« Une bande dessinée, quoi ? Non » affirme Cavanna dans la préface. Il parle de « griffonnages », de « texte qui se faufile », de « dessin qui prolonge naturellement l’écrit ». Le (sympathique) vieux barbon de Charlie Hebdo a eu un tel plaisir littéraire en lisant ce livre qu’il en récuse le terme de « bande dessinée » pour le décrire, sans doute pour essayer de conférer une noblesse pour ce que le quidam distrait pourrait prendre pour un petit miquet. Désolé Cavanna, mais tu te trompes. Ceci est une bande dessinée et du meilleur genre : Ellipses, récitatifs, bulles de textes, ironie graphique en contrepoint du texte, effets cinétiques, rien ne vient contredire les définitions les plus courantes du médium. C’est pourquoi tu ne nous l’enlèveras pas. D’autant que le plaisir et le talent sont à chaque page.
Du Roman de Renart à Chrétien de Troyes, de Molière à Voltaire, de Proust à Céline, d’Albert Camus à Marguerite Duras, elles sont toutes là les figures littéraires, brossées à grands traits mais aussi avec de fines notations par Catherine Meurisse, l’une des signatures les plus redoutées de Charlie Hebdo.
C’est magnifiquement raconté, intelligent jusqu’au bout du trait et délicieusement instructif. Fourmillant d’anecdotes, cette revisitation de l’histoire littéraire caractérise de façon synthétique et brillante chacun des grands auteurs de la littérature française.
Le plaisir du texte déborde du dessin, Cavanna l’a bien ressenti, mais l’imagerie mise en place par Catherine Meurisse désacralise précisément ces grands noms qui, parfois, font peur. La caricature n’est pas ici une charge qui peut détruire une réputation d’un seul trait au vitriol, elle synthétise au contraire, et à la perfection, ce qui a d’humain et d’attachant dans chacun de ces grands hommes.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Mes hommes de lettres – Par Catherine Meurisse – Ed. Sarbacane