« Le Monde » titrait hier : « Hollywood à l’assaut du Comic-Con ». Nous le constations il y a deux ans déjà : aux États-Unis, la BD est devenue le département de Recherche et Développement du cinéma
Nous vous avions raconté l’extraordinaire aventure vécue par Chuck Rozanski : « Un jour, un type lui propose une BD pour sa boutique. Hormis les couvertures confiées à des artistes réputés, elle est franchement nulle. Il ne pense pas en commander plus de 20 exemplaires. Son interlocuteur lui suggère d’en commander 200 à son distributeur Diamond Comics (quasi le seul distributeur de comics aux USA), ce qu’il refuse, jusqu’à que notre « éditeur » lui offre de les racheter un dollar plus cher que ce qu’il les aurait payés. Pourquoi fait-il cela ? Parce qu’il est en train de vendre les droits de sa BD à Steven Spielberg. Celui-ci est intéressé par le pitch mais attend de voir comment ce nouveau comic book se comportera en librairie. Grâce à cette manœuvre opérée auprès des principaux points de vente, le titre figure brièvement dans le Top 3 des meilleures ventes de Diamond Comics. Cette information, selon Chuck Rozanski, suffit à faire conclure l’affaire : notre éditeur-scénariste vendit effectivement son script à Spielberg. »
San Diego est devenu la grosse machine à pitcher les projets aux fans, à monter le buzz des films. Cela se confirme cette année : Sylvester Stallone, Bruce Willis, John Malkovich, Morgan Freeman, Richard Dreyfuss, Nicolas Cage et on en passe étaient tous présents. « Cela nous change de Monaco ! » glousse Maurice Horn dans un mail qu’il m’envoie pour commenter l’évènement. Effectivement.
Trailer pour Thor (prévu en 2011)
Même si, depuis le début, avec l’adaptation par les Frères Lumière de la bande dessinée L’arroseur arrosé (1889), la BD est intimement liée au cinéma. Et à la télévision, comme les mangas ont pu en faire la preuve depuis les années 1960.
Reste à savoir si la tendance va traverser l’Atlantique. Elle le fait, à son échelle : Luc Besson pour Adèle Blanc-Sec comme Spielberg & Jackson pour Tintin sont venus profiter d’Angoulême pour faire leur buzz (par film interposé, il est vrai, pas en chair et en os) et un grand nombre de réalisateurs et d’acteurs étaient présents début juillet à Villepinte lors de l’évènement Japan Expo - Comic Con 2010.
Trailer pour un desin animé de Marvel tiré de Iron Man
La BD a-t-elle quelque chose à en retirer ? Oui et non.
Oui, car cela permet la prise de conscience qu’en dépit de son faible chiffre d’affaires comparé aux jeux vidéo ou au cinéma, elle est véritablement un facteur d’influence sur toutes les cultures populaires de l’image.
Non, car l’industrie de masse formate tout, uniformise tout, et comme le dit justement Alan Moore « tire la BD vers le bas ». Il s’inquiétait à juste titre que les spectateurs de ces films pensent que ses BD ressemblaient aux films qui en étaient tirés. « Je ne veux plus de leurs chèques ! » avait-il déclaré, dépité par l’usage qui était fait de son travail.
Oui, parce que, par exemple en France, une nouvelle génération de créateurs : Satrapi, Winschluss, Sfar, Sattouf, Rabaté ou Oubrerie se saisissent de ce médium pour en prendre le contrôle.
Les échanges entre BD et cinéma sont loin d’être terminés…
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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