Arzach (toutes orthographes confondues) naquit avec le magazine Métal Hurlant. À trois cents années-lumière du Pilote dont ils provenaient, , Druillet, Moebius,... et d’autres, dont évidemment Forest, Gillon, Christin, Mézières et Bilal révolutionnèrent la bande dessinée en ouvrant un espace de liberté, un genre lui-aussi décrié, sans comparaison avec ce qui s’était fait précédemment.
L’une des gemmes mythiques du début de ce mensuel né en janvier 1975 fut celle de Moebius dans laquelle un humanoïde ténébreux chevauchait un ptérodactyle. Ces bandes muettes se caractérisaient également par un graphisme impérial et novateur et un regard distancié du personnage principal. Que cela soit en Europe, aux États-Unis ou en Asie, cela ne s’était jamais vu. Arzach conquit progressivement les cinq continents, bâtissant la légende de Moebius.
Cette légende, cette bande, nombreux sont ceux qui la connaissent, mais trente-cinq après ce bouleversement, une bonne part seront déstabilisés en découvrant la nouvelle mouture d’un personnage bien plus humain et moins silencieux qu’attendu, ouvrant sa pensée au lecteur par de nombreux (et parfois longs) monologues ou discussions parfois très articulées. On est donc très loin des courts récits où le lecteur pouvait s’identifier personnellement aux agissements de l’humanoïde en terre inconnue.
Pourtant, on l’a peut-être perdu de vue, Arzach avait évolué progressivement pendant ces trente-cinq ans, sous l’impulsion de Moebius lui-même. Tout d’abord sous la forme de courts-métrages, puis dans les propres carnets de l’auteur nommés Inside Moebius, dans lequel le personnage prenait la parole, renvoyant son créateur à sa responsabilité, c’est-à-dire celle de le faire vivre et de le faire évoluer. C’est en suivant un cheminement compréhensible que Moebius reprit un projet originellement prévu pour l’animation pour réaliser ce triptyque, même si le grand public n’a pas toujours eu connaissance de ces étapes intermédiaires (y compris un tirage noir et blanc en 2009 qui proposait des images muettes d’un côté, et les textes de l’autre).
Si l’auteur s’attarde parfois longuement dans quelques dialogues , on ne peut nier la qualité ni les nombreuses références qui s’en dégagent. Moebius reprend des thématiques souvent abordées (La Citadelle aveugle, Escale sur Pharagonescia, etc.), mais intègre surtout à son univers les codes du western propres à Gir. En icomparant les Extra-terrestres aux Indiens, Arzach devient un Blueberry chevauchant près de la frontière et combattant des desperados amateurs de scalps. La beauté des grands paysages confirme cette identification, et le héros aux prises avec un village ayant tourné casaque sous la houlette d’un nouveau shérif est une relecture jubilatoire du classique de Charlier et Gir sous ce nouvel angle de vue.
Malgré un héros trop lisse, hésitant encore entre le caractère renfrogné originel et une mission plutôt floue, Moebius nous livre un western-SF prenant, pourtant incomparable au mythe premier. Cette version couleur grand format ravira les acquéreurs du premier tirage, en particulier grâce aux seize pages bonus proposant des peintures et l’explication de la genèse du récit, par Moebius himself.
(par Charles-Louis Detournay)
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L’exposition-vente se déroule jusqu’au 31 décembre, du mardi au samedi, de 14 à 20h (18h le dimanche) à la galerie Slomka, 3, rue de Dante à 75005 Paris.
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