Finalement, Bernard Hislaire n’a pas tellement changé depuis l’époque où il traînait sa dégaine de perfectionniste torturé dans les rues d’Ixelles et les pages du Gang Mazda [1]. Si sa technique de dessin a beaucoup changé, comme son nom, qui a connu plusieurs incarnations (Hislaire, Yslaire, Sylaire,…jusqu’au récent Bernar Yslaire), une chose reste : sa recherche du romantisme. Un romantisme tragique, inspiré par la littérature de Victor Hugo ou de Goethe. Un romantisme en rouge et noir. Inlassablement, Yslaire poursuit ce but dans une œuvre d’une grande cohérence. Bien sûr, la saga de la famille Sambre reste sa pièce maîtresse, la clé de voûte de l’édifice. Le contexte révolutionnaire et le rapport peintre / modèle avaient été le terreau de ses meilleures histoires. Dès lors, quand on ouvre les portes du Louvre à Yslaire, on n’est pas surpris qu’il prenne une porte dérobée pour atterrir dans l’atelier du peintre Jacques-Louis David.
Pour la première fois depuis vingt ans, Yslaire n’est pas le seul écrivain de son récit. Pour le Ciel au-dessus du Louvre, c’est avec Jean-Claude Carrière qu’il a mené à bien l’écriture de son album. Ce dernier compte une œuvre imposante comme écrivain (La Controverse de Valladolid, Le Cercle des menteurs,…) et comme scénariste de cinéma pour Pierre Etaix, Louis Malle, Luis Buñuel, Milos Forman, Andrzej Wajda,…
Jean-Claude Carrière avait écrit le film Danton pour Wajda. Bernar Yslaire a vu en lui la personne adéquate pour donner un éclairage nouveau à sa propre fascination pour cette période.
Pour faire saisir l’urgence dans laquelle s’est mené le débat post révolutionnaire, le duo a choisi de faire se succéder à un rythme de trois ou quatre pages, vingt chapitres comme autant de tableaux. Au centre de l’intrigue se trouve la commande passée à David par Robespierre. Un vaste projet qui va occuper l’esprit du grand peintre : la réalisation d’un tableau représentant l’Être Suprême.
Finalement, Le Ciel au-dessus du Louvre s’inscrit plus dans la continuité du travail d’Yslaire que dans un véritable renouveau qu’aurait pu amener Carrière. Toutefois, il est indéniable que le public de l’auteur belge y retrouvera ses repères.
Si le récit est assez subtil et permet d’intégrer des toiles de maître, du point de vue du dessin, le sentiment est plus mitigé. La composition des pages à la palette graphique leur donne un aspect désincarné, perdu dans un trop plein technologique. Alors qu’il y a derrière ce crayon optique un grand dessinateur, qu’on aimerait revoir un jour plancher sur du papier, comme un musicien électronique qui s’octroierait un disque unplugged.
(par Morgan Di Salvia)
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[1] Une des premières séries d’autofiction de la bande dessinée francophone, qui paraissait dans Spirou durant les années 1980.