mais plutôt d’analyser le point de vue de l’Histoire mis en avant par les auteurs, ainsi que les techniques d’ « historisation de la fiction et [de] fictionnalisation de l’Histoire ». Les études prennent en compte le matériel historique utilisé par les dessinateurs/scénaristes pour réaliser leurs œuvres, en amont, et envisagent également la réception par les lecteurs en aval.

Bien évidemment, s’intéresser à ces bandes dessinées historiques revient à étudier aussi, et peut-être même avant tout, notre époque contemporaine, comme le souligne d’entrée Julie Gallego : « Parler de la romanisation, par exemple, dans la BD franco-belge des années cinquante ou soixante, ce n’est pas seulement parler de la Rome antique, c’est aussi parler de la (dé)colonisation de la France ou de la Belgique (Astérix et les Goths s’inscrit ainsi dans un contexte où les rancœurs de la Deuxième Guerre mondiale sont encore sensibles, comme La Griffe noire, peu de temps après la Guerre d’Algérie)  ».

Les articles sont répartis en cinq chapitres. Dans le premier, « Raconter le passé et dire le présent », N. Rouvière montre l’importance du souvenir de la Seconde Guerre mondiale dans l’écriture de la série Astérix, explicitant par exemple le parallèle entre les défaites d’Alésia et de juin 1940. C. Sala, E. Villagordo et J. Halimi réfléchissent également à la genèse d’Astérix, en se demandant comment l’utiliser en contexte pédagogique, tandis que J. Canyissa revient, lui, sur l’Égypte telle que se la figure E. P. Jacobs, notamment dans Le Mystère de la grande pyramide.

La seconde partie, « Entre Histoires et mythe(s) » présente des réflexions sur plusieurs mythes, de Gilgamesh (B. Rey Mimoso-Ruiz) à la fondation de Rome dans Le Dernier Troyen (M. Scapin et M. Soler), en passant par la mythologie grecque (Y. Koukoulas et M. Missiou), tandis que la troisième partie, « La BD historique, d’un continent à l’autre » s’intéresse tout autant aux comics (H. Morgan) qu’aux mangas, A. Pigeat montrant l’exotisme et l’aspect poétique véhiculés par l’antiquité romaine pour le lecteur japonais. I. Schmitt-Pitiot revient également sur la traduction d’œuvres franco-belges à l’étranger, en montrant les effets de la censure aux États-Unis lors de la publication de l’édition américaine de Murena : mamelons effacés et parties génitales des statues nues floutées…

La quatrième partie est centrée sur les séries qui ont marqué la bande dessinée historique. M. Thiébaut réfléchit à l’utilisation d’Alix et de Murena par les enseignants, V. Marie revient sur Le Tombeau étrusque, de J. Martin, J. Gallego sur Iorix le grand, autre album de la même série, M. Eloy sur la série Vae Victis. Deux articles (M. Lafond, A. Noirault) analysent en détail la figure de Néron dans Murena. Enfin, la dernière partie revient sur l’utilisation de l’archéologie et des reconstitutions archéologiques en bande dessinée, en montrant par exemple (S. Luccisano) différents cas de collaborations entre archéologiques et auteurs de bande dessinée.

L’ensemble est richement illustré, chaque article comportant plusieurs illustrations en noir et blanc, ainsi que quelques schémas explicatifs. À la fin du volume, un portfolio contient de très nombreuses planches en couleurs, magnifiquement reproduites. Cerise sur le gâteau, J. Gallego reproduit une quinzaine de dédicaces inédites qui lui ont été offertes par J. Martin, G. Chaillet et Ph. Delaby, les trois auteurs majeurs qui lui ont donné la passion de la bande dessinée historique.

On ne peut que se réjouir de l’existence de tels projets, bien trop rares, et féliciter Julie Gallego pour l’énorme travail accompli, tant pour l’organisation de ce colloque que pour cette très belle publication qui, par sa clarté et son intelligence, intéressera, pour un prix modique au vu de la qualité du volume, bien au-delà de l’habituel cercle restreint des spécialistes.

(par Tristan MARTINE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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