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Laurent Verron : « Roba me disait que l’outil le plus important pour un dessinateur était la gomme »

Par Nicolas Anspach le 30 juin 2009                      Lien  
{{Laurent Verron}} a repris avec talent la destinée de {Boule & Bill}. Il a réussi se fondre dans le style de {{Jean Roba}} et à perpétuer l’esprit de la série tout en la modernisant. Il évoque avec nous ses secrets de fabrication pour une série qui vient de fêter ses cinquante ans !

Laurent Verron n’est pas que le dessinateur de cette reprise. Sa carrière est déjà riche. Il a signé, dans les années 1990, Le Maltais avec Loup Durand pour les éditions Lefrancq, puis Les Aventures d’Odilon Verjus avec Yann aux éditions du Lombard. Il vient de publier Fugitifs sur Terra II avec Cric aux éditions Dargaud. Il nous en parle brièvement…


Laurent Verron : « Roba me disait que l'outil le plus important pour un dessinateur était la gomme »Votre reprise de Boule & Bill est fidèle, on sent un quasi mimétisme avec le graphisme de Jean Roba

Mais c’était mon objectif ! Je voulais travailler comme lui. Il y a une vingtaine d’année, j’ai eu la chance d’être son assistant. J’ai dessiné pendant trois ans à ses côtés. J’ai observé les gestes qu’il faisait… Jean Roba voulait que la série continue après lui. Quand il m’a proposé cette reprise, je n’ai pas eu de mal à me remémorer ses gestes et sa façon de dessiner. Je voulais que les lecteurs ne voient pas la différence entre les derniers Roba et les premiers Verron. Cela peut être une difficulté de coller au style de quelqu’un. Quand je dessine mes propres séries, je n’ai pas le même dessin. Mais en même temps, une reprise constitue une certaine facilité : on reprend un univers qui a déjà été créé, et on a moins de choses à inventer…

La responsabilité est plus grande. Le dernier Boule & Bill a, selon le rapport de Gilles Ratier, été tiré à 350.000 exemplaires.

Il ne faut pas penser à cela ! Sinon, j’arrêterais directement (Rires). Quand je travaille sur une page, j’essaie d’y mettre le plus de cœur possible. Il ne faut surtout pas que je me dise que je lisais Boule & Bill quand j’étais gamin !

(c) Verron, Roba & Dargaud

Jean Roba était-il présent lors de la création de votre premier tome.

Non. Il était très cool. Il m’a confié qu’il me faisait confiance et m’a laissé une liberté totale. Il savait que j’étais attaché à son univers, et que je ne voulais pas dénaturer ses personnages. Il ne voulait pas me mettre une épée de Damoclès au dessus de la tête. Je lui ai quand même montré mes planches. Pour le premier album, il a corrigé certaines mises en scène et a rendu des gags plus percutants. Pour le deuxième, il n’a fait des remarques que sur les scénarios. Rien pour le dessin, j’étais heureux ! (Rires). Malheureusement, il n’était plus là pour le troisième. Ses conseils me manquent. Jean me paraissait serein par rapport à cette reprise. Il me disait : « Laurent, il faut que tu soit heureux en dessinant les pages de Boule & Bill. Les lecteurs le sentiront. Si tu le fais d’une manière contractée, en ayant l’impression que je te surveille, tu ne vas pas faire du bon boulot ».

Pourquoi avoir accepté ? Mis à part le côté financier ?

J’avais le temps de continuer mes propres projets. Je publie un Boule & Bill tous les dix-huit mois, voire tous les deux ans. L’éditeur me laisse beaucoup de liberté de ce côté-là. J’ai aussi accepté car c’était Roba qui me le demandait. C’était flatteur. Et puis, son dessin me plaisait ! J’aime ce style à la belge, classique de l’école de Spirou. Et puis, grâce à Boule & Bill, je continue à apprendre. Cette série s’adresse aux enfants, il faut donc être très lisible et compréhensible tout de suite. Quand je dessine une page, je pense aux enfants. Je dois tout faire pour qu’ils s’amusent, qu’ils sourient… Même en regardant les images s’ils ne savent pas lire. J’ai de la chance : Bill est extraordinaire à souhait pour cela ! C’est un plaisir de s’adresser aux enfants. Avec ma nouvelle série, Fugitifs sur Terra II, je m’adresse aux pré-adolescents et aux adolescents.

(c) Verron, Roba & Dargaud

Comment sélectionnez-vous les gags de Boule & Bill ?

Trois scénaristes ont réalisé les gags des premiers albums : Corbeyran, Veys et Chric. Ce dernier signe aujourd’hui sous le nom Cric. Sur le prochain, ils ne seront que deux. Ils m’envoient leurs gags. Je les lis, et il m’est arrivé d’en refuser certains, car je ne ressentais pas l’esprit de la série. Je demande parfois certaines corrections. Mais cela se fait toujours dans un cadre amical. Cric est un ami. Il est libraire à Grenoble. Nous nous voyons souvent. Il me parle de son idée et nous entamons le découpage ensemble. Il rédige l’histoire et nous réalisons les dialogues ensemble. Malheureusement les autres scénaristes habitent plus loin. Une collaboration aussi rapprochée n’est pas possible.

Pourquoi avez-vous axé l’un des albums de Boule & Bill sur le cirque ?

J’adore dessiner des animaux, tout simplement. Nous nous sommes dit que si un cirque s’installait près de chez Boule & Bill, je pourrais dessiner des animaux exotiques qui seraient totalement incongrus dans la ville. C’était donc juste pour le plaisir et l’amusement.

Pourriez-vous nous présenter votre nouvelle série, Fugitifs sur Terra II ?

Ce récit de science-fiction est sans référence de lieu et d’époque. Deux filles, un garçon et un orang-outan génétiquement modifié, se retrouvent ensemble malgré eux. L’une des enfants est une princesse, héritière du trône. Elle a dû fuir suite à un coup d’état. Ils vont devoir survivre.
J’ai opté pour un dessin plus nerveux. J’aime le dessin vivant, mais je le charge de moins de détail qu’Odilon Verjus. J’essaie d’avoir un résultat plus clair. La première histoire se déroulera sur deux albums de cinquante pages. La narration est plus linéaire. Nous développerons la relation entre ses enfants : ils vont se disputer, se rabibocher, s’aimer, etc.

On sent que vous avez plaisir à encrer.

Effectivement. C’est lié à un souvenir d’enfance. Je me souviens avoir vu une émission, présentée par Greg, où l’on voyait Jijé encrer au pinceau. Cela a été une claque d’observer ses mouvements. J’ai su à ce moment là que je voulais en faire mon métier. Je me suis acheté des pinceaux peu de temps après.
Boule & Bill est encré à la plume. Roba m’a appris à manier cet outil. L’encrage est un plaisir. Souvent, les dessinateurs disent que c’est une corvée. Pour moi, c’est le contraire. Je continue à dessiner en encrant. J’adore le contact du pinceau sur le papier : En appuyant plus ou moins, on donne une certaine vie au dessin.

Extrait de "Fugitifs sur Terra II"
(c) Verron, Cric & Dargaud.

Qu’est-ce que vous a appris Jean Roba ?

Quand je suis arrivé chez lui, il était en train d’encrer une page. Je me suis installé près de lui et je l’ai regardé faire. Il avait déjà sa dynamique très enlevée. Il m’a appris à faire un crayonné précis, à être exigeant et ne pas hésiter à gommer. Il disait souvent : « L’outil le plus important pour le dessinateur est la gomme ». Il y a bien sûr d’autres manières de dessiner. Aujourd’hui, il y a une bande dessinée plus minimaliste, mais qui n’est pas inintéressante. Jean Roba m’a appris à ne pas hésiter à recommencer. Il m’a enseigné l’art de l’encrage à la plume et à lancer mon trait avec dynamisme

(par Nicolas Anspach)

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- Boule & Bill T29 et T30
- Odilon Verjus T7

Et aussi : Mort de Jean Roba, le papa de "Boule & Bill" (Juin 2006)

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Photo (c) Nicolas Anspach

 
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