Dans ce roman graphique en grand format, nous faisons la connaissance de Noah, un étudiant qui se pose quelques questions sur l’image que lui renvoie le miroir, mais qui préfère heureusement passer du temps avec ses amis et se consacrer à la musique. Jusqu’à ce qu’il rencontre la belle Alex. À la différence de Noah, la jeune femme est plutôt sûre d’elle et ne cherche d’ailleurs pas vraiment à s’investir dans une relation sérieuse. Elle est surtout fascinée par un sex-symbol américain, au physique de bellâtre. Même si elle se défend de se limiter ou s’intéresser à l’apparence ou au physique. Finalement, leur relation s’étiole, au grand dam de Noah.
Pour Alex qu’il aime passionnément et qu’il espère reconquérir, notre jeune étudiant musicien commence à prendre soin de son corps, afin de rentrer dans les standards de la beauté masculine véhiculée par les réseaux sociaux : régime, crèmes diverses, vêtements cintrés et nouvelle coupe de cheveux. Tout y passe... avec succès car ses photos accumulent les likes et la popularité de son compte Instagram s’envole… jusqu’à ce qu’Alex s’intéresse à nouveau à lui !
Lauréate donc du Prix Raymond Leblanc en 2020, Julia Reynaud nous propose un beau roman graphique de grand format publié chez Casterman qui avait rejoint Le Lombard et Futuropolis au rang des éditeurs soutenant ce prix récompensant les jeunes talents. D’entrée de jeu, son style graphique séduit. Très moderne et tout en finesse, il s’adapte parfaitement à ce récit intimiste et à la portée presque universelle, tant le besoin de paraître et les réseaux sociaux ont envahi le globe, modifiant en profondeur nos comportements et nos relations.
Pour mettre cela en scène, l’autrice se concentre à raison sur ces personnages, avant de les faire évoluer dans la société qui les entoure, puis sur leurs attitudes, leurs comportements et leurs interrogations qui ne manquent pas de faire réagir le lecteur. Des choix qui s’imposent également par des processus de mise en pages intéressants, tels que certaines grandes phases de respiration, le jeu de la multiplication de cases ou l’insertion des discussions par Smartphone, symbolique de la communication d’aujourd’hui.
Vu que c’est là son premier album, l’autrice ne se défait pas de quelques maladresses bien excusables : un tempo qui n’est pas toujours suffisamment soutenu et des dialogues qui auraient pu être mieux répartis dans le récit plutôt que de montrer brusquement en régime. Heureusement, des éléments plus surprenants viennent relever l’intérêt en fin d’album et un titre qui vient vous titiller à la lecture…
En effet, le premier titre de travail (Nico) a cédé la place à celui du Bel Alex. Or ; Alex est un personnage féminin dans le récit ! Ceci engendre une intéressante réflexion sur le genre… Tous les personnages du récit portent des prénoms épicènes, qui peuvent être là fois féminins et masculins : Claude, Camille, Noah, Alex, etc. Du coup, l’autrice a-t-elle transposé le récit d’une femme succombant au diktat de l’image, en mettant un homme à la place ? Ou au contraire, souhaitait-elle expliquer que ces maux stéréotypés comme le mal-être, la boulimie, l’anorexie et les autres ne sont plus majoritairement le lot des femmes. La relecture du livre à la lumière de ces questions lui confère alors une autre dimension, tout aussi intéressante.
L’autrice en livrera certainement davantage lors de la rencontre du samedi 10 septembre à 17h dans le cadre de la Fête de la BD de Bruxelles. Au Forum de la gare maritime, elle interviendra sur la thématique « Le genre, un nouveau combat du féminisme ? » avec d’autres intervenants, dont Anne-Charlotte Husson, traductrice et autrice de Genre Queer et Le Genre : cet obscur objet du désordre, Lauraine Meyer qui a réalisé Feminists in progress, ainsi que Jean-Louis Tripp et son diptyque Extases.
(par Charles-Louis Detournay)
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Le Bel Alex - Par Julia Reynaud - Casterman
160 pages - paraît le 31 Août 2022.
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