L’ancien directeur du Festival International de la bande dessinée d’Angoulême est le grand artisan de ce rapprochement. On se souvient qu’il avait précisément écarté de son poste au FIBD parce qu’il cumulait son mandat avec une mission auprès du Festival d’art contemporain du Havre. Cet évènement signe-t-il son grand retour sur la scène de la BD ? « Cela prend, effectivement, les allures d’un retour... nous confie-t-il, Grand, je ne sais pas encore : nous verrons si tous mes projets aboutissent... ou non. Le premier rendez-vous à lieu sous la verrière du Grand Palais, à Paris, dans le cadre d’ArtParis 09, du 19 au 23 mars. J’aime cette idée que la bande dessinée prenne assise dans des lieux mythiques. J’expose une douzaine d’auteurs que j’apprécie, bien sûr, particulièrement. Caroline Clough-Lacoste et Henri Jobbé-Duval m’ont confié en quelque sorte une carte blanche. »
Le retour de JMT
Effectivement, comme nous vous l’avions signalé, « JMT » était très présent lors de la dernière édition du Festival qu’il retrouvait avec une certaine gourmandise : « Je n’étais pas revenu à Angoulême depuis trois ans, j’avais donc beaucoup de monde à rencontrer ( éditeurs, journalistes...), d’auteurs ou de livres à découvrir. J’ai été enthousiasmé par la qualité de la production des labels dits indépendants, par la dimension définitivement internationale de la création. Enfin, j’ai observé le décloisonnement évident de la bande dessinée, c’est à dire l’abandon d’un découpage formel et d’une narration classique encore plus marquant qu’il y a trois ans, cela s’entend surtout pour les "indépendants".
Je me suis donc dit qu’il y avait là un foisonnement artistique formidable pour des expositions, des manifestations d’un nouveau genre dans de nouveaux lieux... En dehors de cette redécouverte qui m’a beaucoup inspiré pour l’avenir, je travaille actuellement à la mise en oeuvre de deux grands projets : l’un sur Paris, en dehors de l’exposition Bourgeon, et l’autre dans une grande ville de province. »
Bref, notre homme est de retour, avec une double légitimité puisqu’il est à l’origine de la création de la Biennale d’art contemporain du Havre, en 2006 et présent dans le domaine de la BD depuis 1980 : « Si l’univers de l’art contemporain dans son approche économique, critique et médiatique est radicalement différent de l’univers de la bande dessinée, il y a néanmoins des points de convergence. La scène française de l’art contemporain est remarquable avec des artistes comme Didier Marcel, Xavier Veilhan, Mathieu Mercier et bien d’autres. Leur approche de la création d’une oeuvre (pourquoi cette oeuvre, pourquoi tel parti pris esthétique...) est en très grande proximité avec la réflexion des auteurs de bande dessinée lorsqu’ils décident de transcender la notion même de l’album. On retrouve chez les uns et chez les autres les mêmes mots, les mêmes doutes et... la même certitude de leur entreprise. Des auteurs de bande dessinée comme David B, Killoffer ou Pierre la Police sont représentés par des galeries d’art contemporain. »
La bande dessinée, « Versant éclairé » de l’art contemporain ?
Dans les années soixante, Warhol, Lichtenstein,... insistaient sur le côté populaire ("pop") de la BD en le magnifiant. Quand les artistes de BD font de l’art contemporain, le popularisent-ils ? Jean-Marc Thévenet a les idées bien arrêtées à ce sujet : « L’art contemporain, à tort ou à raison, a toujours su s’entourer d’un outil critique permettant de justifier assez souvent la raison d’être d’une oeuvre. Sur la vision de la bande dessinée du point de vue de Warhol ou de Lichtenstein, je suis assez sceptique. Je crois qu’ils s’en foutaient. Ils ont mis au point un discours qui leur a permis de décliner, surtout pour Lichtenstein, des oeuvres. Elles étaient Pop mais elles auraient pu être "Industry". Ils ont observé la bande dessinée par le prisme de la sous-culture et ont consenti par un geste artistique à en faire des oeuvres. Ces "gars" avaient vraiment le sens du business ! En bande dessinée, et au regard de son histoire, de la distance longtemps affichée à son encontre par les critiques d’art, il n’y a pas de tricherie. Je pense donc que les auteurs de bande dessinée ne popularisent pas l’art contemporain mais qu’ils pourraient en devenir un des versants éclairés. »
Il n’y a d’ailleurs pas que cette expo qui signale la présence de la bande dessinée dans ce salon. Par exemple, des galeries comme 9ème Art de Bernard Mahé ou encore la galerie Slomka de Francis Slomka auront un stand.
Ses choix se portent vers des signatures connues (dont le fameux Winshluss qui a reçu à Angoulême l’Essentiel d’or du premier album pour Pinocchio) mais aussi vers des artistes moins connus du grand public. Art contemporain oblige ? « Je me suis toujours passionné par les auteurs en devenir. J’ai retrouvé un vrai bonheur à Angoulême à découvrir des auteurs encore inconnus. J’ai eu l’impression de revenir aux années 80, lorsque je dirigeais, la mythique, Collection X chez Futuropolis version Étienne Robial. J’ai eu un véritable coup de cœur éditorial pour Joanna Hellgren qui dès qu’elle disposera d’un scénario solide fera un carton, pour Ilan Manouach avec son dessin si déroutant qu’il en est envoûtant. Quant à Conrad Botes, il est l’Artiste complet. Il est actuellement représenté à Cape Town par une galerie très pointue. Il emporte avec lui l’univers de Keith Haring et de Mariscal. C’est aussi le propos de cette exposition : donner une photo, subjective, en un instant T de la production de la bande dessinée dans sa dimension internationale. »
L’homme ne s’arrêtera d’ailleurs pas là puisque, comme nous vous l’avions annoncé, il travaille sur une grande rétrospective François Bourgeon qui devrait ouvrir ses portes en 2010.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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artparis 09
Grand Palais
Avenue Winston Churchill, 75008 Paris
19-22 mars, de 11h à 20h30, et le 23 mars, de 11h à 18h -15 €
(10 € : artistes et étudiants)
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