Lancé début 2013, Kaboom paraît selon un rythme trimestriel. La revue en est aujourd’hui au septième numéro, daté de novembre 2014 à janvier 2015. Le principe premier du magazine depuis sa création consiste à donner la parole aux auteurs au cours de longs entretiens tachant de refléter toute la diversité de la création internationale en bande dessinée.
La revue s’inscrit dans un ensemble précis au sein du paysage de la création française en matière de littérature et de bande dessinée. En effet, son directeur de publication n’est autre que Benoît Maurer et sa structure de diffusion de presse 2B2M qui se charge aussi de Chronic’art, connu en tant que directeur de IMHO côté manga et cofondateur d’Inculte, revue puis maison d’édition de référence en littérature depuis une dizaine d’années.
Stéphane Beaujean, l’un des trois programmateurs artistiques actuels du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, assure quant à lui le statut de rédacteur en chef de Kaboom, secondé par Victor Maas. On retrouve très régulièrement certains noms de spécialistes reconnus de la bande dessinée comme un certain... Benoît Mouchart, l’ancien directeur artistique du FIBD devenu directeur éditorial chez Casterman, que nous avons en outre récemment interviewé.
Les numéros se trouvent construits soit autour d’un auteur-phare objet d’un entretien-fleuve - ce fut le cas avec Chris Ware dans le n°1, avec Daniel Clowes dans le n°3 ou encore Moebius dans le n°5 - soit à partir d’un dossier thématique : la guerre dans le n°4, apprendre la bande dessinée dans le n°6 et les orphelins dans le n°7.
Si les entretiens occupent la plus grande partie de la revue, plusieurs rubriques organisent chaque numéro : la rubrique "Magazine" mêlant rencontres et analyses d’auteurs, de séries ou d’œuvres majeures du neuvième art, comme Leo, Tif et Tondu , Boule et Bill ou Prince Valiant ; ou la rubrique "Perspective" axée sur l’actualité de la bande dessinée.
Le monde de la bande dessinée se voit organisé dans la revue principalement autour de trois pôles : France, Japon et États-Unis, qui correspondent à ses plus grandes traditions de création, et que l’on retrouve explicitement nommés dans "Tendances", la rubrique qui ouvre chaque numéro de Kaboom. Cette prise en compte de la BD à échelle mondiale autour de ces trois pôles infuse dès lors tout le reste de la revue construite autour des entretiens réalisés.
Le magazine, voilà son grand mérite et ce qui le distingue, offre ainsi au lecteur francophone des entretiens avec des auteurs étrangers à la sphère franco-belge. D’ailleurs, le n°2 de la revue fut un numéro spécial Comics et Manga, ayant deux couvertures alternatives, l’une avec Superman, l’autre avec Hokuto no Ken.
Pensez donc : depuis son lancement, l’équipe de Kaboom a rencontré, côté manga et liste non exhaustive, Katsuhiro Otomo, Naoki Urasawa, Takehiko Inoue, les auteurs du Garo, Usamaru Furuya, Takeshi Obata, Ryôsuke Takeuchi, Taiyou Matsumoto, Kengo Hanazawa, Gengoroh Tagame, Makoto Tezuka, Bonten Tarô, Eiji Otsuka ou encore Kazuo Koike.
Et du côté du domaine anglo-saxon : Chris Ware, Daniel Clowes, Chip Kidd, Ben Katchor, Brian K. Vaughan, Don Rosa, Joe Matt, Peter Blegvad, Richard Corben, Art Spiegelman, Paul Auster, David Mazzucchelli, Paul Karasik, Joff Winterhart, Chris Claremont, Chester Brown ou Joe Sacco. Voilà du beau monde !
Le numéro 7, novembre 2014 - janvier 2015, ne déroge pas à la règle et offre quelques lectures et découvertes d’exception.
Son dossier, consacré aux orphelins dans la bande dessinée, comprend donc des entretiens avec Taiyou Matsumoto, Carlos Giménez, Alain Dodier, Frank Le Gall, Henry Darger. On y trouve également un article sur les liens entre statuts de superhéros et d’orphelin dans les comics.
Deux événements complètent ce dossier. Tout d’abord un entretien avec Masashi Kishimoto, auteur de Naruto, manga-phare de notre époque qui vient de s’achever. Sans être sur le fond exceptionnel, à la différence de l’entretien avec Taiyou Matsumoto qui s’avère une merveille de finesse et d’intelligence, le seul fait d’avoir obtenu un échange avec un auteur du Jump alors encore en phase de production, et un accord pour illustrer de si belle manière l’entretien relève de l’exploit, ce qu’il faut saluer.
En outre, Kaboom traduit la préface écrite par Chris Ware en 2005 pour le premier volume de l’édition américaine Gazoline Alley, par Frank King. On découvrira également une planche dans laquelle Chris Ware rend hommage à son auteur fétiche et quelques planches en français de Gasoline Alley. Un régal.
Côté "Avant-première", la revue s’attarde sur Vous êtes tous jaloux de mon Jetpack, de Tom Gauld (que nous vous présentions ici), sur le tome 4 d’Aâma de Frederick Peeters (c’est par ici) et sur le Petit Livre de la bande dessinée de Hervé Bourhis et Terreur Graphique (c’est par là).
Enfin, c’est du côté de la rubrique magazine que le lecteur découvrira quelques pépites. D’abord un ancien entretien, de 1997, de Hermann par Benoît Mouchart. Ensuite une analyse par Joseph Ghosn du travail de Jim Starlin, notamment autour de Captain Marvel et d’Adam Warlock. Enfin un riche et passionnant entretien avec Bernadette Després, la dessinatrice de Tom-Tom et Nana, la bande dessinée pour enfants de J’aime lire.
On le voit bien : si Kaboom paraît de prime abord orienté vers le versant indépendant ou artiste de la bande dessinée, celui qui s’adresse aux adultes pour ne pas dire aux esthètes et aux intellos, le magazine n’en oublie absolument pas les différents publics qui font le succès du neuvième art, qu’il s’agisse de celui des enfants ou de celui des adolescents. Ce qui rend la revue pertinente et même assez indispensable.
Voir en ligne : Le site de Kaboom
(par Aurélien Pigeat)
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