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La rentrée de Joann Sfar s’éclaire aux Lumières de la France

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 août 2011                      Lien  
Toujours actif, Joann Sfar nous propose une relecture des Lumières sur le ton du badinage qui est sa marque de fabrique. Pour brouiller le caractère sérieux de son sujet, il pimente son récit d’une pointe de polissonnerie qui dresse le portrait saisissant du siècle qui enfanta la Révolution et les Droits de l’Homme.

La rentrée de Joann Sfar est consacrée au Grand Siècle, celui des Lumières, de Rousseau, de Voltaire, de Diderot qui éclaira le monde de sa pensée humaniste, matrice d’un « esprit » français qui se caractérise par son espièglerie compassée, un pétillement charmant et joli, souvent trempé d’hypocrisie.

Ce siècle-là est ambigu, il n’envisage pas, comme peut le faire un lecteur contemporain, la chute brutale de l’ancien régime, cette rupture radicale impulsée par le Révolution française. Ses esprits les plus fins n’ont alors que la philosophie à opposer à l’obscurantisme. Le fait est que leurs arguties ont changé les esprits au-delà de ce qu’ils imaginaient.

Voltaire est à l’évidence le modèle du héros de cette nouvelle histoire de Joann Sfar. Il est le prototype de ces grands esprits marqués de contradictions : ce défenseur de la liberté de pensée n’a eu de cesse de fréquenter les grands de ce monde en courtisan averti et avide de privilèges. Le comte de Ferney écrit un traité sur la tolérance tout en spéculant, si l’on en croit certains auteurs, sur la traite négrière. Les préjugés racistes de l’auteur de Candide sont évidents pour qui le lit. Les « nègres » ont droit aux opinions les plus absurdes et ne sont rien moins que des animaux curieux. Quant aux Juifs, il regrette qu’ils ne soient pas anthropophages pour qu’on puisse les détester sans réserve.

La rentrée de Joann Sfar s'éclaire aux Lumières de la France
"Les Lumières de la France T1 : La Comtesse Éponyme", par Joann Sfar
(C) Joann Sfar & Dargaud

Que cela séduise ou irrite, Sfar a le tempo rapide. Son trait tient du croquis à la Quentin Blake et, plus cela va, plus il donne l’impression de la décontraction. Sa façon de raconter des histoires est au diapason : récits gigognes, dialogues enjoués et badins, digressions multiples… Sfar nous conte son histoire sans temps mort, comme le ferait un enfant qui ne reprend pas son souffle. Cela nuit au récit quelquefois lequel n’évite pas une certaine forme de cabotinage voire de pédantisme.

"Les Lumières de la France T1 : La Comtesse Éponyme", par Joann Sfar
(C) Joann Sfar & Dargaud

Mais c’est toujours éclairant, car par cette naïveté par trop feinte, Sfar fait vaciller certaines icônes bien établies et remet de la complexité dans quelques idées simples. Une démarche toujours salutaire.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Les Lumières de la France T1 : La Comtesse éponyme. Par Joann Sfar - Éditions Dargaud.

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✏️ Joann Sfar
 
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14 Messages :
  • ce défenseur de la liberté de pensée n’a au de cesse => eu de cesse

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    • Répondu par Actuabd.com le 24 août 2011 à  14:14 :

      Mais. Oui. C’est corrigé. Merci

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  • Mais c’est toujours éclairant, car par cette naïveté par trop feinte, Sfar fait vaciller certaines icônes bien établies et remet de la complexité dans quelques idées simples. Une démarche toujours salutaire.

    si le démarche part certainement d’une bonne intention, l’adage rappelle aussi que l’enfer en est pavé

    Le danger d’utiliser cette naïveté feinte c’est d’avoir à faire à des lecteurs ’naïfs’ et que le message soit pris au premier degré sur un sujet dense et complexe. Comme vous le dites fort justement c’est la qualificatif d’"ambigu" qui est approprié tant au siècle qu’au récit qui en est fait. Le thème ramène toujours à une question fondamentale : que ferions-nous dans une telle situation ?

    Ses esprits les plus fins n’ont alors que la philosophie à opposer à l’obscurantisme.

    les leçons de l’Histoire sont-elle retenues ?

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    • Répondu le 24 août 2011 à  15:33 :

      c’est d’avoir à faire à des lecteurs ’naïfs’ et que le message soit pris au premier degré

      Cette tentation de toujours prendre les lecteurs (les autres bien sur, jamais soi-même) pour des idiots...

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      • Répondu le 24 août 2011 à  16:26 :

        je n’ai heureusement pas la prétention de m’exclure >>> je suis aussi un lecteur et il m’arrive effectivement d’être naïf :-)

        je voulais juste souligner qu’à mon sens vouloir teinter un thème majeur et important (quel qu’il soit) d’un brouillard de naïveté me semble... naïf.

        Comme l’indique Didier Pasamonik

        Sfar nous conte son histoire sans temps mort, comme le ferait un enfant qui ne reprend pas son souffle. Cela nuit au récit quelquefois lequel n’évite pas une certaine forme de cabotinage voire de pédantisme.

        je doute qu’il s’agisse du meilleur moyen de traiter ce tournant de notre histoire. Naïvement, peut-être.

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        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 août 2011 à  16:53 :

          Ah, cette petite clique de détracteurs de Sfar... On y a droit à chaque fois.

          Et qu’on te sort une phrase de son contexte pour balancer une opinion bien entendu négative et définitive sans même sans doute avoir lu l’album.

          Je crois que j’ai le droit de mettre des bémols dans une chronique qui est globalement positive, renvoyant le lecteur à son propre jugement.

          Votre lecture est en effet loin d’être naïve : elle est complètement à charge.

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          • Répondu le 24 août 2011 à  17:22 :

            Ah, cette petite clique de détracteurs de Sfar...

            il me semble que le libellé ci-dessus indique " Participez à la discussion " et non pas "Vénérez et adorez Sfar" ?

            Effectivement j’apprécie assez peu son oeuvre sans cependant lui reconnaître du talent indéniable, ne vous y trompez pas. Je n’ai pas lu l’album et n’envisage pas particulièrement de le faire ; opinion que votre article, dans son ensemble, conforte tout en adhérant à votre conclusion : il s’agit d’une "Une démarche toujours salutaire."

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            • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 août 2011 à  22:44 :

              il me semble que le libellé ci-dessus indique " Participez à la discussion " et non pas "Vénérez et adorez Sfar"

              Ah mais, je ne vous interdis pas de participer à la discussion. La preuve, votre message est passé, ce qui n’est pas le cas d’autres messages bien plus insultants modérés a priori par la rédaction.

              Je constate qu’à chaque article sur Sfar, nous avons droit à ce genre de formule :

              "Je n’ai pas lu l’album et n’envisage pas particulièrement de le faire".

              Est-il possible de faire une déclaration plus mesquine ?

              Mais cela ne vous empêche pas de déverser votre fiel, avec une ignorance assumée puisque, vous l’avouez vous-même, vous n’avez pas lu.

              Absence de curiosité, absence d’esprit critique, lecture biaisée et abusive de l’article. Avec, quand bien même, l’arrogance d’une conclusion définitive. Et complaisant dans la sottise avec ça.

              Je ne défends même pas Sfar en disant cela, il est assez grand pour assumer cela seul et son succès lui tient de plébiscite.

              Je ne fais que constater à quel point certains lecteurs ont une attitude désolante, c’est tout.

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              • Répondu par Yo le 24 août 2011 à  23:22 :

                Je vais peser mes mots afin de ne pas vous froisser puisque visiblement, votre discours donne l’impression d’être quelque peu tendu...
                "son succès lui tient de plébiscite"
                Quels chiffres pouvez-vous nous donner pour pouvoir assurer cela. Comprenez bien, nous sommes dans ce qui ressemble à un débat d’opinion, mais j’ai pris pour habitude de toujours me méfier des grandes phrases lancé avec assurance sans aucun moyen de vérifier quoique ce soit. En terme de plébiscite médiatique, nul doute, Sfar aujourd’hui occupe quasiment à lui seul cet espace. Mais en terme de chiffre de vente ??
                "Je ne fais que constater à quel point certains lecteurs ont une attitude désolante, c’est tout."
                Ce qui est tout aussi désolant, c’est de "fusiller" un forumeur qui n’est pas d’accord avec vous. Entre nous, l’arrogance avec lequel vous traiter ce cher anonyme ("Absence de curiosité, absence d’esprit critique") n’est pas très éloigné de "l’arrogance d’une conclusion définitive" que vous lui reprochez. Et comme on dit par chez moi, c’est l’hôpital qui se fout de la charité...

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                • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 août 2011 à  23:55 :

                  Oh, le pauvre forumeur tout mignon avec sa coquille de Caliméro sur la tête qui vient exiger des "preuves" du succès de Sfar (comme si ce n’était pas une évidence) tout en affirmant, sans l’ombre d’une preuve pour sa part, que celui-ci "occupe tout l’espace médiatique", sur le mode "ils sont partout".

                  Vous tenez à personnaliser le débat et il est évident que vous cherchez des noises de façon nauséabonde. Vous trouverez peut-être cela arrogant, mais j’ai mieux à faire que de répondre à vos babillages.

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                  • Répondu par Helene le 8 septembre 2011 à  14:19 :

                    Les pages que j’ai feuilleté de la BD : "Les lumières de france" (avec "Branchage" qui semble tout droit sorti "d’Avatar") ça ne m’a pas donné envie. La couverture non plus. Je ne dis pas que je n’aime pas, je parle du désir.

                    Je vois bien aussi, depuis qques années, que les BD de Sfar (+ film "gainsbourg", pas vu "Chat du rabbin") m’ont ennuyées, parfois énervées, j’ai mes raisons, mon avis, j’y peux rien, c’est comme ça...
                    Vous oubliez que c’est super cher une bédé !!! J’ai peu d’argent alors la dernière fois, j’ai mis mes euros dans "the social network", voilà, je m’éloigne...

                    Et plein plein d’autres gens, se rapprochent de lui avec ces expos, ces films, ect... c’est tout un nouveau public, très nombreux, plein d’envies de découvrir quelque chose de nouveau. Donc oui c’est évident que les chiffres de vente explosent en ce moment vu qu’il devient plus visible.
                    Mais c’est vrai qu’autour de moi, dans mon petit cercle, on ne parle plus de J Sfar.
                    De tte façon Joann explique très bien sur son blog qu’il n’écoute pas les gens, que ce qu’on peut penser de son travail ne l’intéresse pas, qu’il n’a pas les mêmes goûts que ces lecteurs et

                    qu’il fait les bd qu’il aime ! Des bd qui lui plaise à lui.

                    Comme on dit "chacun sa route, chacun..."
                    Sur son blog il juge "conan le barbare", certains jugent ces bd... c’est la vie non ?

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  • C’est vraiment devenu n’importe quoi son dessin à Sfar. Il a tellement baclé ces dernières années qu’il doit être incapable de retrouver un niveau convenable, c’est bien triste parce que ça avait de l’allure ce qu’il faisait avant.

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    • Répondu par jimi le 24 août 2011 à  18:58 :

      Cette remarque me permet de regarder un peu plus les vignettes proposées dans l’article et en fait effectivement il semble que son dessin évolue ..et il me rappelle ( je sens que je vais me faire taper ) celui de Jano avec son keubla et Kebra ..??..

      Et son dessin à Jano il n’était pas bâclé , je le trouvais super cool et sympa .D’ailleurs au passage même si beaucoup trouveront Kebra et Keubla de base , je pense qu’aujourd’hui , si on relit ses albums à Jano , il sont le reflet d’un état d’esprit de l’époque et de celui de la bd de cette époque.

      Bon j’ai fait un grand écart entre Jano et Sfar , tout ça pour dire que ce n’est pas le dessin de Sfar qui me gène mais les sujets qu’il choisit , mais ceci ne regarde que lui , il est libre le type ...

      voilà...

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    • Répondu par DS le 5 septembre 2011 à  09:39 :

      Je ne suis pas d’accord avec vous sur ce point là, je trouve que le dessin de Sfar est justement très impressionnant par rapport à d’autres styles existants. Ce n’est pas toujours très réaliste mais il y a dans le trait quelque chose qui reflète très bien la réalité. Il n’a pas besoin de s’encombrer avec beaucoup de détail pour que son dessin soit efficace et explicite. Par contre c’est peut-être la couleur, dans cette bande dessinée, qui change quelque peu. Je la trouve très vive par rapport à d’autres œuvres de Sfar.

      Enfin bon, en tout cas j’ai hâte de voir ce que donne cette BD qui m’a l’air intéressante.

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