Romans Graphiques

La grande balade de Petros - Par Dimitri Mastoros & Angeliki Darlasi - Futuropolis

Par Philippe LEBAS le 24 mai 2022                      Lien  
RELTIH TUPAK. Derrière ces deux mots mystérieux se cache l'histoire de la Seconde Guerre mondiale vue de Grèce et vécue par un enfant, sa famille, ses amis, son quartier. D. Mastaros et A. Darlasi proposent dans ce roman graphique une très belle adaptation d'un roman jeunesse classique (pour les Grecs).

Petros, 9 ans, vit à Athènes, mais au pire moment : en 1940, quand la Grèce est saisie par les combats de la Seconde Guerre mondiale. On rappelle que ce sont les Italiens qui attaquent la petite Grèce en octobre 1940, sans être capables de la faire plier, suscitant l’intervention de leur allié nazi qui, lui, règle la question en quelques semaines à partir d’avril 1941. Ce qui est déterminant dans le cours de la guerre, puisque cette intervention contribue à retarder l’invasion de l’URSS, empêchant du même coup l’Allemagne de faire plier l’URSS avant l’hiver, le plus redoutable "général" comme on sait.
La grande balade de Petros - Par Dimitri Mastoros & Angeliki Darlasi - Futuropolis
C’est à hauteur d’enfance qu’on vit cette guerre en Grèce, assez méconnue vue de France. Tout comme l’est le roman dont est issue cette adaptation, un texte pour la jeunesse d’Alki Zei, qui a connu les événements et fut une résistante active, avant de devenir une écrivaine célèbre. Elle écrit l’ouvrage en 1971 et il devient culte en Grèce, beaucoup moins en France [1]. C’est aussi l’un des intérêts d’une adaptation littéraire : nous faire découvrir des textes méconnus, voire inconnus, et auxquels on n’aurait jamais été confrontés.

On y découvre donc le versant balkanique de la guerre, dans un pays jusqu’alors dirigé par un dictateur, et qui sombre dans les bras d’un autre, le pire qui soit. Dès lors, le quotidien s’en trouve profondément affecté, avec son cortège d’horreurs, d’exécutions, de chasse aux résistants, d’omniprésence de la faim, particulièrement importante dans cette partie de l’Europe occupée.

Au-delà des singularités de cette histoire grecque, c’est aussi le lot de toute guerre qui nous est conté ici. L’adoption d’un point de vue d’enfant le rend d’autant plus poignant, Petros découvre un monde auquel un enfant ne peut pas être préparé : la débrouille des uns des autres, la collaboration de certains, le danger funeste que constituait la judéité d’une amie de sa sœur et la mort bien sûr. Il essaie de survivre dans son monde brisé tout en conservant les joies et jeux de son âge. Ce regard d’enfant est empreint de la naïveté propre à cet âge, mais aussi de l’insoumission certaine devant l’abject. Plus encore, la guerre plonge rapidement Petros dans l’âge d’homme, le poussant à se révolter et à agir contre cet occupant nazi. Dès lors, l’horreur laisse aussi place à l’espoir, au combat (non par les armes certes, mais avec les mots la plupart du temps, qu’ils soient criés, comme le fameux RELTIH TUPAK, et plus encore écrits sur les murs, comme des mantras agissants).

Du texte original, un roman d’apprentissage accéléré, le scénariste Angeliki Darlasi, a conservé le découpage en quatre parties ainsi que l’essentiel de l’action et des dialogues. Il colle au plus près du texte et cela fonctionne bien, même si le texte et les dialogues sont denses, et donc bien parfois un peu petits et difficiles à déchiffrer. Graphiquement, l’adaptation par Dimitrios Mastaros [2], est vraiment très réussie, alternant de superbes crayonnés soit sur un fond blanc (pour les scènes de rêve notamment), soit réhaussés d’une gamme de gris, restituant au mieux l’ambiance crépusculaire de l’époque.

Parmi les (trop ?) nombreuses adaptations, celle-ci se distingue d’abord par le choix judicieux d’un roman peu connu portant sur un pays peu traité [3], mais aussi par la qualité des textes et du graphisme. Une belle réussite en somme.

(par Philippe LEBAS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782754833868

[1Il y fut traduit en 1976 puis édité en 1984 dans une version de poche pour la jeunesse, accompagnée de quelques illustrations en noir et blanc, selon l’usage de cette collection. Sauf erreur, on ne le trouve plus que d’occasion de nos jours.

[2Dont le père était ami avec la fille d’Alki Zei, ce qui a permis à D. Mastaros de passer un été entier dans la maison de vacances de la romancière, qu’il a ainsi pu rencontrer.

[3Dans son premier roman graphique Exarcheia, l’orange amère, paru aussi chez Futuropolis, en 2016, D. Mastoros, accompagné de N. Wouters au scénario, parlait aussi d’un quartier d’Athènes dans lequel il a vécu durant son adolescence.

Futuropolis ✍ Angeliki Darlasi ✏️ Dimitrios Mastaros Adaptation littéraire Histoire Grèce
 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Philippe LEBAS  
A LIRE AUSSI  
Romans Graphiques  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD