Jean Atwood est en cinquième année d’internat. Elle est brillante et studieuse et n’a pas arrêté d’être major de sa promotion depuis le début de son parcours dans le supérieur. Son objectif ? Devenir chirurgienne. Cependant, elle va intégrer un service de soins gynécologiques pour un stage de six mois, elle qui n’a aucune envie d’entendre « des bonnes femmes se plaindre à propos de leur pilule ». Elle va rejoindre ce service avec beaucoup d’a priori et de réticences.
Face à un praticien qui donne la priorité à l’écoute plutôt qu’à la pratique, elle va être complètement déconcertée voire énervée. Confrontant deux tempéraments singulièrement différents avec deux approches radicalement opposées, le conflit semble fatalement inévitable. Jean ne comprend pas le bienveillance systématique du docteur Karma, elle dont le jugement est si facilement acquis. Celui-ci lui propose un ultimatum plutôt conciliant. Ce sera, pour la jeune femme, le point de départ d’une introspection majeure dans laquelle elle va se remettre en question et réfléchir à son rapport aux patientes qu’elle rencontre.
Cet ouvrage, c’est le récit de la confrontation entre deux écoles de pensée. Face à un spécialiste prônant une médecine alternative centrée sur l’écoute et l’empathie, le personnage de Jean Atwood est un pur produit de l’université, un archétype scolaire et académique qui entend bien appliquer de façon rigoureuse le contenu de ses cours. Le docteur Karma l’explique « Il y a deux sortes de médecins : les docteurs et les soignants. C’est l’attitude face à la douleur qui fait la différence ». Voici une invitation à repenser la pratique de la médecine telle qu’elle existe en France pour remettre l’humain au cœur de ce processus. Il n’y est pas question de rendement ou d’optimiser son temps, mais bien de comprendre et d’appréhender les problèmes autrement que par une approche strictement physiologique.
C’est aussi le récit d’une transmission, bien sûr entre un professionnel et une aspirante, une transmission du savoir et de l’expérience. Mais également de spécialistes vers des patientes, pour expliquer rigoureusement une méthode, un examen, et pour créer un vrai rapport de confiance avec les médecins qui assistent ces personnes. L’exemple de la position anglaise est assez caractéristique de ce qui les oppose au sexisme systémique qui existe aujourd’hui dans le corps médical français : proposer à une patiente de se mettre en position latérale de sécurité plutôt qu’en position lithotomique (allongée sur le dos, les jambes relevées) par exemple. Cette dernière est certes plus pratique pour le ou la gynécologue mais peut mettre la patiente mal à l’aise et la brusquer. La position anglaise peut générer plus de confort, or de nombreux praticiens ne la proposent même pas.
L’exercice de l’adaptation est toujours un pari risqué et ambitieux, surtout dans le cas d’un roman aussi populaire que celui de Martin Winckler. En laissant une pleine liberté à la dessinatrice Aude Mermilliod, l’auteur lui a permis de s’approprier pleinement ce texte. Elle livre ici une adaptation juste et touchante de ce roman qui permet d’en apprendre plus sur une discipline médicale dont on parle peu, et de reconsidérer notre rapport à la médecine telle qu’elle est exercée en France. Winckler explique également « Dans la BD, il me semble qu’il y a plus de réciprocité, de proximité entre l’autrice et ses lectrices et lecteurs. J’espère que la prise en charge des patientes s’est améliorée depuis la parution du roman. Beaucoup de femmes et de médecins ont une conscience plus vive de ce qui est en jeu. »
(par François RISSEL)
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"Le Chœur des femmes" - Par Martin Winckler et Aude Mermillod - Le Lombard.
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