Voilà un auteur qui facilite le travail des chroniqueurs : en sous-titrant son roman graphique "Western tortilla à l’eau de rose", Pastor annonce la couleur, si on peut parler ainsi d’un album en noir et blanc.
Pourtant Las Rosas ne se restreint pas à une jolie formule. Le récit doit autant au roman noir qu’aux auteurs dépressifs à la Carver. Dans une ville mexicaine lourdement clouée au fond d’un vrai désert social, Rosa vient poser son lourd fardeau (un enfant non désiré en gestation) au milieu des autres roses fanées de la cité, qui vit au ralenti sous le regard bienveillant d’un shérif à la fois lourdaud et fleur bleue. Et alcoolique aussi. En apprenant à connaître ses nouvelles voisines, Rosa la cafardeuse va croire à nouveau en l’être humain. D’autant qu’un beau jeune homme débarque dans la communauté féminine...
A la fois romanesque et très réaliste, Las Rosas, comme les deux précédents albums de Pastor, Hotel Koral et Ice Cream, impose un style inédit, d’autant plus que le dessin s’appuie sur des trames à la japonaise autant que sur une utilisation parcimonieuse de noirs massifs, ajoutant à la puissance des scènes-clé.
Et comment ne pas évoquer le texte de l’auteur, qui s’étend parfois dans des narratifs un peu longs, mais offre de savoureuses banderilles, telle cette description de la communauté des femmes : « Un tas d’histoires tristes, jetées dans le désert pour y être brulées. » Ou encore, ce dialogue, quand Rosa enceinte répond à l’inévitable question de la patronne du bar :
« -Y’a un père ? - Non. On peut dire ça comme ça : Y’avait une bite, mais pas de père ! »
Cette violence qui parcourt l’album croise une grande finesse psychologique où tous les protagonistes échappent brillamment aux stéréotypes, un constat valide autant pour les hommes que pour les femmes. De quoi faire un roman tout court, voire même un film marquant.
(par David TAUGIS)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Commander ce livre chez Amazon
Commander ce livre à la FNAC
lire la chronique de Hotel Koral
lire la chronique de Ice Cream
Participez à la discussion