On connaît la sentence célèbre du Christ dans l’Évangile selon Saint-Jean : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres… » (Jn, 8-12).
À l’imitation de Jésus-Christ succède celle du créateur du Marsupilami. L’importance d’un créateur se mesure par son influence sur les générations d’auteurs qui le suivent. Dans l’École belge, celle d’André Franquin fait jeu égal avec Hergé, Jacobs ou Vandersteen. Beaucoup d’auteurs de grand talent se sont mis dans la lumière du grand homme : Batem, Colman, Tome & Janry, mais aussi Bar2, Conrad... Ce sont des créateurs au talent incontestable. Franquin lui-même a accompagné l’éclosion de dessinateurs qui s’inscrivaient dans sa lignée : de Peyo à Wasterlain, de Frédéric Jannin à Frank Pé ou Philippe Bercovici.
D’autres lui faisaient grincer les dents, comme Seron, l’auteur des Petits Hommes. « - Celui-là, il m’a volé un porte-avion ! » s’était-il exclamé en voyant que dans sa série, il avait plagié le gros bateau qu’il avait dessiné, au trait près…
D’une manière générale, Franquin ne comprenait pas qu’on s’approprie son style. Après une rencontre, très agréable, avec Yves Chaland, il exprima une réelle stupéfaction devant un travail qui s’inspirait autant du sien : « Je ne comprends pas, me confia-t-il, comment un dessinateur qui a un tel talent s’encombre d’un vieux style dont je me suis débarrassé depuis vingt ans ! »
Il estimait que le dessin devait exprimer la personnalité intrinsèque, l’âme, du créateur et il a été à ce titre l’un des premiers à défendre Jean-Claude Fournier, son successeur sur Spirou, précisément parce qu’il se détachait de son propre dessin.
Dans le cas de Delaf, incontestablement, on reconnaît la patte du Canadien et son respect pour Franquin est absolument sincère. Mais il y a le procédé. Sa déclaration a aussitôt mis les fans de Franquin sur la piste des copiés-collés. Sur le fil de la page Facebook Fans d’André Franquin, Jérôme Dauphin, Fabrice Arzeno ou João Morais Ribeiro se sont mis à chercher et ont repéré quelques-unes des 10 000 « références » de Delaf. Et on parle ici des références graphiques. Car pour la mécanique du gag, on imagine une préparation semblable. On est donc loin de l’appropriation d’un auteur par un autre comme lorsque Franquin reprit Spirou des mains de Jijé...
Entre le respect revendiqué et la nécessité de rester le plus possible conforme au « produit », où s’inscrit la frontière entre l’originalité et le plagiat ? La question se pose. Elle est aussi difficile à résoudre que celle de savoir si cette reprise est une idée brillante ou… une gaffe.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion