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Laurent Boileau (Approved for Adoption 1/2) : « Il fallait que je me réapproprie le récit pour mieux le transmettre au public »

Par Charles-Louis Detournay le 25 juillet 2010               Approved for Adoption 1/2) : « Il fallait que je me réapproprie le récit pour mieux le transmettre au public »" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Laurent Boileau et Jung réalisent un long métrage mêlant animation et prises de vues réelles, tiré des albums de [Couleur de peau : Miel->6999]. Juste avant le début du tournage en Corée, les deux réalisateurs et scénaristes se sont confiés à ActuaBD.

Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter en détails le principe ainsi que la thématique de ce long métrage en cours de production.

Laurent Boileau (<i>Approved for Adoption</i> 1/2) : « Il fallait que je me réapproprie le récit pour mieux le transmettre au public »Nous voici à un tournant décisif de ce film pas comme les autres, car Jung, l’auteur de bande dessinée devenu co-réalisateur et co-scénariste du film Approved for Adoption, va se retrouver prochainement devant la caméra pour évoquer son retour en Corée.

À quelques jours de ce retour en Corée qui marquera le véritable lancement du tournage, nous voulions approcher les deux hommes qui ont entrepris cette aventure autant humaine qu’artistique.

Cette première partie est plus centrée sur Laurent Boileau, à qui l’on doit plusieurs films documentaires sur la bande dessinée (Franquin Gaston & Cie, Les Artisans de l’imaginaire, Spirou une renaissance, Les Chevaux de papier et Sokal, l’art du beau).

S’il a l’habitude de se trouver derrière la caméra, il s’agit pourtant ici de son premier long métrage. Il nous explique dans le détails comment cette épopée a débuté, les liens qu’il a tissés avec Jung et les ambitions artistiques qu’ils se sont fixées.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter Couleur de peau : Miel ?

Laurent Boileau : Lors de ma première lecture, j’ai vraiment eu un coup de cœur car j’ai aimé ce ton décalé choisit par Jung qui évitait les effets narcissiques et larmoyants. De plus, l’humour, voire l’humour noir, qui est présent correspond beaucoup à ma vision de la vie. Puis, cette thématique de l’adoption a éveillé en moi des sentiments forts de ma jeunesse, car mes parents ont recueilli mon cousin et ma cousine germaine, devenus orphelins. La notion de la famille recomposée a donc fait écho à ma propre histoire. Tout cela, mêlé à l’aspect de l’adoption coréenne si particulière, m’a donné envie de travailler ce thème, surtout qu’à la fin du livre, Jung annonçait qu’il allait prochainement retourner en Corée.

D’où la rencontre et l’envie de travailler ensemble ?

LB : La rencontre, oui, l’envie de travailler ensemble est venue petit à petit. L’idée d’un film d’animation s’est imposée, d’autant que nous avons été rapidement soutenu par le producteur Thomas Schmitt (Mosaïque Films). Finalement, l’animation est une suite assez logique de mon travail réalisé ces dernières années sur différents documentaires autour de la bande dessinée. Mais je ne souhaitais rester sur l’aspect "historique" de l’histoire de Jung. Son point de vue, en tant qu’adulte, m’intéresse beaucoup. De nos nombreuses conversations est ressorti cette envie de Jung de "rencontrer" l’enfant de cinq ans qu’il était et qui est resté, en quelque sorte, en Corée. Des images du petit garçon animé parlant avec le Jung réel se sont rapidement imposées à moi. D’où cette envie de raconter cette histoire en animation et en prises de vues réelles.

Test technique en prise de vue extérieure, pour inclure l’animation aux cotés du Jung ’adulte’.

Cela doit être un fameux défi technique !

LB : Il fallait que cela fonctionne sans tomber dans l’aspect ’cartoon’ de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Nous avons donc voulu réaliser un test, un teaser pour que l’idée de départ se concrétise et qu’on puisse juger sur pièce. France Télévisions nous a donné les moyens de mettre cela en route. Directement après le teaser, alors que nous n’avions pas encore de scénario écrit, nous avons reçu pas mal de signes positifs : notamment ceux de Cinéart et Artémis, respectivement distributeur et producteur en Belgique, qui nous ont contacté pour manifester leur intérêt pour le projet. Nous avons donc avancé en continu sur l’écriture du film et les présentations dans les différentes commissions. En 12 mois : nous avons obtenu le soutien de France 3 Cinéma, du CNC (avance sur recettes en France), de Gébéka, l’appui de la Communauté Française de Belgique, de la RTBF, de Wallimage, ainsi que quatre régions de France. Nous n’avons pas encore bouclé notre budget car les films d’animations sont assez onéreux, mais nous espérons avoir prochainement les dernières réponses attendues.

Jung : Persépolis nécessitait 20% de budget de plus que nous, et ils ont eu plus de mal à trouver les fonds. Le succès de ce film a mis en confiance les producteurs, du coup, nous avons bénéficié d’un terrain un peu plus propice.

Le film sera donc un mélange d’animation et de prises de vues réelles ?

LB : Le film aura environ une heure de séquences animées pour une demi-heure de prises de vues réelles intégrant parfois le personnage de Jung à cinq ans en animation. En simplifiant, Jung entame le film par une courte introduction, avant de se lancer dans un long flashback sur son enfance. Par la suite, nous mettrons en scène le retour en Corée avec de nombreux renvois aux souvenirs dans la famille d’adoption que cela fait émerger.

Quel a été votre premier sentiment devant la demande de Laurent Boileau ?

Jung : Je me suis dit que j’étais tout de même bien tranquille à faire de la bande dessinée ! (rires) Effectivement, sa première question touchait le retour en Corée : il voulait savoir si j’étais déjà retourné là bas. Je suis arrivé à cinq ans en Belgique et depuis je n’y suis jamais retourné. Cet aspect de mon histoire l’intéressait. Donc, il m’a demandé si j’accepterais de retourner en Corée pour la première fois dans le cadre du film.

Le premier retour est prévu dans le courant du mois d’août, date du début du tournage en prise de vue réelle.

LB : J’étais moins séduit d’adapter uniquement les albums. Il fallait que je me réapproprie l’histoire, même si ce n’est pas la mienne.

Le quotidien des deux réalisateurs-scénaristes, séparés par 700 kms.

Plus qu’une adaptation, vous vous inspirez alors de Couleur de peau, Miel pour donner un point de vue plus global ?

Laurent Boileau, lors d’un de ses répérages en Corée.

LB : Jung et moi avons préféré que je prenne en charge le début du scénario afin d’apporter un regard neuf sur le récit. Nous avons alors sélectionné dans le livre ce qui nous semblait incontournable. Sur cette base, j’ai retravaillé l’histoire avec une nouvelle dramaturgie. Mais Jung me sert de garant dans ce travail, afin de dissocier l’important du secondaire, par rapport à son vécu. Cette fidélité à ses émotions est tout à son honneur, même si parfois, je dois avouer que j’aurais apprécié qu’il accepte quelques petites entorses ! (rires) Cela a aussi été mon rôle de le titiller sur des aspects qu’il n’avait pas abordé dans la bande dessinée, afin de parfois faire ressortir d’autres points de vue. Même si ce travail sur lui-même n’est pas toujours évident, je cherche à donner au personnage un aspect moins lisse, un peu plus écorché, plus humain. Bien entendu, je tiens à toujours respecter sa pudeur, mais c’est aussi mon rôle de l’aider à visiter des chemins de traverse.

L’album se centre essentiellement sur le personnage principal et des monologues. En sera-t-il autant pour le film ?

LB : Dans la partie "historique-famille belge", je trouvais important de se focaliser également sur les personnages secondaires, dont les frères et sœurs, alors que le livre est plus tourné sur le ressenti personnel de Jung. Il fallait donc préserver la substantifique moelle de ce qu’il avait pu apporter, mais en l’expliquant par les interactions avec d’autres personnages. Par exemple, la grand-mère qui intervient dans une case ou deux des albums, aura dans le film une scène complète. En cinéma, on ne peut pas être aussi symbolique qu’en bande dessinée.

Comment avez-vous alors écrit ce scénario ? Vous lui avez présenté une première mouture qu’il a corrigée ?

LB : La question du support a d’abord été posée. En tant que dessinateur, Jung était moins réceptif à un scénario écrit, nous avons donc privilégié un scénario dessiné, assez proche d’un story-board : dessins à gauche, et commentaires à droite. De cette base, nous avons alors travaillé sur un réel story-board, afin de se détacher de la bande dessinée et impliquer une mise en scène et des décors plus cinématographiques.

Mais vous allez également vous détacher du livre pour aborder une phase plus innovatrice : le retour en Corée !

LB : Comme Jung le dit à la fin de l’album, depuis son adoption, il n’est jamais retourné en Corée, et c’est entre autres de ce point que je voulais démarrer le nouvel apport du film. Bien sûr, pour nos repérages, il a souvent eu l’occasion d’y aller, mais nous avons préféré qu’il se ‘préserve’ pour les scènes filmées. Effectivement, ce retour fait partie du scénario du film, et comme nous avons choisi de ne pas faire appel à un acteur pour interpréter son propre rôle, nous voulons donner un aspect de sincérité à ce voyage qui devrait être fort.

Mise au point de l’équipe de tournage pour des prises intérieures.

Cela va donner un aspect de documentaire ?

LB : Certes, il y a une approche documentaire, car nous n’allons pas évoquer des choses qu’il ne ressent pas. Mais nous sommes bien dans la fiction, car dans les prises de vues réelles, Jung va se rencontrer lui-même enfant à 5 ans (en image animée) et tout un dialogue va pouvoir s’exprimer. Nous avons bien entendu une idée de la quête dans ce retour en Corée, mais nous ne savons pas encore en écrire la fin, car elle dépend de ce qui se déroulera à ce moment-là ! Par exemple, la première nuit de ce retour, Jung va rêver une séquence animée. Même si nous avons déjà une idée de ce rêve, il n’est pas encore abouti car son imaginaire de coréen adopté et vivant en Belgique depuis 40 ans ne peut pas encore développer toute cette part d’inconnu. Nous en saurons donc bien plus après ce tournage en Corée qui approche à grands pas.

(par Charles-Louis Detournay)

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Regarder l’interview vidéo de Jung sur France2.fr

Photos © Mosaïque Films
Illustrations © Jung

 
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