« Winch » est un mot anglais pour désigner le cabestan, un treuil qui, sur un bateau, permet de lever facilement l’ancre ou de lourdes voiles. Avec sa manière décontractée de naviguer dans les eaux troubles de la finance, l’héritier de Nero Winch a fait de même au cinéma en hissant la bande dessinée franco-belge au statut de source « bankable » du 7e art.
La relation de Jean Van Hamme avec les salles obscures remonte à loin. On se rappelle qu’il fut le scénariste de Diva (1981), le premier grand succès de Jean-Jacques Beineix. Une incursion réussie pour le jeune scénariste belge qui n’en était pas à son coup d’essai : avant cela, il avait écrit deux films de télé : San Francisco (réal : Freddy Charles, 1979) et Jackson et le mnémocide (Réal : Jean-Louis Colmant, 1979). Il écrit ensuite Meurtre à domicile pour Marc Lobet (1982) d’après une nouvelle de Thomas Owen.
Il se consacre ensuite pleinement à la littérature et la bande dessinée jusqu’en 1996 où il a l’occasion d’adapter la série des Steenfort (avec Vallès au dessin, chez Glénat). Après, cela s’enchaîne : feuilleton TV pour Largo Winch en 2001 (dessins de Philippe Francq, Dupuis), film tiré de Lune de Guerre (avec Hermann chez Dupuis, 2005) le feuilleton XIII (dessins de William Vance, chez Dargaud) en 2008, le film Largo Winch I en 2008, la suite arrivant aujourd’hui.
Entre-Temps, Jean Van Hamme a été président d’honneur du Forum Cinéma & Littérature de Monaco 2010. Les projets, de Thorgal à Rani, ne manquent pas. On n’avait pas connu un tel succès cinématographique pour un auteur de BD francophone depuis Goscinny !
L’avant-première du film Largo Winch 2 a eu lieu à Angoulême fin janvier. Le Festival en a profité pour mettre en avant ses auteurs, échappant pour un instant grâce à eux à l’étiquette « élitiste », tandis que la Caisse d’Epargne faisait campagne profitant de l’aubaine d’avoir sous la main un milliardaire altruiste, fut-il de papier.
Ce qui frappe, c’est la bataille rangée des critiques autour du film. Lundi encore, dans l’émission de Michel Field « Au Field de la nuit » sur TF1, la chroniqueuse Wendy Bouchard diagnostiquait devant Tomer Sisley qui incarne le héros à l’écran, que « les fans seraient déçus » par ce qu’elle considère comme un très bon film mais qui n’est pas conforme à la bande dessinée. Pédagogue, l’acteur lui expliqua que si les gens allaient au cinéma pour y revoir la BD qu’ils ont lue, ce n’était pas la peine et qu’il fallait parfois s’écarter du sujet pour mieux pouvoir l’adapter. Il insista sur le fait que l’esprit du personnage était parfaitement respecté.
Ce n’est pas faux, avec ce qu’il a de désuet, son côté boy scout et cette naïveté de croire que c’est en se débarrassant de sa fortune qu’il s’évitera des ennuis. On peut paraphraser Brillat-Savarin dans La Physiologe du goût en disant qu’un Largo Winch sans emmerdes serait « comme une belle à qui il manque un œil ».
Bien sûr les amateurs lèveront le sourcil en retrouvant Simon Ovronnaz dans cet épisode alors qu’il avait été sacrifié dans les précédents. On y voit un majordome sorti tout droit du Magicien d’Oz et Largo Winch faisant l’enfant, ceux qui auront vu le film comprendront ce que je veux dire.
Quant à la « pulpeuse » et « professionnelle » Sharon Stone, elle est le produit d’appel nécessaire pour attirer le badaud. Laurent Terzieff en revanche, dont c’est le dernier grand rôle, est inoubliable en vieillard au seuil de la mort, jouant dans une fiction avec ce qui est pour lui une réalité.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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A partir de mercredi 16 février dans les salles. En Belgique, le film sortira le mercredi 23 février.
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