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Disparition de Laurent Vicomte : beau est le travail fait avec lenteur

Par Jaime Bonkowski de Passos le 10 août 2020                      Lien  
Méticuleux, lent à l'ouvrage, perfectionniste, exigeant : les adjectifs qui décrivent la vie de Laurent Vicomte dressent le portrait d'un artiste sans pareil dans la bande dessinée, qui a toujours mis la priorité sur la qualité plutôt que sur la quantité. Il nous a quittés ce matin à l'âge de 64 ans, laissant derrière lui une bibliographie certes peu fournie, mais néanmoins émaillée d'innombrables prix. Retour sur la carrière d'un géant tranquille.

Disparition de Laurent Vicomte : beau est le travail fait avec lenteurLaurent Vicomte commence sa carrière dans le dessin dans les pages de La Presse de la Manche en 1975 où il réalise des publicités et simultanément dans le Journal de Spirou dans la rubrique Carte Blanche.

C’est en 1977, lorsqu’il monte à Paris, que débutera plus concrètement sa formation au 9e art, au contact de grands noms comme Jean-Pierre Gourmelen qui lui scénarise des strips de Gus et Ainsifutil. Durant cette période, il créé dans un style semi-humoristique le personnage Clopin pour le journal Pistil, et il dessine aussi pour des revues scoutes.

Mais la rencontre qui change la donne sera celle de Pierre Makyo en 1981, alors lui aussi débutant. Ensemble, ils imaginent Balade au bout du monde, une histoire en quatre chapitres qui sort d’abord dans les journaux Gomme ! puis Circus, avant d’être publiée chez Glénat. Le succès est immédiat, le livre est un best-seller et la critique comme le public acclament le travail des deux auteurs. Jacques Chirac, alors maire de Paris, est lui aussi conquis par le style réaliste de Vicomte : il lui remet en 1984 le Grand Prix de la Ville de Paris.

Balade au bout du monde, T. 1
© Laurent Vicomte.

Jusqu’en 1988, quatre volumes au total sont publiés, formant le premier cycle de Balade au bout du monde. Plus d’un million d’albums sont vendus. Vicomte s’impose alors comme un dessinateur incontournable du 9e art. À cette époque, il fonde aussi une maison d’édition avec Jean Léturgie, Dessis, qui se consacre dans un premier temps aux intégrales de ses œuvres passées dont Clopin, puis publie un recueil de croquis de Franquin pour le dessin animé Les Tifous.

Mais après le quatrième tome de Balade au bout du monde en 1988, Vicomte prend la tangente : en dépit de la pression que lui mettent ses lecteurs et son éditeur, il abandonne définitivement la série, passant la main au dessinateur Herenguel et il se retire à Perros-Guirec en Bretagne pour retrouver son ami Regis Loisel. Dès lors, sa vie devient un exemple de discrétion, seulement rompue par les quelques albums qu’il signe avec plusieurs années d’intervalles. Il commence à travailler sur la deuxième série-phare de sa vie : Sasmira, qu’il réalise en complète autonomie et en sacrifiant la vitesse à la qualité.

Sasmira
© Laurent Vicomte.

Il se consacre en effet corps et âme à son dessin, qu’il veut exemplaire, irréprochable. Une quête de la perfection (atteinte selon certains) qui se fait au prix de très longues années de travail -et pour les lecteurs d’attente- entre chaque tome. Treize ans séparent ainsi la sortie du premier (1997) et du second tome (2011), avec un troisième opus délivré en 2016, puis un dernier en 2018.

Il n’en reste pas moins que chaque volume a été salué par les fans comme par la critique, et le premier, L’Appel, a reçu quelque six prix l’année suivant sa sortie, dont le prix Prix œcuménique du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 1998.

Ajoutez à cela quelques titres épars, Le Signe du chat (1985) ou La Ville endormie (1990) aux Presses d’Île de France, des participations à des ouvrages collectifs, et surtout Virage (Ed. Daniel Maghen, 2005), un livre-recueil biographique dans lequel il rend hommage à des amis, des modèles, et des figures du 9e art, tout en développant son parcours dans la bande dessinée.

Laurent Vicomte laisse finalement derrière lui une œuvre modeste par la taille, mais gigantesque par l’importance et l’influence. Figure de la bande dessinée française, il incarne à la perfection le géant modeste et tranquille mais insolent de talent.

Laurent Vicomte lors de son exposition à la Galerie Maghen
Photo de Laurent Melikian.

(par Jaime Bonkowski de Passos)

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