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Laumond & Filippi : "John Lord a une fracture en lui"

Par Nicolas Anspach Xavier Mouton-Dubosc le 5 juillet 2006                      Lien  
{{Denis-Pierre Filippi}} et {{Patrick Laumond}} ont créé {John Lord}, un investigateur mandaté par le maire de New-York pour résoudre un crime. Classique, me direz-vous ? Pas tout à fait. Les auteurs chamboulent les codes graphiques et narratifs du polar pour nous plonger dans une enquête haletante.

Patrick Laumond, quel a été votre parcours jusqu’au premier album de John Lord ?

PL : Un chemin atypique et semé d’embûches : j’ai étudié l’illustration et la bande dessinée à l’école Emile Cohl à Lyon, puis j’ai travaillé chez Infogrames où je réalisais des recherches de personnages. J’ai ainsi inventé plus de 200 physionomies différentes pour des jeux vidéo, comme par exemple Mission Impossible II ou La Femme Nikita. J’ai ensuite suivi une formation 3D pendant un an, puis ai travaillé sur le premier tome de John Lord.

Vous étiez un grand amateur du travail de Denis-Pierre Philippi, votre scénariste actuel ?

PL : Pas du tout ! J’ai feuilleté, par hazard, l’une de ses séries jeunesse, Un Drôle d’Ange Gardien. Son univers me plaisait. Tatiana Domas, la dessinatrice de Téo, m’a mis en relation avec lui ...

Laumond & Filippi : "John Lord a une fracture en lui"
Denis-Pierre Filippi

Denis-Pierre, qu’est-ce que vous avez apprécié dans les travaux de Patrick Laumond ?

DPF : Il y avait une véritable force et une identité propre qui se dégageaient de ses dessins. Patrick est un perfectionniste qui n’hésite pas à aller au fond des choses, quitte à s’y perdre. C’est un amoureux du travail fin et posé.
Nous avons discuté de nos envies. Nous venions d’horizons différents et avons trouvé un compromis au travers les ambiances que reflète notre série. Un scénariste de bande dessinée écrit des histoires qui ne prennent vie que grâce au dessinateur. Une histoire peut vibrer et être pleine de vie ou être éteinte et morne. Patrick a su lui donner de la lumière...

Vous aviez cette idée de série dès le départ ?

DPF : Non pas du tout ! J’avais proposé un autre projet aux Humanoïdes Associés. Ils ne l’ont pas pris car ils le trouvaient trop atypique par rapport à leur catalogue. Ils souhaitaient que j’écrive une histoire avec un personnage récurrent, ayant une certaine profondeur, qui se développerait en plusieurs tomes. J’ai donc réfléchi quelques jours à cette discussion. John Lord est né de cette réflexion...

Ex Libris

Vous vous montrez discret sur l’UPI, l’organisation pour laquelle travaille John Lord...

DPF : Il s’agit d’une section d’enquête mandatée par le Maire de New-York pour différencier les approches face à certains crimes. L’UPI axe ses enquêtes sous un angle psychologique et presque universitaire...

John Lord est un personnage au caractère bien trempé. Il ne se montre pas très tendre avec Clara. Pourquoi l’avoir bâti ainsi ?

DPF : Je ne voulais pas créer un Mulder ou un Indiana Jones, mais bel et bien un personnage véritablement ambigu. Il porte une fracture en lui, et a une quête personnelle forte qui balaye toutes les convenances. Il est cependant galant, mais veut surtout épargner Clara afin d’être certain qu’elle pourra le suivre jusqu’où il devra aller : vers une plongée dans ce que l’âme humaine a de plus sombre. Il s’agit là, moins de préjugés sur la féminité qu’une sorte de formation permanente et d’une remise en question que nos deux personnages se renvoient mutuellement à la face...

Patrick Laumond

Patrick Laumond, votre style est pictural et sort des sentiers battus. Pourquoi avoir cultivé cette différence ?

PL : Elle est certainement due à l’enseignement que j’ai suivi et mes influences graphiques. Je préfère lire des auteurs dont le dessin dégage une force d’expressivité et d’émotion. Bref, toute ces petites choses que l’on ne retrouve pas dans une bande dessinée classique. J’aime m’imprégner et comprendre les ambiances qu’ils incorporent à leurs planches, et les reproduire dans mon propre travail selon les besoins dramaturgiques du récit.

Vous n’hésitez pas à utiliser fréquemment les plongées et contre-plongées ...

PL : Ce sont des choix volontaires et calculés. Lorsqu’on utilise une plongée, la caméra est au dessus de l’objet. On est donc dans une situation qui nécessite un cadrage où le lecteur domine la situation. Inversement, lorsque l’on veut qu’il subisse les événements, on utilise la contre-plongée. Ces codes narratifs permettent d’amener du rythme à l’histoire ...

Ex-Libris réalisé pour "John Lord".

Deux histoires différentes s’entremêlent. Dans le premier album, vous laissez planer un doute sur le fait qu’elles sont liées, ou pas. Pourquoi avoir choisi de traiter de l’une d’elle sans dialogue ?

PL : Pour accentuer le côté temporel de cette deuxième époque. Il fallait les différencier d’une manière originale. Nous avons décidé de prendre ce parti pris d’utiliser une narration basée exclusivement sur les images. Le lecteur aura ainsi l’impression d’être dans un rêve ou dans un vieux film muet.

Vous aimez dessiner le New York des années ’30 ?

PL : l’histoire se déroule effectivement dans ces années là. Ce n’était pas du tout mon univers. Il faut parfois se faire violence et faire des choix pour se transcender, et aller au-delà de ce que l’on est capable de dessiner ...

Planche Extraite du premier album.

Vous jouez sur les ambiances oppressantes...

PL : J’aime cultiver l’angoisse et le suspense. C’est d’ailleurs l’ingrédient que j’apprécie le plus lorsque je regarde un film. C’est ce qui fait le piment d’une histoire ! Cela brise la monotonie et ajoute un petit côté palpitant à l’intrigue...

Denis-Pierre, Quels sont vos projets ?

DPF : Je prépare une nouvelle série avec Silvio Camboni (Gargouilles) aux éditions Dupuis. Cette série mêle Egypte et fin 19e siècle. Nefesis sortira en août prochain. J’ai également un projet avec un auteur américain, toujours pour Dupuis, qui mêlera l’époque du Dernier des Mohicans à un univers à la Orson Scott Card. Enfin, Sandrine Revel et moi-même somme en train de réaliser un one-shot intitulé Le Jardin Autre Monde. Il s’agira d’une poésie asiatique ...

(par Nicolas Anspach)

(par Xavier Mouton-Dubosc)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Les photos des auteurs sont (c) Nicolas Anspach.

Les illustrations sont (c) Laumond, Filippi & Les Humanoïdes Associés.

 
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