C’est ce qui arrive à Sexton, un jeune new-yorkais mal dans sa peau, en pleine phase d’incommunicabilité avec ses parents, souffre-douleur de ses camarades de lycée et transparent aux jeunes filles qu’il fréquente. Sa vie n’a pas de prix, pense-t-il.
Et puis là, il rencontre Didi qui n’a pas exactement le profil que la caricature donne à la Grande Faucheuse. Elle n’est pas la seule à avoir traversé le miroir. D’autres êtres un peu branques circulent dans les coulisses de la ville. Certains les perçoivent, d’autres non. Didi vient-elle chercher Sexton ? Non, son heure n’est pas venue. C’est son quart d’heure à elle : Elle est ici pour goûter un moment à la vie, histoire de se rappeler la saveur d’un petit-déjeûner pris au petit matin, servi par un commerçant adorable, d’entendre le rire d’un enfant, une chanson futile, ou de profiter du plaisir simple de prendre le taxi… Sa rencontre avec Sexton sauve littéralement l’adolescent d’un mortel ennui.
Le script de Neil Gaiman est un impeccable conte philosophique fait de petits riens qui sont autant de raisons de vivre. Il arpège à merveille sur les mille et uns sentiments de l’adolescence, en particulier ceux qui construisent un mal de vivre qui vous pourrit l’existence. La confrontation entre l’ado qui se sent inutile et le paraplégique dans sa chaise roulante symbolise à lui seul le questionnement qui parcourt l’album : quel est le prix d’une vie ? Pour en remettre une couche, dans le dernier chapitre, la mort elle-même donne au lecteur quelques conseils de prévention contre le SIDA.
Si tout l’album est redevable au dessin parfaitement efficace de Chris Bachalo, les dernières pages dues à Dave McKean (également l’auteur de la couverture et du design général de l’ouvrage) ajoutent à l’élégance générale de ce récit remarquable issu de la plume de l’un des précieux scénaristes d’aujourd’hui.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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