« Tu pue la merde » [sic]. Sûr que ça ne doit pas faire plaisir, de retrouver sa voiture taguée de la sorte. Et si l’on est prof de français, l’affront est autant dans l’injure que dans l’erreur de conjugaison. On comprend que cela puisse mettre sur les nerfs. De là à décocher un magistral coup de boule au premier terroriste venu...
Dans notre époque troublée, il ne faut surtout pas se fier aux apparences. Un banal terroriste encagoulé peut cacher un policier en opération spéciale. Très spéciale même, le but du faux attentat étant de recruter de nouveaux membres pour le club de savate du coin, dirigé par le cousin du chef de brigade.
Rémi observe tout cela d’un œil mi-amusé, mi-choqué. Lui-même enseignant d’arts dans le collège du fauteur de coups de boule, et vraie victime à plusieurs reprises des faux terroristes, il se retrouve obligé de participer à cinq séances d’entraînement au club de savate en remplacement d’une amende reçue alors qu’il roulait sur un chemin interdit aux véhicules personnels, en lisière d’un camp accueillant des réfugiés.
Entre son travail au collège et ses propres enfants assez sages, Rémi coule des jours plutôt tranquilles. Un coup de main à l’association d’aide aux exilés, à laquelle participe sa femme, et quelques élèves qui parfois en viennent aux mains : rien d’exceptionnel dans son quotidien. Pourtant, il suffit de quelques surprises, de quelques grains de sable dans la mécanique de la routine, pour que la vie révèle tout ce qu’elle peut avoir de comique.
Rémi Lucas au scénario, également dessinateur, auteur de bandes dessinées et professeur d’arts plastiques, choisit de se mettre en scène dans Le Coup de boule est parti tout seul. Nom, profession, apparence physique, famille... Les points communs entre le scénariste et son personnage sont assez nombreux pour que l’on puisse parler d’autofiction. Le choix est idéal pour faire preuve d’autodérision, mais aussi pour exploiter le don d’observation qui facilite le travail d’auteur.
Sauf qu’il ne s’agit pas ici de transcrire le réel observé, mais de le déformer suffisamment pour le rendre drôle, par l’absurde, le burlesque ou le comique de situation. Partant de phénomènes actuels pas vraiment réjouissants - le terrorisme et les mesures de prévention, les migrations et ses conséquences humaines, la compétition politique et sa course à la belle image - pour en tirer une histoire dont le souci premier n’est pas la vraisemblance, Rémi Lucas livre une interprétation loufoque voire farfelue du monde qui nous entoure.
Croqué par Otto T., dessinateur et éditeur chez Flblb, son récit est réjouissant. Et puisque, en bande dessinée peut-être plus qu’ailleurs encore, la forme c’est le fond, l’adéquation est réussie. Le trait simple et dynamique colle aussi bien aux scènes de la vie quotidienne qu’au genre de la comédie. Les visages très synthétiques sont néanmoins expressifs et les personnages toujours aisément reconnaissables - Jean-Yves La Merluche comme les autres.
Franchement drôle et très ancré dans notre époque, Le Coup de boule est parti tout seul est bien dans la veine de la plus belle part du catalogue des Éditions Flblb, où la priorité accordée au récit et l’humour font bon ménage, sans que les questions politiques et sociales ne soient négligées.
(par Frédéric HOJLO)
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Le Coup de boule est parti tout seul - Par Rémi Lucas (scénario) & Otto T. (dessin) - Éditions Flblb - couleurs & maquette par Guillaume Heurtault & Otto T. - 17 x 24 cm - 240 pages couleurs - couverture cartonnée - parution le 18 février 2021.
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