Le seul reproche que l’on puisse faire au livre, c’est son titre : La véritable histoire de Futuropolis. Ce n’est effectivement pas un livre historique et la formulation laisse entendre qu’il courrait sur ce label une histoire qui n’est pas vraie. Or, ce n’est pas le cas, les seules histoires de Futuropolis qui aient été livrées au public sont des documents produits par Étienne Robial lui-même à l’occasion d’expositions-anniversaire. De plus, même si l’exercice est attachant, il ressort davantage du livre de souvenir que du manuel d’histoire.
Pour le reste, on parcourra avec plaisir et même un peu de nostalgie les quelques trente années des aventures du label du 130 rue du théâtre, d’abord une librairie spécialisée en BD fondée par Robert Roquemartine (et qui n’est pas « la première librairie spécialisée de bande dessinée » contrairement à ce qu’annonce la 4ème de couverture), puis un catalogue de rééditions de classiques américains (La collection Copyright) et bientôt le rendez-vous de la nouvelle vague des dessinateurs des années 70 et 80, avec Tardi en figure de proue. On voit défiler autour d’Étienne Robial et de Florence Cestac une galerie de personnages connus : Edmond Baudoin, Bilal, Jean-Claude Denis, le groupe Bazooka, Joost Swarte, Claude Dityvon, Charlie Schlingo et même Jean-Marc Thévenet, directeur de la collection X (non, ce n’était pas un truc porno) avant de devenir un jour le directeur du Festival International de la BD à Angoulême.
Fin de partie
Le récit, parfois, est proche du private joke mais constitue une amusante description de l’histoire d’une petite maison indépendante partagée entre les affres du commerce (longtemps, le label avait sa propre diffusion ; la décision de confier celle-ci à un gros diffuseur le mena à sa perte) et les frissons de la création. L’histoire se termine lorsque Robial, graphiste maintenant réputé, est appelé à faire le logo et l’habillage graphique de la chaîne de télé Canal +. Dans la foulée, il crée un studio de graphisme qui réalisera les logos de M6 et de "Ca se discute", entre autres choses. C’est le début de la fin pour le label parisien, son timonier ayant choisi de conduire une autre galère. L’aventure Futuropolis « première époque » se terminera pas une cession des parts, pour un franc, à son principal créancier, un certain… Gallimard.
Il en résulte une vision bon enfant et, puisque nous sommes dans une BD de Cestac, très « gros nez » du métier, une sorte d’album de famille que l’on feuillette en écoutant les commentaires de l’auteur des clichés.
Un titre polysémique
Une démonstration, cependant, sous-tend l’exercice et nous devons à nos lecteurs de la contextualiser. Comme au moyen-âge, une hagiographie a toujours un but : celui de transmettre aux générations futures une image profilée de la « vraie foi ». Dans le contexte de la joint-venture entre Soleil et Gallimard pour la réhabilitation du label Futuropolis, une équipée jusqu’ici brillamment menée par Sébastien Gnaedig, on se souvient qu’Étienne Robial avait lancé un anathème contre cette opération. Par ailleurs, Jean-Christophe Menu avait en son temps également saisi la plume pour invectiver avec la verve qu’on lui connaît ce label qu’il accusait de marcher sur ses « plates-bandes ». Cette guéguerre n’est pas absente de ce volume qui adoube l’Association comme « dignes héritiers de l’esprit Futuro ». On comprend mieux maintenant le sens du titre. La « véritable histoire » [1] est la rencontre entre un éditeur défunt qui cherche à se survivre et un label d’aujourd’hui qui se cherche une légitimité dans le passé. Une opération de communication en quelque sorte. Non ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : Florence Cestac. Photo : Didier Pasamonik
[1] Les initiés ont évidemment compris qu’il s’agit d’une allusion à l’ouvrage de Tardi publié par Futuropolis : La véritable histoire du soldat inconnu. Le "soldat inconnu" étant Florence Cestac ? C’est une autre lecture de ce titre énigmatique.
Participez à la discussion